Première partie – Du 28 avril au 1er mai : avant-débat, affaires et défilés

L’avant-débat est marqué par une résurgence des affaires dans les deux camps. A gauche, c’est le cas DSK qui revient sur la table, d’abord via une vraie-fausse interview dans The Guardian (à qui il affirme que la droite ne lui a certes pas tendu un piège, mais qu’elle a profité des événements pour l’enfoncer et l’éliminer), ensuite par la présence de l’intéressé à l’anniversaire de Julien Dray, ce qui déclenche une mini-panique chez Valls et Royal qui s’empressent de déguerpir pour ne pas être vus en sa compagnie.

A droite, c’est la question du financement de la campagne 2007 qui effectue un retour en force. En cause : la publication par Mediapart d’un document qui prouverait l’accord de principe du colonel Kadhafi pour fournir de l’argent à Nicolas Sarkozy. L’UMP dément avec vigueur et le président sortant accuse Mediapart d’être « une officine au service de la gauche ».

A Toulouse dimanche et à Avignon lundi, Nicolas Sarkozy affiche sa confiance et voit « monter une mobilisation qu’il n’a jamais sentie dans toute sa vie politique ». S’adressant aux électeurs FN, il déclare : « si vous vous abstenez, votre abstention servira le candidat socialiste ». Il prophétise aussi le retour du laxisme et de l’assistanat, ainsi que la régularisation de tous les étrangers en situation illégale, avant de se lancer dans une apologie de la nation et des frontières, s’en prenant vertement à l’Europe « passoire » qui a trop laissé « s’affaiblir la Nation ».

Au Trocadéro le premier mai, il s’en prend aux syndicats qui font de la politique au détriment de la défense des salariés (« Le drapeau rouge, c’est le drapeau d’un parti. Notre drapeau, c’est celui de la France ») et déclare vouloir « un nouveau modèle français où la réussite ne sera plus regardée avec suspicion » (« Ce qu’elle possède, la France du travail, elle l’a gagné. Son patrimoine, c’est le sien (…) On n’a pas le droit de culpabiliser la France du travail »).

Du côté de François Hollande, le principal meeting se tient à Bercy le dimanche 29. Comme précédemment, il présente Nicolas Sarkozy comme le champion de la division. Visant les électeurs FN, il déclare comprendre la souffrance de beaucoup et dit vouloir reconquérir les hommes et les femmes en colère, mais sans promettre ni se compromettre. Petite sensation en fin de meeting : au lieu de descendre de scène pour un bain de foule après qu’a retenti la Marseillaise, le candidat revient à son pupitre pour cinq minutes improvisées au cours desquels il demande aux Français de se mobiliser.

Sans surprise, Marine Le Pen annonce qu’elle votera blanc et ne donne pas de consigne à ses électeurs. « Je n’accorderai ni confiance ni mandat à ces deux candidats qui (…) s’ingénient depuis trente ans à faire perdre la France ».

 

 

Deuxième partie – 2 mai : le débat

Le débat de l'entre-deux tours Sarkozy-Hollande - Les candidats François Hollande et Nicolas Sarkozy. Entre les deux, les journalistes Laurence Ferrari et David Pujadas » - C. Russeil/FTV

Les candidats François Hollande et Nicolas Sarkozy. Entre les deux, les journalistes Laurence Ferrari et David Pujadas »

Le débat a été agressif mais globalement équilibré, aucun adversaire ne perdant pied ni ne prenant nettement le dessus sur son adversaire. Tout bénéfice pour Hollande, qui, au vu de son avance dans les sondages, avait le plus à perdre, et donc, de facto, échec pour Nicolas Sarkozy, pour qui le débat représentait la dernière bouée à laquelle se raccrocher. Contrairement à ses attentes, il n’est pas parvenu à « exploser » Hollande, trouvant face à lui un candidat pugnace qui a su le contrer et neutraliser ses attaques sans commettre d’erreur majeure. L’ultime chance de succès pour Nicolas Sarkozy s’est sans doute envolée.

Les échanges sont ouverts par François Hollande qui déclare d’emblée qu’il sera le président de la justice et que les privilégiés ont été trop protégés lors du dernier quinquennat. Il affirme également qu’il sera le président du redressement au niveau de l’emploi, de la production et de la croissance. Nicolas Sarkozy lui répond que son entrée a été très classique, mais que ce que lui veut du débat de ce soir, c’est un moment de vérité, au cours duquel aucun des candidats ne cherchera à esquiver aucun sujet, comme il reproche à Hollande de le faire. S’ensuit une tirade des deux jouteurs pour savoir qui sera le meilleur rassembleur.

Les sujets-clefs de la campagne sont ensuite tour à tour évoqués : l’économie évidemment, qui monopolise une grande partie des échanges, mais aussi l’éducation, l’immigration, le nucléaire, etc. Les questions de politiques internationales sont par contre réduites à la portion congrue (une dizaine de minutes, essentiellement sur l’Afghanistan et le terrorisme en Afrique du Nord). Les débats sont assez techniques, avec une multitude de chiffres assénés par l’un et aussitôt contestés par l’autre. Hollande réalise une tirade convaincante sur l’éducation, mais est mis en (relative) difficulté sur l’immigration et les centres de rétention. Il a par contre beau jeu de systématiquement renvoyer Sarkozy à son bilan (« Ce n’est jamais de votre faute », « Ce n’est jamais vous »), lequel a du mal en s’en dépêtrer et continue de jouer davantage sur sa stature de chef d’État que sur son programme.

Niveau style, Hollande est le premier à interrompre son adversaire et apparaît le plus tendu en début de débat. Mais Nicolas Sarkozy ne tarde guère à le prendre également à partie, et s’en suivront quelques échanges vifs (Sarkozy traitant Hollande de « petit calomniateur ») mais sans dérapages véritables (excepté peut-être quand le candidat UMP croit bon de mettre le cas DSK sur la table). A noter que lorsqu’il prend la parole, Nicolas Sarkozy s’adresse le plus souvent aux journalistes Laurence Ferrari et David Pujadas, non par choix, mais parce que, sera-t-il plus tard révélé, Hollande ne le regarde pas mais plonge le nez dans ses notes. Hollande renvoie également Sarkozy dans les cordes en ne le laissant pas se poser en maître face à un étudiant (« Ce n’est pas vous qui posez les questions, ce n’est pas vous qui donnez les notes ! »).

L’instant mémorable du débat est la tirade de François Hollande (qu’il dira avoir improvisée) « Moi président de la République, … ». Plutôt efficace et bien sentie au début, elle s’éternise toutefois rapidement, le candidat PS la répétant une quinzaine de fois. Elle semble néanmoins avoir eu son petit effet. La plupart des observateurs s’étonneront cependant de l’absence de réaction de Nicolas Sarkozy, lequel ne chercha pas à l’interrompre ni à souligner une forme d’arrogance chez son adversaire.

 

Troisième partie – du 3 au 5 mai : derniers jours de campagne

 

  • Jeudi, François Bayrou déclare qu’il votera à titre personnel pour François Hollande. C’est une surprise, l’attente était davantage portée vers un vote blanc. Grosse amertume du côté de l’UMP, qui parle « d’incohérence » dans le choix du candidat Modem, surtout en regard de l’économie.
  • Climat malsain autour des journalistes couvrant les meetings UMP : mardi au Trocadéro, c’est une journaliste de Mediapart qui est vivement prise à partie par des militants, et jeudi c’est Ruth Elkrief de BFM qui subit des désagréments. Beaucoup y voient les conséquences du discours agressif de Nicolas Sarkozy vis-à-vis des médias qu’il accuse de tous les maux.
  • Affaire Kadhafi suite et pas fin : valse de démentis et contre-démentis (de l’UMP, de la Libye …)
  • Sondages : la victoire de Hollande est toujours annoncée, malgré un tassement. Nicolas Sarkozy n’en continue pas moins d’annoncer une élection qui n’aura jamais été aussi indécise.
  • Ultimes meetings de campagne : à Toulouse (où il annonce sentir venir la victoire) et Périgueux (appel à rester mobilisés) pour Hollande, à Toulon (où il brandit la menace des « expériences folles » de la gauche) et aux Sables-d’Olonne pour Sarkozy.

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