Megyn Kelly en 2012Contexte : ce débat organisé à Des Moines (Iowa) est marqué par l’absence de Donald Trump. En cause : la présence de la journaliste Megyn Kelly pour co-animer l’événement diffusé par Fox News. Trump s’est en effet fâché avec elle lors du premier débat en août, lui reprochant des questions qu’il jugeait injustes et suggérant que son attitude s’expliquait parce qu’elle avait … ses règles.

Au lieu d’être présent sur scène avec les autres candidats, le milliardaire organise son propre événement et le consacre à une collecte de dons en faveur des vétérans de l’armée. Ils seront donc sept à répondre aux questions des modérateurs lors du débat principal (Rand Paul est réintégré), tandis que le débat des seconds couteaux verra la présence de Fiorina, Huckabee, Santorum et Gilmore.

A quelques jours du caucus de l’Iowa, Trump a recreusé l’écart sur Cruz dans les sondages dans cet État et est toujours donné large vainqueur dans le New Hampshire et en Caroline du Sud.

 

Résumé

Le cas Trump a vite été mis de côté par les participants, Cruz évacuant d’entrée le sujet avec une petite blague. Le milliardaire ne fut ensuite plus évoqué, exception faite de Jeb Bush à deux reprises, d’abord pour dire qu’il était un peu son Teddy Bear et qu’il lui manquait, puis, beaucoup plus tard, pour souligner la contre-productivité que ses propos intolérants sur les musulmans risquaient de causer dans la lutte contre Daech.

Son absence lui a-t-elle été préjudiciable ? Le fait est que, vu son avance sondagière, Trump n’avait pas besoin de s’exposer dans un septième débat. Seul risque : vexer les habitants de l’Iowa (où le débat se tenait). Réponse lundi lors du caucus.

Trump absent, la dynamique des échanges a en tout cas changé, avec une attention portée surtout sur Ted Cruz, lequel, mi-sérieux, mi-blagueur, a fini par s’en offusquer en reprochant aux modérateurs des questions invitant ses concurrents à l’attaquer, puis en menaçant de quitter la scène (référence à une sortie similaire de Trump il y a quelques semaines).

Rubio a lui aussi été mis à quelques reprises sur le grill, notamment sur la partie « immigration ». Quant aux autres candidats, ils ont en général été dans leur veine habituelle, Kasich la jouant modéré, Christie réaffirmant son expérience dans la gestion des affaires et sa volonté de battre Hillary Clinton ainsi que de la poursuivre en justice pour ses emails, Paul pointant de son côté les écarts de Cruz et Rubio vis-à-vis de la doxa conservatrice. Effacé (il parla deux fois moins que Cruz et Rubio), Carson a aussi été vague et sans relief, débitant des généralités, tandis que Bush n’a une nouvelle fois pas marqué les esprits.

 

Les moments forts

 

La politique migratoire

Grosse séquence sur l’immigration et les positions présentées comme fluctuantes de Cruz et Rubio sur cette thématique. Les journalistes ont déterré les (pas-si-vieux) dossiers et confronté les candidats à d’anciennes déclarations de leur part sur ce sujet.

  • Premier visé : Rubio, qui avait déclaré en 2010 vouloir s’opposer à la légalisation et l’obtention de la citoyenneté des clandestins, avant, une fois élu, de proposer de telles mesures. Il contesta cette interprétation, expliquant que le projet de loi concerné à l’époque était trop peu contraignant, puis bifurqua sur ses propositions actuelles pour sécuriser la frontière (notamment embaucher 20 000 agents) et résoudre l’impérieux problème du contrôle de l’immigration illégale. Interrogé sur ce sujet, Bush confirma avoir soutenu Rubio dans sa démarche avec le Gang of Eight mais regretta qu’il n’ait pas été au bout de ses idées et se soit arrêté au milieu du chemin. Quant à Rand Paul, il regretta la permissivité en matière de contrôle des frontières suite aux lois défendues par le Gang of Eight.
  • Second visé : Cruz, qui s’affiche comme champion « anti-amnistie » vis-à-vis des clandestins mais qui semble avoir tenu un double discours sur ce sujet. Paul et Rubio furent particulièrement sévères à ce propos, tandis que Cruz réfuta ces allégations.

 

Les assauts contre Cruz

 

Portrait officiel de Ted Cruz en tant que sénateur (2013)Rançon de la gloire, le sénateur du Texas a été cette fois particulièrement ciblé, notamment par Rand Paul qui, suite à une question sur son père (dont Cruz se réclame l’héritier intellectuel), l’attaqua sur un vote « audit-the-Fed » défendu par Ron Paul mais que Cruz fut apparemment le seul républicain à ne pas voter car il était absent. Le même Paul l’attaqua ensuite également sur ses positions en faveur d’une NSA plus intrusive.

Autre assaut subi par Cruz : celui de Rubio,qui lui reprocha une nouvelle fois des votes en faveur de réductions des dépenses militaires et batailla avec lui sur la question de l’immigration (cf. supra).

Enfin, si Christie éluda d’abord une question sur le manque d’expérience présumé de Cruz et Rubio, il n’hésita pas, après la longue discussion sur l’immigration entre ces mêmes Cruz et Rubio, à intervenir dans la conversation pour déclarer : « voilà pourquoi il faut envoyer à la Maison Blanche quelqu’un d’extérieur à Washington (…), quelqu’un qui ne se cachera pas derrière des ruses de parlementaires ».

 

Autres sujets

 

  • Sur Daech et le terrorisme : Bush a réitéré le plan de lutte qu’il avait déjà évoqué (armer les Kurdes, intégrer des troupes US avec les militaires irakiens, entraîner une force sunnite en Syrie …) ; Rubio a justifié son absence de soutien à l’intervention militaire en Syrie parce que, à l’époque, le plan d’Obama était de frapper Assad et non pas Daech ; Paul a répété son point de vue que se débarrasser de Bachar el-Assad n’était pas une bonne idée, Christie a fait de même au sujet de son opposition au profiling. Quant à Carson, il a déclaré que tout migrant était bienvenu mais devait accepter les valeurs et les lois du pays, et Kasich a décrété que les Etats-Unis ne devaient pas être la police du monde.
  • Sur l’Iran : Rubio veut dénoncer le traité. Kasich est plus pondéré mais est prêt à agir agressivement si l’accord n’est pas respecté.
  • Sur l’Obamacare : Cruz confirme sa volonté d’en dénoncer tous les termes s’il arrive au pouvoir, le traitant de « job killer » et de désastre. De son côté, Christie dénonce le planning familial mais, sur la question de la fonctionnaire du Kentucky qui a refusé de reconnaître un mariage gay, il est sans équivoque, la loi doit être appliquée.
  • Sur Clinton : charge virulent de Bush et Christie au sujet de ses emails, ce dernier en rajoutant une couche sur Benghazi.
  • Carson : son manque d’expérience gouvernementale n’est pas un problème, dit-il, il a l’habitude de gérer des situations d’urgence, de mettre des équipes en place, de prendre des décisions complexes, et en outre, il apportera des solutions nouvelles (« Think out of the box »).
  • Paul : « Je pense que l’avortement est toujours une erreur. »
  • Christie sur le « Bridgegate » : il déclare que trois enquêtes ont montré qu’il n’était pas au courant, puis sort un couplet sur l’état dans lequel il a trouvé le New Jersey lorsqu’il a été élu gouverneur.
  • Discussion avec Bush sur les difficultés de Puerto Rico et la possibilité qu’il devienne un État des États-Unis.
  • Kasich et Christie refusent de se voir accoler l’étiquette « establishment ».

 

Le résumé du débat en vidéo

 

 

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