C’est à Boulder (Colorado) que se tient le troisième débat des républicains. Si les sondages de Trump ont baissé après le précédent débat, ils se sont aussi vite stabilisés et il demeure en tête, toutefois talonné par Carson (qui est même annoncé devant en Iowa). Quant aux autres candidats, ils sont tous sous la barre des 10% : la percée de Fiorina a été un feu de paille, Rubio a eu un sursaut avant de stagner, et Bush (qui a fait part de ses états d’âme quant à l’opportunité de poursuivre sa campagne) continue de décliner. A noter que la veille du débat a été marquée par l’accord trouvé au Congrès entre démocrates et républicains pour empêcher un nouveau shutdown.

"Préparation au débat" - Clay Bennett, Cartoonist Group

“Préparation au débat” – Clay Bennett, Cartoonist Group

 

Résumé

 

  • Bush a été plus terne que jamais, avant-dernier au temps de parole, incapable de se démarquer par des propos puissants et envoyé dans les cordes avec facilité par son ex-protégé Marco Rubio lorsqu’il tenta de l’attaquer sur son absentéisme au Sénat. Jeb semble plus que jamais au fond d’un trou dont il ne peut sortir. Rétablir la situation tiendrait du miracle tant son manque de carrure est flagrant.

Andy Marlette, Creators Syndicate

Andy Marlette, Creators Syndicate

  • La pire performance de la soirée ne vint cependant pas de lui mais des modérateurs de CNBC, dézingués de toutes parts (pendant et après le débat) pour leur piètre prestation (cf. infra).
  • Un pacte de non-agression a-t-il été conclu avant le débat ? A la différence du précédent, les prises à partie entre candidats ont été rares (exceptions : Kasich d’abord, qui s’en prit d’emblée à Trump, lequel le remballa en lui jetant à la figure son passé chez Lehman Brothers ; et ensuite Bush pour son attaque – dont on ne peut pas dire qu’elle ait été un sommet de férocité – vis-à-vis de Rubio), laissant même la place à d’occasionnelles marques de soutien (« je suis d’accord avec Untel », « Untel a raison », « je ne suis pas d’accord avec la position d’Untel mais c’est une grande idée qui doit être débattue » …). Le besoin d’apporter une réponse collective à l’image d’unité donnée par les démocrates lors de leur prestation deux semaines auparavant ?
  • Un sujet sur lequel l’unité des républicains a été sans faille : la critique virulente des médias, que Rubio qualifia de « Super PAC au service des démocrates ».
  • Rengaine revenant tel un disque rayé quel que soit le sujet : « Le gouvernement est trop gros, il faut moins de régulation ». Des exemples ? Question : « Les sociétés pharmaceutiques font payer trop chers leurs médicaments ? ». Réponse : « Le gouvernement est trop gros, il faut moins de régulation ». « La problématique des armes à feu ? » « Le gouvernement est trop gros, il faut moins de régulation ». « Comment financer la sécurité sociale ? » « Le gouvernement est trop gros, il faut moins de régulation ». « Je suis chauve, ai les oreilles décollées et un gros nez. » « Le gouvernement est trop gros, il faut moins de régulation ». Ad lib.
  • Trump a passé une soirée tranquille, n’a pas cherché à faire de vagues ni à attaquer ses rivaux (sauf Kasich, qui avait tiré en premier) et a répété sa volonté de remettre le pays sur la voie du succès.
  • Carson a été mis sur le gril notamment pour son programme fiscal et son soutien à une société pharmaceutique controversée (Mannatech) ; peu convaincant dans ses réponses, mais finalement peu mis sur la sellette.
  • Rubio a marqué des points vis-à-vis de Bush dans son combat pour la tête du courant establishment. L’homme est confiant, possède une certaine fraîcheur dans sa façon de s’exprimer et est poussé par des relais influents qui l’encensent dans leurs éditoriaux. Reste à transformer ce statut de « Obama républicain en puissance » en intentions de vote. Une question de temps et d’écrémage ?
  • Fiorina a le plus parlé mais moins marqué les esprits que précédemment. L’effet de nouveauté s’atténue-t-il déjà ?
  • Cruz : toujours aussi matamore et vindicatif, tribun. Paul : il était là ? Kasich : plus en vue mais souvent avec le même angle (« moi, en Ohio … ») ; plus combatif aussi, mais vite calmé par Trump. Huckabee : souvent un petit mot rigolo quand interrogé, assez discret sinon, sauf quand il s’agit des questions de santé. Christie : il a pu sortir son numéro favori, celui de chef d’école fâché qui élève la voix et siffle la fin de la récré (ce qui n’était pas injustifié).

 

La prestation de CNBC

Guy Varvel, Creators Syndicate

Guy Varvel, Creators Syndicate

  • Pour commencer, un reproche qui ne tient pas aux journalistes en action ce soir-là mais à la structure même du débat telle que définie par le RNC (le « Republican National Committee ») : impossible d’avoir un échange poussé avec les candidats sur leurs programmes, voire simplement d’en avoir une vision globale, d’en creuser sereinement certains points obscurs ou peu crédibles, ou de laisser à l’orateur l’occasion d’en articuler les détails. Une question chasse l’autre, avec un œil permanent sur le chronomètre, et il n’y a pas vraiment d’analyse des propos formulés, ni de contradiction objective apportée.
  • Ensuite, une critique largement relayée par les candidats vis-à-vis du trio de modérateurs John Harwood, Becky Quick et Carl Quintanilla : être partisans et poser des questions biaisées. Une telle attaque aurait pu être gratuite et s’avérer infondée ou exagérée, mais le fait est que les modérateurs, par leur attitude et la manière dont ils ont géré le débat, ont ouvert une brèche béante dans laquelle les républicains ont eu beau jeu de s’engouffrer.
  • Premier reproche concret et relevant entièrement de la responsabilité des modérateurs : leur décision de papillonner d’un sujet à un autre sans laisser la possibilité à tous d’intervenir au moment même de la discussion, créant de la frustration et poussant beaucoup à revenir sur des thèmes déjà abordés lorsque recevant la parole pour une autre question.
  • La forme et le ton employé par les journalistes, ainsi que leur manière d’aborder les sujets, furent également mis en cause, notamment leur volonté de privilégier les « gotcha questions » (littéralement « je t’ai eu ! », c.-à-d. des questions-pièges) cherchant à déstabiliser les candidats plutôt qu’à vraiment aborder des sujets de fond. Quelques exemples : John Harwood demandant à Trump si son programme était « a comic book version of a presidential debate ? » (à quoi Trump répondit qu’il n’aimait pas la manière dont était formulée la question) ; Harwood encore, interrompant Christie qui essayait de répondre à une de ses questions (à quoi le candidat réagit : « John, do you want me to answer or do you want to answer ? Gotta tell you, even in New Jersey what you’re doing is called rude »).
  • La qualité et la pertinence de plusieurs questions furent aussi critiquées, la sortie la plus virulente à cet égard étant celle de Christie qui s’indigna avec véhémence qu’un sujet aussi futile que les paris dans le Fantasy Football soit abordé dans un débat présidentiel.
  • A contrario, dans ce qui était supposé être une soirée centrée sur les sujets économiques, aucune question ne fut posée sur le commerce extérieur, ni sur Wall Street, ni sur les banques too big to fail.
  • Quelques couacs furent aussi dus à un manque de préparation ou de réaction, comme lorsque Becky Quick fut incapable de répondre à Trump que les propos critiques qu’il niait avoir tenu sur les positions de Mark Zuckerberg en matière d’immigration économique étaient inscrits en toutes lettres sur son propre site web.
  • Conséquence directe de ces manquements : une atmosphère délétère entre modérateurs et candidats, ces derniers ayant beau jeu de hurler au scandale de médias partisans (Rubio parla des médias mainstream comme étant le Super PAC des démocrates ; Cruz lança : « This is not a cage match » et « The questions asked so far illustrate why American people don’t trust the media », avant de se plaindre d’une différence de traitement avec les démocrates qui se voient – selon lui – demander « Which of you is more handsome and why ? » alors que les républicains n’ont droit qu’à des questions offensantes et négatives).
  • Conséquence à long-terme : un reformatage des débats ? Les lieutenants de Trump et Carson ont laissé entendre après celui-ci qu’ils allaient en discuter.

 

Thèmes abordés

 

L’économie était le fil rouge de la soirée, mais de manière pour le moins désordonnée, sans réelle cohérence, plutôt un agrégat de questions partant parfois dans tous les sens. A noter aussi quelques oublis notables : rien ainsi en matière de politique étrangère commerciale, rien ou presque sur les banques too big to fail, rien sur l’influence de Wall Street, etc.

 

1°) Sur le réalisme des programmes proposés

 

  • Trump et Carson ont été mis sur le gril concernant le chiffrage de leurs programmes. Le premier s’en est tiré en affirmant que le journaliste était dans l’erreur et qu’un membre de son panel de spécialistes soutenait son plan. Le second a été un peu plus en difficulté, commençant par affirmer qu’il n’avait jamais parlé d’un taux de 10% pour sa « flat tax » et qu’il visait plutôt 15%, puis en se perdant dans une justification chiffrée peu convaincante. Le même Carson parla aussi de diminuer drastiquement les 645 agences fédérales en vigueur et de réduire les niches fiscales.
  • Kasich en profita pour répéter ce qu’il avait dit dès l’introduction : il est essentiel d’élire quelqu’un de compétent et d’expérience, quelqu’un qui ne berce pas les gens d’illusions, ajoutant qu’il était le seul sur scène ce soir à avoir été impliqué dans des exercices d’équilibre budgétaires au niveau fédéral, exercices qu’il avait mené avec succès et qu’il avait un plan réaliste pour diminuer l’impôt, créer des emplois et avoir des budgets équilibrés.
  • Bush renchérit sur Kasich et mit en avant son propre bilan (« j’ai réalisé 19 milliards de dollars de réduction d’impôt en Floride »), soulignant que son plan à lui permettra de créer de la croissance.
  • Fiorina avança quant à elle que le problème n’est pas tant d’avoir un plan que de le mettre en action, soulignant que ce sujet était débattu depuis des années et des années et qu’il fallait absolument avoir un leader qui soit capable de mener la réforme jusqu’au bout. Elle indiqua aussi vouloir simplifier le code fiscal en le réduisant à trois pages.

 

2°) Sur la dette et la sécurité sociale

  • L’endettement du pays et les risques qu’il fait peser sur les citoyens a été un sujet-clef.
  • Paul souligna que l’accord conclu pour éviter le shutdown ne faisait que déplacer des fonds d’un secteur à un autre sans rien résoudre du problème de la dette et que, sans changement de leadership, la banqueroute du peuple américain resterait une inquiétude majeure.
  • Interrogé sur son intention de relever l’âge de la retraite, Christie a déclaré qu’il n’avait pas l’intention de casser le système car celui-ci l’était déjà depuis longtemps, et que (s’adressant à la caméra) tout ce que fait le gouvernement, c’est « voler votre argent ». « Les démocrates ont déjà volé tant de votre argent et vous allez continuer à leur en donner ? »
  • Huckabee a affirmé qu’il ne fallait pas blâmer le peuple pour les questions de sécurité sociale mais bien le gouvernement qui confisque l’argent et ne respecte pas les promesses qui ont été faites aux seniors (en matière de retraite, de soins …), ponctuant son propos d’une comparaison douteuse avec Bernard Madoff qui, lui, croupit en prison pour ne pas avoir tenu les siennes.
  • Cruz abonda pour mettre en évidence le danger guettant la jeune génération qui n’a aucune certitude qu’au service de sa future retraite, et assura lui aussi que l’accord pour éviter le shutdown était un exemple de ce qui n’allait pas dans ce pays, avec des politiciens qui acceptent de laisser filer la dette.
  • Plus tard, le même Huckabee revint sur le sujet en rappelant combien essentiel il était de « déclarer la guerre » au cancer, au diabète, à Alzheimer et aux maladies cardio-vasculaires, et que le vrai problème n’était pas un problème de soins de santé (« healthcare ») mais de santé (« health »).

 

3°) Sur l’emploi

 

  • Interrogé sur les critiques affirmant que son plan pour accroître le nombre de permis de travail alloués aux migrants entrainera une diminution des salaires et une hausse des pertes d’emplois pour des travailleurs américains qualifiés, Rubio (parfois présenté comme « le sénateur de Mark Zuckerberg ») a rétorqué que son programme serait encadré pour éviter de tels abus et que les sociétés qui le dévoieraient seraient sanctionnées. Il a aussi ajouté que le plus important pour les citoyens américains est de leur offrir les formations adéquates qui leur permettront d’exercer les métiers du 21e siècle.
  • Interrogé sur ses critiques quant à la position de Mark Zuckerberg vis-à-vis de l’immigration économique, Trump a profité d’une erreur de Becky Quick pour esquiver la question (cf. supra), clamé être en faveur de conserver les talents étrangers aux Etats-Unis, et s’est déclaré d’accord pour une immigration économique légale. Rubio rajouta que toute immigration légale devait être basée sur le mérite.
  • Cruz et Fiorina ont sorti des tirades enflammées pour critiquer la différence de traitements envers les femmes sur le marché de l’emploi et en ont profité pour décocher des flèches acérées aux démocrates, le premier (qui se soucie beaucoup des « single moms », entre autres parce qu’il y en a plusieurs dans sa famille et que sa mère l’a été avant que son père devienne « born again » et revienne au foyer) affirmant que 3,7 millions de femmes sont passées sous le seuil de pauvreté pendant l’ère Obama, la seconde avançant que 92% des emplois perdus lors du premier mandat d’Obama étaient des emplois tenus par des femmes et que Clinton atteignait des sommets d’hypocrisie sur ce sujet tant ses propositions et les lois d’Obama sont néfastes pour la cause féminine.
  • Bush a un plan pour favoriser l’investissement et créer plus d’emploi. Rubio aussi. Tous en fait.

 

Bilans individuels

 

Portrait officiel de John Kasich en tant que gouverneur de l'OhioPlus en vue que lors du débat précédent, John Kasich s’est voulu offensif, ne répondant pas à la première question de Quintanilla (« quelle est votre principale faiblesse ? ») pour pouvoir stigmatiser d’emblée Trump et Carson en parlant du danger d’élire quelqu’un d’incompétent. Précisant son propos un peu plus tard, il fut cette fois contré par Trump qui le renvoya notamment à son poste de banquier chez Lehman Brothers. Pour le reste, Kasich a (comme souvent) beaucoup parlé de son Ohio où il accomplit tant de merveilles (Trump persifla qu’il avait surtout la chance de disposer du gaz de schiste) et, lorsqu’un présentateur lui demanda si légaliser la marijuana ne pourrait pas apporter des revenus supplémentaires au budget de son état, il débuta sa réponse en indiquant que l’Ohio était bien géré et n’avait pas de problèmes de revenus. En conclusion, une prestation honorable mais pas exceptionnelle ni foncièrement marquante, et qui tourna souvent autour des mêmes registres : « moi, en Ohio … (j’ai déjà tout fait, tout implémenté, tout réglé) » et « regardez mon bilan (Ohio, maison du budget à DC), mes compétences, mon réalisme et mon expérience ».

 

Mike Huckabee en 2015 - Auteur : Gage Skidmore - This file is licensed under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license.Mike Huckabee a été dans sa veine habituelle, ne cherchant pas à s’imposer dans les échanges, attendant que les modérateurs lui posent des questions et distillant quelques bons mots lorsque l’occasion se présentait (p. ex. sur ses faiblesses : « je n’en vois pas, mais vous pouvez demander à ma femme »). Il refusa de saisir la perche gigantesque qu’un journaliste lui tendit pour prendre Trump à partie (« je ne tiens pas à lui donner davantage de temps de parole, j’aime Donald Trump, je porte une cravate Donald Trump, et je suis sûr qu’il ferait un meilleur président qu’Hillary Clinton »), réitéra ses propos sur la nécessité de déclarer la guerre à quatre maladies (cancer, Alzheimer, diabète, cardio-vasculaires, cf. supra), se positionna au challenge « Meilleur ennemi d’Hillary », insista sur l’importance de respecter les promesses faites aux seniors en matière de sécurité sociale et conclut par son refus de laisser une dette astronomique à ses cinq petits-enfants.

 

Jeb Bush en 2015Jeb Bush n’a pas existé. Avant-dernier au temps de parole (7’03’’, trois minutes de moins que Fiorina et Rubio) et sans propos marquants, ses seuls faits notables auront été une tentative de déstabilisation sur Rubio à propos de sa présence au Sénat (une attaque que Rubio déjoua aisément), une pique à l’égard des Français et de leur légendaire paresse au travail (glissée au moment de l’attaque sur Rubio) et un manque d’à-propos lorsque lui fut posé une question sur la régulation du jeu de Fantasy Football, une question à l’intérêt présidentiel limité à laquelle Bush répondit de manière sérieuse, ce qui permit à Christie d’y aller de son coup d’éclat de la soirée, lequel marginalisa un peu plus un Jeb qui a pas senti le sens pris par le débat, c’est-à-dire une lutte candidats vs journalistes. Au bout du compte, un bilan catastrophique, alors que dans le même temps Rubio, son rival à court terme, gagne en crédibilité.

 

Photo officiel de Marco Rubio en tant que sénateur (2011)Marco Rubio s’est bien sorti de plusieurs situations délicates, notamment lorsque, mis sur le gril quant à sa faible présence au Sénat, il se posa en victime de personnes tenant un double discours : les démocrates d’abord qui n’ont adressé aucun reproche semblable à Kerry et Obama lorsqu’ils étaient dans pareille situation, puis Jeb Bush, à qui il sortit le même argument au sujet de son soutien à John McCain en 2008. Autre moment difficile : lorsque la journaliste Becky Quick évoqua les problèmes qu’il rencontrait dans la gestion de son patrimoine privé et demanda s’il avait la maturité et la sagesse suffisante pour gérer un pays de 17 trillions de dollars (Rubio répondit qu’il n’avait hérité d’aucune fortune et qu’il avait trimé dur pour s’en sortir, la journaliste rétorquant que ses déboires étaient postérieurs à la constitution de son patrimoine). A part ça, il réaffirma son optimisme pour le pays mais aussi la nécessité d’agir vite, et recueillit de longs applaudissements en comparant les médias mainstream à un Super PAC démocrate. Sa cote est clairement en hausse dans l’establishment, reste à décoller dans les sondages.

 

Donald Trump en août 2015Donald Trump a été calme, voire conventionnel, ne cherchant pas l’esclandre sauf quand Kasich l’attaqua. Seul moment un peu excentrique : lorsqu’il affirma qu’il se sentirait plus à l’aise si ses employés venaient travailler avec une arme, ajoutant que lui-même avait un permis et qu’il lui arrivait d’en porter une, accompagnant sa tirade d’un geste qui laissa penser qu’il allait la dégainer sur scène. Sur le même sujet, il rejeta sans nuance l’idée de « gun-free zones » (zones sans armes), affirmant qu’elles deviendraient aussitôt la cible des cinglés. Interrogé sur ses faillites à Atlantic City, il affirma qu’il n’avait rien fait d’autre qu’utiliser la loi (« Chapter 11 ») à son avantage, comme tant d’hommes d’affaires avant lui. Il livra aussi une sortie contre les Super PACs, conclut en rappelant que « our country does not win anymore » et ponctua par une remarque expliquant que c’est lui (avec Carson) qui avait imposé un débat de deux heures et pas trois, une preuve de plus (selon lui) de sa capacité à négocier.

 

Ben Carson en 2015Ben Carson est resté fidèle à sa ligne de conduite posée, calme et « candidat par devoir envers les gens qui le lui demandent ». Il a été mis cinq fois sur le gril, quand interrogé sur : 1°) le réalisme budgétaire de son projet fiscal (sa réponse fut vague et peu convaincante) ; 2°) la société Costco qui se vante d’être populaire dans la communauté gay, un positionnement en décalage avec les opinions de Carson, membre du board de cette entreprise (sa réponse : d’abord, la Constitution protège de tout le monde, ensuite le mariage se fait entre un homme et une femme et, contrairement à ce qu’insinuent les démocrates, ce n’est pas parce que quelqu’un défend cette vision qu’il est automatiquement homophobe ; il termina le débat en affirmant qu’il ne fallait pas sacrifier ce qui a fait la grandeur des Etats-Unis sur l’autel du politiquement correct) ; 3°) ses rapports avec la société Mannatech, attaquée pour avoir commercialisé un médicament miracle contre le cancer et l’autisme mais qui ne tient pas ses promesses (Carson démentit toute implication autre que quelques discours à l’un ou l’autre événement et affirma que l’utilisation de son portrait sur le site web de l’entreprise s’était fait sans son accord) ; 4°) le prix élevé établi par l’industrie pharmaceutique sur certains médicaments, sujet qu’il éluda en y allant d’un : « le problème c’est l’emploi, il faut une réduction de la régulation » ; 5°) les subsides à l’industrie pétrolière qu’il veut stopper en faveur de la filière éthanol (il admit s’être trompé et déclara qu’il fallait se débarrasser de tous les subsides et que toute régulation avait un impact négatif).

 

Carly Fiorina en 2015Si Carly Fiorina est celle qui a le plus parlé, elle a toutefois moins marqué les esprits que lors du débat précédent. Interrogée sur la faible performance de l’action HP lorsqu’elle était à la tête de la société, elle expliqua avoir été engagée pour sauver une société qui venait de manquer ses objectifs lors de neuf trimestres consécutifs et qu’elle y était parvenue en faisant des « tough calls » (« des choix douloureux »), ajoutant que c’est ce qui devra être fait à Washington et que l’un des problèmes majeurs du pays était les grandes intentions proclamées à chaque élection mais jamais réalisées par manque de leaders produisant des résultats. Elle livra une longue tirade pour expliquer pourquoi le gouvernement était néfaste pour tout le monde (les grandes entreprises, les PME …), réitéra qu’il fallait le réduire et fuir comme la peste toute forme d’interventionnisme fédérale supplémentaire, et conclut en déclarant « ne pas forcément être la candidate de vos rêves », mais qu’elle serait assurément le pire cauchemar d’Hillary Clinton. Une remarque amusante en début de débat : interrogée sur sa plus grande faiblesse, elle répondit en arborant face caméra son regard le plus enjoué : « On m’a dit que je ne souriais pas assez ».

 

Portrait officiel de Ted Cruz en tant que sénateur (2013)Toujours aussi martial et matamore, Cruz a été meilleur que lors du débat précédent, imposant sa présence tel un tribun aux opinions tranchées et assumées, revendiquant son statut de battant qui ne lâche rien quitte à mettre à mal sa cote de popularité (« je ne suis pas le gars avec qui vous irez boire une bière, mais je vous ramènerai sain et sauf à la maison »). Il s’attira de vifs applaudissements lors de sa tirade contre les modérateurs (cf. supra), critiqua l’attitude de la Fed et des commissions en charge de la politique monétaire, répéta sa volonté de supprimer l’IRS et parla des problèmes rencontrés par les mères célibataires (cf. supra), se positionnant aux côtés de Fiorina en champion de la défense des femmes dans le monde du travail. En clôture, il se positionna comme le seul à véritablement combattre Washington et déclara qu’il lutterait toujours pour la liberté.

 

Chris Christie en 2015Chris Christie a sorti son numéro favori de chef d’école fâché qui élève la voix et siffle la fin de la récré lorsque la discussion tomba sur le Fantasy Football (cf. supra). Il marqua aussi des points au challenge « toi aussi dégomme les médias » en rabrouant John Harwood qui l’interrompait et l’empêchait de répondre. Évoluant lui aussi dans un registre volontaire et vindicatif, il prit régulièrement les démocrates à partie, qualifiant les trois candidats de ce parti encore en lice de « socialiste, pessimiste et isolationniste », avant de se positionner pour un autre concours, celui du « Meilleur ennemi d’Hillary ». Il prit également Obama à partie en déclarant qu’il ne soutenait pas suffisamment les policiers dans leur tâche alors que la mission première d’un président doit être de protéger les citoyens. Sur le changement climatique, il se démarque des autres républicains en déclarant que ledit changement est indéniable, que l’activité humaine y contribue, et que pour résoudre ce problème il ne faut surtout pas augmenter les taxes comme Clinton et Obama le préconisent, mais investir dans les différentes alternatives énergétiques, comme c’est le cas au New Jersey (qu’il affirme être le troisième producteur d’énergie solaire aux Etats-Unis). Sur la sécurité sociale, il soutint qu’augmenter l’âge de la retraite était devenu nécessaire à cause d’un système cassé par le gouvernement (cf. supra) et conclut en déclarant face caméra que « si vous en avez assez que Washington gaspille votre argent, moi, je suis déterminé à changer la situation ». Bref, une prestation déterminée, dans la lignée de la précédente … qui ne lui avait pourtant pas permis de décoller (il stagne aux alentours de 2%). L’histoire sera-t-elle différente cette fois ?

 

Portrait officiel de Rand Paul en tant que sénateur (2011)Rand Paul est intervenu sur certains points (la Fed notamment) mais sans faire d’étincelles. Posé et sérieux, il semble toutefois manquer de passion et de motivation, comme si ce débat et cette présidentielle ne l’intéressaient pas vraiment. Son meilleur moment : sa déclaration de clôture, lorsqu’il déclara souhaiter un gouvernement si petit qu’il pourrait à peine le voir. Insista sur la nocivité de l’accord conclu cette semaine au Congrès, lequel va, d’après lui, exploser le niveau de la dette, dont la réduction, répéta-t-il, constituera sa priorité principale s’il est élu.

 

 

Le résumé du débat en vidéo

 

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