Introduction (20 janvier 2012)

Nicolas Sarkozy en 2010Le président sortant est mal embarqué. Son quinquennat a été catastrophique sur le fond et dans la forme, et la liste des casseroles qui plombent son bilan paraît infinie. Ainsi, parmi les reproches à lui être adressés, citons en vrac : avoir été le président des riches (instauration du bouclier fiscal ; vacances sur le yacht de Bolloré) ; avoir été un président « bling-bling » incapable d’endosser les habits de la fonction (la fête au Fouquet’s ; le train de vie élyséen ; le divorce avec Cécilia ; le remariage avec Carla ; le « Casse-toi, pov’ con » du Salon de l’Agriculture) ; l’échec du « travailler plus pour gagner plus » (hausse du chômage, impuissance face au déclin industriel, surtout en comparaison avec l’Allemagne) ; le dérapage des déficits publics ; la perte du triple A ; l’échec de la conférence climatique de Copenhague ; un Grenelle de l’environnement insignifiant ; le pourrissement de la question migratoire (les Roms) ; etc.

A cette liste s’ajoute une série de scandales divers et variés qui ont frappé son entourage depuis 2007  :

  • les propos de l’ex-ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux sur « les Auvergnats »
  • l’affaire de l’EPAD et du « Prince Jean »
  • les suites de l’affaire Clearstream
  • l’affaire Frédéric Mitterrand suite à l’affaire Polanski
  • les affaires Woerth (Compiègne et Bettencourt)
  • l’affaire Bettencourt
  • les déclarations de Michèle Alliot-Marie sur la Tunisie au moment du déclenchement de la révolution de jasmin
  • les suites de l’affaire Karachi
  • l’affaire des fadettes
  • etc.

Ces déboires n’empêchent pas Nicolas Sarkozy de revendiquer plusieurs succès. Ainsi épingle-t-il à son tableau de chasse sa gestion de la longue crise financière (avec un argumentaire qui peut se résumer à : « sans moi, ça aurait été pire », « la France a mieux résisté que la moyenne européenne » et « j’ai sauvé l’euro »), son rôle dans la crise russo-géorgienne de 2008, la libération des infirmières bulgares en Libye, la chute de Kadhafi, la solidarité du couple franco-allemand, Hadopi, la réforme des retraites, etc.

L’euphorie suivant son succès incontestable de 2007 (31% au premier tour, 53% au second) aura été de courte durée. Dès sa victoire proclamée est revenu au galop un naturel qu’il avait réussi à brider le temps de la campagne. Conséquence : des maladresses en pagaille et une hyperactivité improductive qui l’ont exposé comme jamais aucun président avant lui. Le rejet envers sa personne est très fort et les sondages le donnent largement battu par Hollande.

Le combat est-il joué d’avance ? Si son bilan est calamiteux et si les montées dans les sondages de Le Pen et Bayrou indiquent une perte de voix tant à droite qu’au centre, Sarkozy n’en reste pas moins une véritable machine de campagne, où son énergie, son style et sa combativité s’expriment à plein. Il entend aussi profiter au maximum des avantages de la fonction présidentielle pour mener une campagne officieuse sans se déclarer, tout en donnant l’image d’un président concerné à 100% par les problèmes des Français.

Son expérience est un autre atout qu’il ne manque pas de faire valoir (Hollande n’a jamais été ministre), ainsi que sa détermination et le rôle de leader qu’il assure être seul en mesure d’assumer dans la crise actuelle. Enfin, il a réussi à empêcher toute dissidence à droite susceptible de le gêner, Borloo ayant renoncé, Villepin étant marginalisé et Morin et Boutin insignifiants. Une exception : Bayrou, qui semble retrouver une dynamique semblable à celle de 2007, à même de mordre sur l’électorat sarkozyste et de le poser en alternative pour empêcher Hollande de s’imposer

En résumé, si la réélection de Nicolas Sarkozy serait une énorme surprise, tout paraît cependant encore possible, dans un sens (résurrection) comme dans l’autre (absence au second tour et 21 avril à l’envers). Certains proches laissent planer le doute quant à sa candidature, mais peu croient qu’il ne se représentera pas. Sa stratégie est de parier sur l’usure d’un Hollande entré en campagne plus tôt que lui, et de miser sur son effondrement, voire son absence au second tour.

La présentation de tous les candidats

 

Intentions de vote à la mi-janvier 2012 

Le sondage réalisé par les 13 et 14 janvier par l’institut Ipsos montre une érosion chez Hollande, mais également chez Sarkozy. Tout profit pour Bayrou qui se relance et ouvre la possibilité d’un match à quatre. Mélenchon continue de ne pas décoller, Le Pen reste stable, Joly chute.

Par rapport aux votes de 2007, le rassemblement réussi par Sarkozy s’effondrerait au profit du FN qui retrouverait son niveau de 2002, mais pas des Divers droites qui ne récolteraient qu’un maigre 4% (elles avaient atteint 13,4% en 2002). Les réserves de Sarkozy pour le second tour seraient donc faibles et il devrait espérer un report très favorable du FN et du Modem pour l’emporter. En hausse, le PS attirerait une partie des voix du centre et parviendrait à faire jouer le vote utile, avec, comme victime collatérale, l’extrême-gauche (PCF, LCR/NPA et LO), dont le score agrégé demeurerait loin de celui obtenu en 2002. Reste le Modem, en baisse par rapport à 2007, mais nettement supérieur au niveau 2002, pour autant que Bayrou maintienne la tendance, voire l’accélère.

En ce qui concerne le second tour, l’avance de Hollande s’éroderait mais resterait large. 
Niveau report des votes, Hollande ferait le plein sur l’extrême-gauche et les Verts, et capterait la majorité des électeurs de Bayrou, ceux de Le Pen se répartissant de manière égale entre les deux candidats testés et les « Ne se prononcent pas ».

 

Semaine du 22 au 28 janvier

François Hollande au BourgetHollande lance véritablement sa campagne le dimanche 22 par un meeting au Bourget. Ledit meeting déclenche davantage d’enthousiasme que généralement attendu et dévoile (ou confirme pour certains) la dynamique enclenchée autour du candidat socialiste.

Du côté de Nicolas Sarkozy (qui continue à ne pas vouloir se déclarer), la semaine a été marquée par la publication de propos off dans lesquels il avoue songer à l’évolution de sa carrière en cas de défaite. Ces propos sont mal reçus par son camp et minent le moral de troupes qui semblent de moins en moins y croire.

Le reste de sa semaine est marqué par le soutien affiché par Angela Merkel (dont un collaborateur annonce qu’elle assistera à au moins un de ses meetings) et l’annonce d’une interview télévisée le dimanche 29 janvier. Cette intervention sera diffusée par pas moins de six chaînes et consistera en un long échange au cours duquel Sarkozy devrait parler entre autres d’augmenter la TVA, mais toujours pas se déclarer candidat.

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Semaine du 29 janvier au 5 février

Seize millions de spectateurs suivent dimanche 29 la prestation du président retransmise par neuf chaînes de télé. Au cours de l’entretien, Nicolas Sarkozy continue de garder sa posture de chef de l’État, refuse de se déclarer candidat et annonce la prise de mesures présentées comme urgentes mais qui n’entreront en vigueur … qu’après la présidentielle (pour autant que le vainqueur ne décide pas de les supprimer).

A l’annonce attendue de la hausse de 1,6% de la TVA (TVA sociale) s’ajoutent une baisse des cotisations patronale, une taxe sur les transactions financières et la possibilité de construire 30% de plus sur son logement (dynamisation du secteur du bâtiment). Sont également annoncés la création d’une banque de l’industrie, le relèvement du quota de jeunes en apprentissages et la possibilité pour chaque entreprise de conclure des accords sur le temps de travail avec ses employés (mesure anti-35 heures). L’entretien est émaillé de nombreuses références à l’Allemagne, érigée en modèle.

Dans les jours qui suivent ont lieu de nombreuses fuites sur le débriefing de sa prestation avec les ténors de l’UMP, notamment des commentaires comme quoi les médias jouent contre lui (« on me dit suicidaire, alors je suis le suicidaire le plus en forme de France »).

Le reste de sa semaine est marquée par une plume symbolique à son chapeau avec le sauvetage de la société de lingerie Lejaby (en partie grâce à l’intervention du patron de LVMH Bernard Arnault), mais aussi par une sortie du ministre de l’Intérieur Claude Guéant sur les « civilisations inférieures » (« toutes les civilisations ne se valent pas, (…) il faut protéger notre civilisation »). Cette déclaration provoque un tollé et la gauche dénonce un « dérapage volontaire » visant à marcher sur les plates-bandes du FN.

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Semaine du 6 au 12 février

ClaudeClaude Guéant, Ministre de l’Intérieur, en 2011Semaine en deux temps pour Nicolas Sarkozy, avec d’abord, les suites de la sortie du ministre de l’intérieur Claude Guéant (photo) sur les « civilisations inférieures » (cf. semaine précédente). Lors d’une session de questions au gouvernement, le député martiniquais Serge Letchimy (apparenté PS) déclenche un chahut dans les travées de l’Assemblée nationale en déclarant à Claude Guéant : « Vous nous ramenez jour après jour à ces idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration ». Interrogé ultérieurement sur cette polémique, Nicolas Sarkozy qualifie les propos de son ministre de  « de bon sens ».

Plus tard dans le semaine, Nicolas Sarkozy (toujours officiellement non-candidat) dévoile au Figaro Magazine ses valeurs. Parmi les sujets abordés : l’éducation (où il estime ne pas avoir été au bout de la réforme), les collectivités locales (qu’il veut obliger à réduire leurs dépenses), les droits des homosexuels (opposition au mariage gay) et la fin de vie (rejet de l’euthanasie). Il évoque également sa volonté de s’adresser directement aux Français en recourant plus activement au référendum, notamment en matière de chômage et d’immigration, sujets sensibles s’il en est, pour lesquels il propose :

  • pour le chômage : que toute personne sans perspective sérieuse de retrouver un emploi soit obligée de choisir une formation qualifiante à l’issue de laquelle elle serait tenue d’accepter la première offre d’emploi correspondant.
  • pour l’immigration : une réforme du droit des étrangers, avec la création une seule juridiction chargée des expulsions des étrangers entrés illégalement sur le territoire. Cette réforme donnerait la primauté d’intervention à la justice administrative, réputée plus expéditive. Le but serait d’augmenter les renvois et de les accélérer pour être moins exposé aux critiques du FN en la matière.

Pour les observateurs, ces propos portent la patte du conseiller ultradroitier Patrick Buisson (qui a entre autres été journaliste à Minute) au détriment d’autres conseillers de l’Élysée. Pour le spécialiste d’histoire politique Christian Delporte interrogé par Libération, « c’est la troisième stratégie de Sarkozy. Il y a eu le président protecteur, puis le président courage, et maintenant, c’est le président à droite toute. Cela montre qu’il cherche d’abord à bétonner son score au premier tour ».

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Semaine du 13 au 19 février

Mercredi 15 février, au 20h de TF1, Nicolas Sarkozy annonce officiellement sa candidature à la présidentielle 2012. Contraint par l’impérieuse nécessité de combler son retard sur Hollande, le président sortant entre dans la bataille plus tôt qu’il ne l’avait escompté.

Au cours de son intervention, Sarkozy réitère son intention de « redonner la parole au peuple français par le référendum », notamment, confirme-t-il, sur le chômage et l’immigration (cf. semaine précédente). L’annonce est suivie de l’inauguration du QG de campagne, ainsi que par des meetings à Annecy et Marseille, où Sarkozy affirme être « le candidat du peuple » et accuse Hollande de mentir « matin et soir ».

Son slogan de campagne (« La France forte ») est également dévoilé et aussitôt parodié de mille et une façons.

Dans la foulée de l’officialisation de cette candidature, le journal Libération évoque « l’hypercandidat », dont l’objectif est de se « déprésidentialiser ». Ses adversaires, eux, fustigent en vrac en vrac un déni de bilan, une multiplication de promesses, un soudain recours au référendum qu’il rejetait jusque-là, et le culot monstre de se présenter comme « le candidat du peuple », lui qui a été « celui des riches et des conseils d’administration ».

Au lendemain de la déclaration de Sarkozy, François Hollande dénonce « le fiasco de la présidence » ainsi que « les attaques, la falsification, la caricature de Sarkozy ». « Sarkozy est l’homme de la crise, je suis l’homme de la sortie de crise » ajoute-t-il, avant de s’en prendre à « l’État-UMP », ce qui lui vaut en retour une sortie de la porte-parole de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui l’accuse de préparer une chasse aux sorcières chez les hauts fonctionnaires.

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Semaine du 20 au 26 février

Sondage Ipsos-Le Monde réalisé après l’annonce de candidature de Sarkozy et ses premiers meetings. L’écart avec Hollande est inchangé par rapport au dernier sondage réalisé avant l’entrée en lice officielle du candidat UMP. A contrario, la perspective d’un match à quatre s’éloigne, Le Pen se tassant et Bayrou tombant au point d’être talonné par Mélenchon.

Les autres instituts de sondage annoncent cependant un resserrement entre Hollande et Sarkozy au premier tour, CSA annonçant même un écart réduit à un point. Ces divergences relancent le débat sur la valeur des sondages, leurs méthodologies, leurs marges d’erreur, leur influence, leur omniprésence.

Leur vision pour le second tour reste cependant similaire, chacun continuant de pronostiquer une nette victoire de Hollande (59% dans le meilleur cas, 56% dans le moins bon) (ici, les données Ipsos).

 

Le reste de la semaine

Nicolas Sarkozy accélère le tempo et multiplie regrets (entre autres sur l’épisode du Fouquet’s), ballons d’essai (instauration à la marge de la proportionnelle) et déplacements (Salon de l’Agriculture, ou encore la raffinerie Petroplus, une entreprise en dépôt de bilan pour laquelle il annonce un investissement de Shell garantissant le maintien des emplois pour au moins six mois).

Dans un autre registre, l’UMP profite de la garde-à-vue de DSK (affaire Carlton) pour intensifier les attaques contre le PS. Celui-ci contre-attaque grâce à la polémique sur le parachutage envisagé de Borloo à Veolia.

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Semaine du 27 février au 4 mars

François Hollande en 2012Gros coup de François Hollande lundi soir sur TF1. Avec l’annonce de son intention d’imposer à 75% la tranche des revenus supérieurs à un million d’euros, le socialiste marque les esprits et éclipse les diverses sorties de Nicolas Sarkozy (refus d’un référendum sur le traité européen ; attaques sur Valérie Trierweiler – la compagne journaliste de Hollande – et sur les amitiés du candidat socialiste avec les actionnaires du Monde ; propositions pour l’éducation ; promesses d’investissements pour Arcelor-Mittal à Florange …) qui entendait pourtant être celui qui dicterait le rythme de la campagne.

C’est en fait toute la semaine de Nicolas Sarkozy qui se révèle difficile : son espoir de rapidement rejoindre et dépasser Hollande dans les intentions de vote du premier tour ne se concrétise pas (l’écart, après un resserrement, semble même se recreuser), certaines sorties approximatives l’exposent à un retour de bâton (cafouillages sur le chiffrage de la question enseignante ; scepticisme général quant au sort de Florange ; manque d’élégance pour s’en être pris à la compagne de Hollande) et son entourage commet quelques bévues que les médias ne manquent pas de monter en épingle (Guaino qui perd ses nerfs dans un débat télévisé ; Nathalie Kosciusko-Morizet qui ne connait pas le prix d’un ticket de métro ; Guéant qui associe droit de vote des étrangers et viande halal obligatoire).

Le sommet est atteint jeudi à Bayonne, où le président sortant est accueilli par des indépendantistes basques (auxquels se sont sans doute mêlés une poignée de militants socialistes) qui le huent et tentent de l’atteindre avec des œufs. Contraint de se réfugier dans un bar, il n’en sortira qu’après l’arrivée des CRS. Il accusera ensuite Hollande d’être responsable de ces débordements par sa volonté « d’épuration » de l’État. Les socialistes s’offusquent.

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Semaine du 5 au 10 mars

Marine Le Pen en 2010Le début de semaine est marqué par l’emballement de la question halal. Rétroactes : Marine Le Pen dénonce il y a trois semaines le fait que toute la viande mangée en Île-de-France provient d’animaux abattus suivant le rituel halal. Les associations d’abattage démentent et Nicolas Sarkozy déclare que « ce débat n’a pas lieu d’être ». La polémique n’en reste pas moins latente et, trois semaines plus tard, le président sortant change de point de vue et se déclare « pour l’étiquetage de la viande en fonction de la méthode d’abattage ». Ces propos ont été précédés par une sortie de Claude Guéant liant halal et droit de vote des étrangers, et suivis par une déclaration du Premier Ministre François Fillon sur « les traditions ancestrales qui ne correspondent plus à grand-chose alors qu’elles correspondaient dans le passé à des problèmes d’hygiène », avant que Sarkozy n’en rajoute une couche en déclarant que « le halal est au cœur des préoccupations des Français ». Un sentiment de malaise gagne l’UMP et la communauté musulmane, mais aussi la communauté juive, laquelle se sent également visée. C’en est trop et Sarkozy fait marche arrière, préconisant désormais un simple « étiquetage sur base du volontariat » et demandant que soit mis un terme à « cette polémique qui n’a aucun intérêt ». La chasse sur les terres FN reste décidément un sport périlleux.

Avant son méga-meeting du dimanche 11 mars à Villepinte, le même Nicolas Sarkozy passe mardi à Des Paroles et des Actes (France 2). Commençant par relativiser les sondages qui le donnent battu (il cite les contre-exemples Balladur et Jospin), il se livre ensuite à un nouveau mea-culpa sur les « écarts » ayant entaché son mandat (Fouquet’s, yacht Bolloré, EPAD, …). Rayon propositions, il annonce son intention de mettre en place un impôt sur les bénéfices minimums pour les grands groupes, ainsi que sa volonté de diviser l’immigration annuelle par deux et renforcer les conditions d’accès aux aides sociales pour les immigrés. Il revient également sur l’instauration de la proportionnelle aux législatives et qualifie Hollande d’homme « qui ne sait pas dire non ».

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Semaine du 11 au 18 mars

Sursaturation de l’espace médiatique par Nicolas Sarkozy, lequel entend bénéficier d’une exposition maximale avant l’entrée en vigueur la semaine prochaine de la règle d’égalité du temps de paroles des candidats.

Point de départ névralgique de cet intense déploiement d’énergie : le méga-meeting du dimanche 11 à Villepinte (40 000 militants et sympathisants UMP), un meeting au cours duquel le président sortant adopte un discours très agressif vis-à-vis de l’Europe (« Il faut revoir Schengen (…) et si l’Europe refuse (…), alors la France suspendra sa participation à ces accords », suivi par « Il faut doter l’Europe d’un Buy European Act (…) et ici aussi, s’il y a blocage, la France prendra les devants ») qui suscite de vives réactions à l’étranger, le Wall Street Journal allant jusqu’à évoquer un « Nicolas Le Pen » ! Suivent un passage dans l’émission Paroles de candidats sur TF1 lundi (marqué par l’annonce de sa volonté de taxer les exilés fiscaux), diverses interviews radios, une participation au Grand Journal de Canal + vendredi et une autre à Capital (M6) dimanche.

Cette hyperactivité donne le tournis aux instituts de sondages qui se répandent en études contradictoires. Lundi, Ifop annonce Sarkozy devant Hollande au premier tour. Mardi, Sofres donne une tendance inverse. Mercredi, CSA place les deux candidats à égalité. Samedi, LH2 montre Sarkozy en hausse mais toujours distancé par Hollande. Dimanche enfin, Ifop à nouveau annonce Sarkozy en pole-position mais pour seulement un demi-point. Bref, une cacophonie sans nom, qui fait toutefois le jeu de Sarkozy, le sentiment dominant étant que le président sortant a réussi à reprendre la main et à inverser (ou atténuer) la dynamique qui le donnait perdant sans rémission (et ce, même si tous les instituts s’accordent toujours pour donner Hollande nettement vainqueur au deuxième tour).

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Semaine du 19 au 25 mars

Drapeau de la République françaiseL’horreur et la stupeur s’abattent sur la France lorsque quatre personnes (un adulte de trente ans, ses deux enfants et une petite fille) sont abattues froidement dans une école juive de Toulouse lundi à neuf heures du matin. Très vite les enquêteurs font le lien avec deux autres faits divers qui commençaient à soulever questions : l’exécution d’un militaire en civile une semaine plus tôt à Toulouse également, et celle trois jours auparavant de trois soldats en uniforme (dont un survivra) à Montauban. Pendant trois jours, la campagne va s’arrêter, ou du moins, se décliner en pointillés.

Nicolas Sarkozy ré-endosse les habits de président (le CSA annonce que ses interventions sur le sujet ne seront pas décomptées de son temps de parole), annule ses meetings et suspend sa campagne. Idem pour François Hollande (qui calque pendant trois jours ses déplacements sur ceux de Sarkozy) mais pas François Bayrou ni Jean-Luc Mélenchon, tandis que Marine Le Pen adopte un profil bas, la thèse d’un acte néo-nazi semblant plausible au vu de l’identité des victimes (juives dans le cas de l’école, d’origines nord-africaines et antillaises pour les militaires). La vérité s’avérera tout autre, le tueur étant un certain Mohamed Merah, un Français de 24 ans passé par des camps d’entraînement au Pakistan et en Afghanistan et se revendiquant d’un islam radical, quoique semblant avoir agi seul. Identifié dès mardi, il repousse une première tentative d’entrée dans son domicile par le RAID. Barricadé chez lui pendant trente heures, il sera finalement tué armes à la main lors d’un nouvel assaut donné jeudi en fin de matinée.

Si tous les candidats appellent d’emblée à la retenue et à éviter toute récupération, en pratique les attaques ne tardent guère. Ainsi François Bayrou, avant que ne soit connue l’identité du tueur, accuse la majorité d’être responsable des divisions qui minent la société française. Il tentera par la suite d’atténuer ces propos. Côté UMP, Copé sort l’artillerie lourde en stigmatisant les candidats qui ne respectent pas le temps de deuil et en accusant Hollande de double langage. Côté PS, les attaques se concentrent sur les manquements des services de renseignements, l’échec de la politique sécuritaire depuis dix ans et la mise en scène par le ministre de l’Intérieur Claude Guéant de la mise hors d’état de nuire de Mohamed Merah. Claude Guéant est également la cible d’Eva Joly, qui lui reproche d’avoir outrepassé ses fonctions au détriment du juge d’instruction, tandis que Nathalie Arthaud dénonce « la comédie d’une union nationale ».

Quelles seront les conséquences des tueries sur la campagne ? Un retour à l’avant-plan de l’insécurité, de l’immigration et de l’intégration est inévitable, favorisant a priori Nicolas Sarkozy plus à l’aise que ses adversaires sur ce terrain, et qui annonce sitôt l’affaire dénouée les mesures policières qu’il entend prendre pour prévenir de tels drames. Mais c’est surtout Marine Le Pen qui entend en profiter pour donner une nouvelle dynamique à sa campagne que les sondages montrent s’essoufflant. Elle le démontre dès dimanche lors d’un meeting près de Nantes où elle déclare « ce n’est pas l’affaire de la folie d’un homme mais le début de l’avancée du fascisme vert dans notre pays », et clame sa volonté de « mettre l’islam radical à genoux », marquant ainsi le retour aux fondamentaux du FN qu’elle avait tendance à délaisser au profit de thèmes plus socio-économiques.

 

Le reste de la semaine

De l’eau dans le gaz entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ? Plusieurs échos font état d’une irritation de la chancelière allemande après que le candidat UMP a renoncé à l’inviter à l’un de ses meetings. Son intention de réviser Schengen aurait également été très mal perçue outre-Rhin.

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25 mars 2012 – Sarkozy star du « Bobaromètre » de Libération

Logo du journal "Liberation"Libération a mis en place une cellule « désintox » relevant les imprécisions, erreurs ou menteries des candidats. Extraits

« En matière d’intox, il y a Nicolas Sarkozy et les autres. Si aucun candidat n’est à l’abri du chiffre exagéré voire du mensonge caractérisé, le Président sortant pratique lui l’exercice avec une constance remarquable. Rien que sur la dernière semaine de l’exercice, entre les discours et les interviews télé, il a réécrit l’histoire, repeint son bilan sous un jour plus favorable au mépris des chiffres officiels, inventé des propositions socialistes, tordu des chiffres, inventé des comparaisons internationales, promis des changements qui existent déjà.

(…) « Nous avons gagné 8 points de taux d’emploi des plus de 55 ans, ose Nicolas Sarkozy. On est tout juste dans la moyenne. Ça reste un problème énorme. » Effectivement, dans un contexte d’augmentation du taux de chômage, le taux d’emploi des seniors s’est plutôt amélioré en France. D’un peu plus de 3% pour les 55-64 ans entre 2007 et 2011, selon la Dares (ministère de l’Emploi). Pas assez pour le Président qui préfère dégainer un 8% plus impressionnant (mais moins vrai…) Quant à la moyenne, sur les chiffres 2010 (compilées par Eurostat), la France reste assez nettement au-dessous de ses voisins comme de la moyenne européenne.

(…) Son bobard classique sur le pouvoir d’achat, plusieurs fois répété ces derniers temps, procède du même type d’argumentaire. Oui, la France a plutôt mieux résisté que ses grands voisins comparables, même si le chiffre qu’il donne (1,4% de hausse du pouvoir d’achat en moyenne) relève de la pure tromperie. Mais dans la bouche de Nicolas Sarkozy, cela donne : « Il y a un pays et un seul en Europe, dont le pouvoir d’achat a augmenté malgré la crise, c’est la France. » Ce qui est faux, comme nous l’avons plusieurs fois écrit … et comme lui a fait remarquer son interviewer Thomas Sotto : « La Belgique, la Suède et la Finlande, dit aussi la commission européenne ». Miracle, le Président admet son erreur : « Sur 27, alors disons 3 … mais dans les grands pays, il n’y a que la France » … »

 

Semaine du 26 mars au 1er avril

La semaine apparaît moins intense que les précédentes, d’abord du fait de la retombée de l’émotion suscitée par les événements de Toulouse, et ensuite de par l’absence de grands débats télévisés (règle du temps de parole oblige + campagne télé officielle ne démarrant que deux semaines avant le premier tour). Bref, l’impression ressentie est celle d’une petite accalmie médiatique. La campagne s’intensifie en revanche sur le terrain avec les meetings et des opérations de porte-à-porte menées par l’UMP et le PS.

 

La semaine
  • Suites des tragédies de Toulouse et Montauban: si les thèmes de l’insécurité et de l’immigration sont, comme attendu, revenus sur le devant de la scène, divers sondages indiquent qu’ils restent loin dans la liste des préoccupations majeures des Français. Le drame ne semble pas avoir fait basculer la campagne.
  • Sur l’affaire elle-même : le père de Mohamed Merah accuse l’État d’avoir exécuté son fils et porte plainte. Dans un autre genre, Al Jazeera annonce avoir reçu les images filmées par Merah de ses exécutions. Nicolas Sarkozy appelle la chaîne à faire preuve de décence et Marine Le Pen menace d’aller manifester devant son siège français (ce qui permettra plus tard à la candidate FN d’affirmer que c’est grâce à son intervention qu’Al Jazeera a finalement renoncé à diffuser les images.
  • A noter l’arrestation très médiatisée de dix-sept islamistes radicaux. Un coup électoral ? A priori, il n’y aurait pas de rapport avec Toulouse.
  • Si la perspective d’un Nicolas Sarkozy en tête au premier tour est confirmée cette semaine par plusieurs sondages (au grand plaisir du candidat UMP qui y voit la preuve du succès de sa stratégie), tout n’est toutefois pas parfait pour le président sortant qui, lorsqu’il évoque les militaires abattus par Merah, commet une « maladresse » en parlant de « musulmans d’apparence ». Il voit également resurgir l’affaire Bettencourt avec la mise en détention de Patrice De Maistre (le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt) et le retour des soupçons de financement illégal de sa campagne 2007. Eva Joly déclare alors : « Nous ne savons pas si Nicolas Sarkozy est candidat à un deuxième mandat pour diriger la France ou pour se protéger contre la justice. » Ségolène Royal avait tenu des propos assez semblables une dizaine de jours auparavant.

Liliane Bettencourt

Liliane Bettencourt

  • En meeting à Nantes, le président sortant continue d’attaquer les corps intermédiaires. Dans sa ligne de mire : les syndicats, dont la CGT, qu’il accuse d’avoir organisé une grève à Ouest-France dans le seul but d’empêcher la parution d’une interview qu’il a donnée au journal.
  • Borloo (qui a officiellement rallié Sarkozy la semaine passée) croit pouvoir le convaincre de mettre davantage l’accent sur le social. Au vu des discours à droite toute de Nantes et Besançon (« la menace de l’immigration incontrôlée ! »), ce n’est pas gagné.

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3 avril : intentions de vote à trois semaines du 1er tour

Le croisement des courbes se confirme, Nicolas Sarkozy est en train de réussir son premier pari, réaliser l’unité de la droite au premier tour (bien aidé par le retrait de toute candidature dissidente dans sa famille politique proche) et ramener à lui une partie des électeurs tentés par Marine Le Pen (la symétrie entre les courbes des deux candidats est à cet égard particulièrement frappante).

La donne pour le deuxième tour n’en reste pas moins inchangée, François Hollande conservant une large avance grâce à l’excellent report des votants d’un Mélenchon en pleine ascension, et celui, substantiel, d’une partie des électeurs de Bayrou. De tout cela, Nicolas Sarkozy dit n’avoir cure, estimant que son passage en tête au premier tour (s’il se réalise) créera une dynamique qui lui permettra de renverser la situation. Il compte également énormément sur le débat télévisé de l’entre-deux tours où il entend « exploser » Hollande (dixit Le Point).

Semaine du 2 au 8 avril

Nicolas Sarkozy en 2010Nicolas Sarkozy présente jeudi son programme et le détaille dans une « Lettre aux Français ». Y figurent trente-deux propositions, quasi toutes annoncées les semaines précédentes. Françoise Fressoz (éditorialiste au Monde) parle de « l’audace perdue » de Nicolas Sarkozy. « Il y a cinq ans, le candidat UMP avait gagné l’élection présidentielle en remportant la batailles des idées. Il avait asséché tous ses concurrents en préemptant les valeurs, le projet et les propositions. (…) Cette fois-ci, il sèche, sa besace est vide. (…) Pas de surprise, nul élan. (…) Nicolas Sarkozy est coincé par la conjoncture. Il n’a pas plus de marge de manœuvre que son principal adversaire Hollande. »

Les principales propositions du programme de Sarkozy :

  • appel au vote des seniors en promettant le versement des pensions le premier de chaque mois au lieu du huit (mesure annoncée depuis plusieurs années mais toujours reportée)
  • assainissement des comptes publics en 2016 (vs. 2017 pour Hollande), avec un effort significatif demandée aux collectivités locales (la plupart, de gauche) en matière de réduction de dépenses.
  • regroupement familial conditionné à la connaissance de la langue française.
  • impôt minimal sur les grands groupes + impôt sur les exilés fiscaux.
  • réduction du nombre de sièges de parlementaires + injection d’une dose de proportionnelle.
  • Europe : menace du gel de la contribution française au budget européen + menace de rétablir des contrôles ciblés aux frontières françaises si l’Europe ne contrôle pas les siennes …

Sur le terrain, le président sortant continue de s’en prendre férocement à Hollande (« Il est l’otage de Mélenchon après avoir été celui de Joly et des factions du PS ») et prophétise que l’élection du socialiste conduirait le pays dans la même situation que la Grèce et l’Espagne. En meeting dans le Var, il lance un appel au vote utile dès le premier tour de la part des électeurs FN. Enfin, pour contrer le meeting en plein air de Hollande le 15 avril à Vincennes, il annonce la tenue le même jour d’un grand rassemblement place de la Concorde.

L’actualité complète de la semaine

 

Semaine du 9 au 15 avril

Logo de l'émission "Des Paroles et des Actes"Pas de débat entre candidats au premier tour mais un passage à tour de rôle mercredi et jeudi sur le plateau de Des Paroles et des Actes (France 2) pour un entretien avec David Pujadas et ses journalistes.

Lorsque vient son tour, Nicolas Sarkozy se défend de dramatiser la situation financière (« la crise a été d’une violence inouïe » et « l’Europe est convalescente ») et se pose en sauveur (« on a sauvé les retraites, on a sauvé la Grèce ») et homme d’expérience (« j’ai l’expérience des crises »). Interrogé sur les mesures qu’il compte prendre pour relancer la croissance, il répond « Frontières ! » et répète sa volonté d’instaurer la réciprocité des échanges commerciaux entre l’Europe et le reste du monde, faute de quoi la France décidera de ne plus allouer ses marchés publics qu’aux seules entreprises produisant en Europe. Au journaliste qui cite les accusations relayées par Eva Joly sur l’affaire Bettencourt, il déclare ne pas avoir à répondre à « Mme Joly, l’amie de Hollande », opposant à ces « ragots » le « mépris le plus cinglant ». Enfin, s’il refuse de confirmer son intention de nommer Bayrou Premier ministre, il lui envoie néanmoins un évident appel du pied en déclarant qu’il proposera « un grand rassemblement d’unité nationale ».

 

Le reste de la semaine

Quatre sondages (Opinionway, LH2, BVA, CSA) indiquent une hausse de François Hollande tant au premier qu’au second tour. C’est un coup dur pour Nicolas Sarkozy qui ne parvient pas à créer une dynamique durable en sa faveur et qui, en plus, connait une semaine délicate, marquée par une visite-éclair et quasi-secrète (les journalistes ne sont prévenus qu’au dernier moment) en banlieue (Drancy), mais aussi par un cafouillage sur Fukushima, le président sortant laissant entendre qu’il s’y était rendu alors qu’il n’a été qu’à Tokyo. Le candidat UMP n’en perd pas pour autant sa combativité et propose que deux débats (au lieu d’un seul) soient organisés durant l’entre-deux tours, de façon à « aller au fond des sujets. » Le candidat PS refuse, comme il refuse une interview au Figaro, à qui il reproche de l’avoir ignoré depuis des mois et d’être décidément trop partisan.

Au cours du dimanche qui suit, l’attention se focalise sur le duel Concorde-Vincennes, lequel semble se terminer par un match nul au niveau de l’assistance, UMP et PS revendiquant chacun la présence de 100 000 personnes (chiffres invérifiables) (pour le résumé du meeting de la Concorde : cf. infra).

Le compte-rendu de tous les candidats à Des Paroles et des Actes et l’actualité complète de la semaine

 

15 avril – Nicolas Sarkozy à la Concorde

Contexte
  • Le rassemblement de la dernière chance pour Sarkozy ? C’est l’impression qu’il donne, espérant enfin y trouver l’élan qui renversera une réélection compromise. Les derniers sondages le donnent au coude-à-coude avec son rival socialiste au premier tour et largement défait au second.
  • Le meeting en plein air de la Concorde a été, si pas improvisé, du moins décidé en avant-dernière minute pour faire contre-point à celui organisé le même jour à la même heure par Hollande à Vincennes. L’UMP appelle à la mobilisation générale de ses troupes par tous les moyens.

Place de la Concorde (plaque)

Ambiance / assistance
  • Temps maussade, froid. De fortes rafales de vent, mais pas de pluie.
  • Copé annonce 100 000 personnes vers 14h et répète ce nombre une heure plus tard. Les médias reprennent cette estimation difficile à juger (l’envoyé du Monde parle toutefois d’une foule moins nombreuse et clairsemée).
  • Quelle proportion de militants/sympathisants UMP vs. les indécis ou les non-politisés venus soutenir Sarkozy ? Impossible à dire. La population semble en tout cas généralement âgée (pas mal de plus de 70 ans), de faible diversité ethnique (l’un ou l’autre asiatique excepté) et gonflée à bloc, agitant à tour de bras les drapeaux bleu-blanc-rouge distribués en masse (pas d’autres drapeaux visibles, quelques-uns des Jeunesses Pops exceptés)
  • Entendu dans la foule : « Dans moins de deux ans, les communistes sont dans la rue ! » « Moi, je ne leur donne pas six mois. » Une dame d’un âge respectable, à propos d’Eva Joly : « Qu’elle retourne en Norvège ! »

 

Avant-discours
  • Pas de concert (« on ne fait pas la fête avant d’avoir gagné, nous »). Nathalie Kosciusko-Morizet, la première à parler, est terne, pas assez énergique ni galvanisante, sa voix est trop basse. Plus charismatiques, Bertrand, Juppé, Copé et Fillon chauffent bien le public.
  • Copé est bon mais toujours aussi ridiculement caricatural et de mauvaise foi (la soi-disant mauvaise gestion de la Corrèze par Hollande, les drapeaux soviétiques chez Mélenchon). Fillon : « Je ne regrette rien, je ne renie rien ». Tous défendent farouchement le bilan du quinquennat (accent sur le service public minimum en cas de grève, la burqa, etc.) et mettent en garde contre le retour en arrière et le conservatisme socialiste (« Le vrai changement, c’est nous » ose Juppé).
  • Trois soutiens artistiques prennent la parole : Véronique Genest et Nadine Trintignant (en différé), et Claude Lelouch qui déclare que la France a besoin d’un grand metteur en scène.

 

Discours
  • Nicolas Sarkozy arrive en avance sur l’horaire. Raison : commencer à parler avant Hollande à Vincennes pour être diffusé en direct par les chaînes d’info en continu.
  • Discours de second tour plus que de premier et qui se veut rassembleur, quoique continuant de jouer sur les peurs : « C’est un choix historique que vous allez prendre dans trois semaines (…) Deux voies sont possibles : l’une imposera les solutions du passé, au mieux elle ne résoudra rien. Elle restera prisonnière de tous les conservatismes et corporatismes. Elle continuera à laisser les frontières s’effacer et la nation s’affaiblir. Au pire, elle découragera la réussite, ruinera les classes moyennes, sans enrichir les plus pauvres. »
  • Le triptyque Travail-Famille-Nation est repris à l’envi, de même que le rejet du communautarisme.
  • Virage à 180° sur la BCE : appel à ce qu’elle soutienne la croissance et remise en cause de son indépendance, soit exactement ce que préconisent … Hollande, Mélenchon & co.
  • Discours très littéraire (cite Malaparte, Hugo, Péguy, Zola, Césaire) et aux nombreuses références historique (Valmy + analogie entre les grognards de Napoléon à Austerlitz et les soutiens de Sarkozy à la Concorde : « lorsque vous direz que vous y étiez, on vous répondra que vous êtes des braves ! »).
  • Continue d’appeler à l’aide « ceux qui n’ont pas la parole, qui ne demande rien », la « France silencieuse ».
  • « Peuple de France, n’ayez pas peur, ils ne gagneront pas si vous décidez que vous voulez gagner. »

 

Semaine du 16 au 21 avril

Le sondage Ipsos-Le Monde (vague 18) réalisé les mardi 17 et mercredi 18 avril confirme le décroisement des courbes Hollande et Sarkozy, le candidat PS reprenant même une nette avance (3,5 points). Derrière, Le Pen et Mélenchon restent dans un mouchoir de poche, même si la candidate FN est donnée comme repartant légèrement à la hausse. Quant à Bayrou, son électroencéphalogramme reste plat à 10%.

Les autres instituts de sondage abondant dans le même sens (à part IFOP qui place les deux candidats à égalité parfaite), Sarkozy virant en tête dimanche soir serait une sensation. Parmi les éléments qui pourraient la rendre possible, deux reviennent en particulier : une forte abstention et un important transfert dès le premier tour de Bayrou vers Sarkozy, l’électorat du candidat Modem étant celui se déclarant le moins sûr de son choix (le vote Le Pen étant quant à lui annoncé comme certain par 80% des sondés).

La perspective d’un deuxième tour sans Sarkozy ou Hollande est écartée par tous les instituts, chacun plaçant Le Pen à au moins neuf points de Sarkozy. Et si des rumeurs d’une forte sous-estimation de la candidate FN et d’un recul conséquent du président sortant ne s’en mettent pas moins à circuler, un échec aussi cinglant de Sarkozy semble improbable.

Pour ce qui est du deuxième tour, pas de changement, la victoire nette de François Hollande est toujours attendue. Seul un basculement très fort des « Ne se prononcent pas » de Le Pen et Bayrou pourrait redonner une chance à Sarkozy.

Le reste de la semaine
  • Les soutiens de dernière heure venus de personnalité de droite se multiplient pour François Hollande, à commencer par ceux de Martin Hirsch et Fadela Amara (anciens « ministres d’ouverture » de Sarkozy), à la grande indignation de l’UMP qui parle de « trahisons ».
  • Autres ralliements : Corinne Lepage (déjà déclarée proche du candidat PS il y a plusieurs semaines), Azouz Begag et Brigitte Girardin (anciens ministres de Chirac et proches de Villepin). Quant à l’ex-ministre des Sports Chantal Jouanno, si elle soutient Sarkozy, on ne peut pas dire que ce soit avec enthousiasme, elle qui déclare avoir « des raisons personnelles » d’être contre lui. Enfin, la présidente du Medef Laurence Parisot se montre désormais plus mesurée vis-à-à-vis du socialiste. Sur le terrain, Hollande est en meetings à Lille mardi et en Gironde jeudi. Il déclare lors de ce dernier événement : « Sarkozy va la prendre de face, la vague », en référence à son adversaire qui dit sentir une vague de ferveur monter en sa faveur.
  • « Oui, vivement dimanche ! » déclare jeudi Nicolas Sarkozy. « (…) j’ai l’intime conviction que les Français, comme à l’accoutumée, peuple libre, frondeur, nous réservent des surprises ». Le président sortant se plaint de devoir mener une campagne à neuf contre un et attaque violemment les règles de temps de paroles et les médias (« Quels sont ces personnages à qui on donne des temps de parole extraordinaires, qu’on n’a pas vus avant, qu’on ne verra pas après ? »). Sur le terrain, il cajole les Français de l’étranger en promettant l’extension de la prise en charge des frais de scolarité aux élèves de collège (promesse déjà lancée en 2007). Revenant sur le meeting de la Concorde (au sujet duquel Mediapart dément les 100 000 personnes annoncées), il assure être « pour l’indépendance de la BCE » (ce qui n’était pas évident au vu de son discours) mais qu’un dialogue avec cet organisme doit être instauré. Il passe également une partie de la semaine à se défendre sur le dossier du nucléaire libyen, où des incohérences dans ses propos et dénégations continuent d’être pointées.
  • Le président sortant continue aussi de subir des attaques sur sa probité de la part d’Eva Joly, laquelle affrète mercredi un bus pour emmener la presse dans un « Sarkozy Tour » passant entre autres par Neuilly, le Fouquet’s et le domicile de Liliane Bettencourt. Rayon justice toujours, la candidate EELV gagne le procès que lui intentait Marine Le Pen pour diffamation, la candidate frontiste lui reprochant d’avoir dit qu’elle était « l’héritière de son père milliardaire par un détournement de succession ».

L’actualité complète de la semaine

 

22 avril : Résultats du 1er tour

Participation : élevée, 79,5% (83,8% en 2007, 71,6% en 2002 et 78,4% en 1995).

Sensation sur le coup de 20h lorsque les premiers résultats fournis par Ipsos sur France 2 donnent Hollande et Sarkozy en tête (comme attendu), mais aussi Marine Le Pen à 20%, à cinq points seulement du candidat UMP. Cette nouvelle fait l’effet d’une déflagration, que n’atténuent que peu les résultats définitifs qui donnent pourtant un écart plus net (Le Pen 17,9%, Sarkozy 27,2%). Le FN réalise son meilleur score historique (un point de plus qu’en 2002), qui plus est dans un contexte de forte participation qui aurait censément dû le desservir.

Cette percée est un échec pour Nicolas Sarkozy qui malgré ses tentatives n’a pas réussi à rassembler au-delà de son noyau dur et est le premier président sortant à ne pas virer en tête au premier tour. Contrairement à ses attentes, la « majorité silencieuse » n’a pas démenti le rejet que les médias anticipaient, il a perdu la majeure partie du vote frontiste qui l’avait rallié en 2007 et sa réélection est plus que jamais compromise (un sondage effectué dans la soirée donne Hollande vainqueur par 54-46). Seules raisons pour lui de garder la foi : le fait que Hollande n’a pas créé un écart significatif, le score plus faible qu’annoncé de Mélenchon (la poussée de la gauche est réelle mais pas aussi forte que prévue) et l’espoir fou qu’il est possible de convaincre la très grande majorité de l’électorat FN de le rejoindre. Sa tactique : durcir davantage encore sa campagne à droite toute et écraser le candidat socialiste lors du débat télévisé (il réclame d’ailleurs dès dimanche qu’en soient organisés trois).

Le résumé complet du premier tour

 

Semaine du 23 au 27 avril

Les électeurs de Marine Le Pen sont l’objet d’une cour assidue de Nicolas Sarkozy. Parmi ses tentatives pour les attirer à lui, citons, en vrac :

  • Un appel aux Français qui mettent l’amour de la patrie au-dessus de toute considération partisane.
  • « Il y a eu un vote de crise. Ces angoisses, ces souffrances, je les connais, je les comprends. Elles portent sur le respect de nos frontières, la maîtrise de l’immigration, la valorisation du travail, la sécurité. Le souci de nos compatriotes de préserver leur mode de vie est la question centrale de l’élection » (propos tenus dimanche soir après l’annonce des résultats du premier tour).
  • Une attaque sur le droit de vote des étrangers prôné par le PS, Sarkozy déclarant qu’une telle proposition présente un « risque communautariste » (il l’avait pourtant défendue dans le passé).
  • En meeting à Longjumeau : « Le FN est compatible avec la République ». Nicolas Sarkozy dément le lendemain avoir employé cette expression.
  • Deux députés UMP accusent 700 mosquées d’avoir appelé à voter François Hollande. L’info aura beau être démentie le lendemain
  • « Avec François Hollande, le vote communautaire est en marche ».
  • Accusation de soutien apporté à Hollande par Tariq Ramadan, là aussi vite démenti.

Le candidat UMP se lance également dans une offensive contre les médias et les sondages qu’il accuse de jouer contre lui. A l’opposé, François Hollande la joue charmeur en déclarant avoir « grand respect pour l’institution que vous [les journalistes] représentez, indispensable pour la démocratie », et promet, s’il est élu, de tenir une conférence de presse tous les six mois.

Hollande et Sarkozy s’affrontent aussi sur la question du nombre de débats. Sarkozy en réclame trois, puis s’empresse d’accepter l’offre de quatre radios pour un débat sur leurs ondes, mais Hollande décline les deux propositions. L’UMP l’accuse d’avoir peur, le PS répond en ironisant sur « un oral de rattrapage ». Le président sortant se lance également dans une surenchère pour le premier mai, répondant aux traditionnels défilés syndicaux et à la célébration de Jeanne d’Arc par le FN par un contre-événement qu’il annonce comme étant « la fête du vrai travail ». Rétropédalage deux jours plus tard : il dément avoir utilisé cette expression et son conseiller Guaino souhaite qu’on « laisse tomber » cette formule.

François Bayrou dénonce quant à lui la « course ventre à terre de Sarkozy derrière les thèses du FN » et lui reproche d’amalgamer l’électorat centriste à celui de Le Pen en déclarant que « les préoccupations des électeurs de Bayrou et ceux du FN sont les mêmes ». En parallèle, pendant que nombre de ses soutiens se positionnent rapidement en faveur de l’un ou l’autre finaliste, le candidat du Modem, comme il l’avait annoncé dimanche, envoie une lettre à Hollande et Sarkozy pour leur demander de préciser leur position sur plusieurs sujets avant qu’il ne se prononce pour le second tour.

 

Semaine du 28 avril au 5 mai

 

Première partie – Du 28 avril au premier mai : avant-débat, affaires et défilés

L’avant-débat est marqué par une résurgence des affaires dans les deux camps. A gauche, c’est le cas DSK qui revient sur la table, d’abord via une vraie-fausse interview dans The Guardian (à qui il affirme que la droite ne lui a certes pas tendu un piège, mais qu’elle a profité des événements pour l’enfoncer et l’éliminer), ensuite par la présence de l’intéressé à l’anniversaire de Julien Dray, ce qui déclenche une mini-panique chez Valls et Royal qui s’empressent de déguerpir pour ne pas être vus en sa compagnie.

A droite, c’est la question du financement de la campagne 2007 qui effectue un retour en force. En cause : la publication par Mediapart d’un document qui prouverait l’accord de principe du colonel Kadhafi pour fournir de l’argent à Nicolas Sarkozy. L’UMP dément avec vigueur et le président sortant accuse Mediapart d’être « une officine au service de la gauche ».

 

A Toulouse dimanche et à Avignon lundi, Nicolas Sarkozy affiche sa confiance et voit « monter une mobilisation qu’il n’a jamais sentie dans toute sa vie politique ». S’adressant aux électeurs FN, il déclare : « si vous vous abstenez, votre abstention servira le candidat socialiste ». Il prophétise aussi le retour du laxisme et de l’assistanat, ainsi que la régularisation de tous les étrangers en situation illégale, avant de se lancer dans une apologie de la nation et des frontières, s’en prenant vertement à l’Europe « passoire » qui a trop laissé « s’affaiblir la Nation ».

Au Trocadéro le premier mai, il s’en prend aux syndicats qui font de la politique au détriment de la défense des salariés (« Le drapeau rouge, c’est le drapeau d’un parti. Notre drapeau, c’est celui de la France ») et déclare vouloir « un nouveau modèle français où la réussite ne sera plus regardée avec suspicion » (« Ce qu’elle possède, la France du travail, elle l’a gagné. Son patrimoine, c’est le sien (…) On n’a pas le droit de culpabiliser la France du travail »).

Sans surprise, Marine Le Pen annonce qu’elle votera blanc et ne donne pas de consigne à ses électeurs. « Je n’accorderai ni confiance ni mandat à ces deux candidats qui (…) s’ingénient depuis trente ans à faire perdre la France ».

 

Deuxième partie – 2 mai : le débat

Le débat Sarkozy-Hollande

Les candidats François Hollande et Nicolas Sarkozy. Entre les deux, les journalistes Laurence Ferrari et David Pujadas »

Le débat a été agressif mais globalement équilibré, aucun adversaire ne perdant pied ni ne prenant nettement le dessus sur son adversaire. Tout bénéfice pour Hollande, qui, au vu de son avance dans les sondages, avait le plus à perdre, et donc, de facto, échec pour Nicolas Sarkozy, pour qui le débat représentait la dernière bouée à laquelle se raccrocher. Contrairement à ses attentes, il n’est pas parvenu à « exploser » Hollande, trouvant face à lui un candidat pugnace qui a su le contrer et neutraliser ses attaques sans commettre d’erreur majeure. L’ultime chance de succès pour Nicolas Sarkozy s’est sans doute envolée.

Les échanges sont ouverts par François Hollande qui déclare d’emblée qu’il sera le président de la justice et que les privilégiés ont été trop protégés lors du dernier quinquennat. Il affirme également qu’il sera le président du redressement au niveau de l’emploi, de la production et de la croissance. Nicolas Sarkozy lui répond que son entrée a été très classique, mais que ce que lui veut du débat de ce soir, c’est un moment de vérité, au cours duquel aucun des candidats ne cherchera à esquiver aucun sujet, comme il reproche à Hollande de le faire. S’ensuit une tirade des deux jouteurs pour savoir qui sera le meilleur rassembleur.

Les sujets-clefs de la campagne sont ensuite tour à tour évoqués : l’économie évidemment, qui monopolise une grande partie des échanges, mais aussi l’éducation, l’immigration, le nucléaire, etc. Les questions de politiques internationales sont par contre réduites à la portion congrue (une dizaine de minutes, essentiellement sur l’Afghanistan et le terrorisme en Afrique du Nord). Les débats sont assez techniques, avec une multitude de chiffres assénés par l’un et aussitôt contestés par l’autre. Hollande réalise une tirade convaincante sur l’éducation, mais est mis en (relative) difficulté sur l’immigration et les centres de rétention. Il a par contre beau jeu de systématiquement renvoyer Sarkozy à son bilan (« Ce n’est jamais de votre faute », « Ce n’est jamais vous »), lequel a du mal en s’en dépêtrer et continue de jouer davantage sur sa stature de chef d’État que sur son programme.

Niveau style, Hollande est le premier à interrompre son adversaire et apparaît le plus tendu en début de débat. Mais Nicolas Sarkozy ne tarde guère à le prendre également à partie, et s’en suivront quelques échanges vifs (Sarkozy traitant Hollande de « petit calomniateur ») mais sans dérapages véritables (excepté peut-être quand le candidat UMP croit bon de mettre le cas DSK sur la table). A noter que lorsqu’il prend la parole, Nicolas Sarkozy s’adresse le plus souvent aux journalistes Laurence Ferrari et David Pujadas, non par choix, mais parce que, sera-t-il plus tard révélé, Hollande ne le regarde pas mais plonge le nez dans ses notes. Hollande renvoie également Sarkozy dans les cordes en ne le laissant pas se poser en maître face à un étudiant (« Ce n’est pas vous qui posez les questions, ce n’est pas vous qui donnez les notes ! »).

L’instant mémorable du débat est la tirade de François Hollande (qu’il dira avoir improvisée) « Moi président de la République, … ». Plutôt efficace et bien sentie au début, elle s’éternise toutefois rapidement, le candidat PS la répétant une quinzaine de fois. Elle semble néanmoins avoir eu son petit effet. La plupart des observateurs s’étonneront cependant de l’absence de réaction de Nicolas Sarkozy, lequel ne chercha pas à l’interrompre ni à souligner une forme d’arrogance chez son adversaire.

 

Troisième partie – du 3 au 5 mai : derniers jours de campagne
  • Jeudi, François Bayrou déclare qu’il votera à titre personnel pour François Hollande. C’est une surprise, l’attente était davantage portée vers un vote blanc. Grosse amertume du côté de l’UMP, qui parle « d’incohérence » dans le choix du candidat Modem, surtout en regard de l’économie.
  • Climat malsain autour des journalistes couvrant les meetings UMP : mardi au Trocadéro, c’est une journaliste de Mediapart qui est vivement prise à partie par des militants, et jeudi c’est Ruth Elkrief de BFM qui subit des désagréments. Beaucoup y voient les conséquences du discours agressif de Nicolas Sarkozy vis-à-vis des médias qu’il accuse de tous les maux.
  • Affaire Kadhafi suite et pas fin : valse de démentis et contre-démentis (de l’UMP, de la Libye, …)
  • Sondages : la victoire de Hollande est toujours annoncée, malgré un tassement. Nicolas Sarkozy n’en continue pas moins d’annoncer une élection qui n’aura jamais été aussi indécise.
  • Ultimes meetings de campagne : à Toulouse (où il annonce sentir venir la victoire) et Périgueux (appel à rester mobilisés) pour Hollande, à Toulon (où il brandit la menace des « expériences folles » de la gauche) et aux Sables-d’Olonne pour Sarkozy.

 

6 mai : Résultats du second tour

Participation : élevée, 80,4% (84% en 2007, 79,7% en 2002 et 79,7% en 1995). François Hollande recueille 18 millions de voix, Nicolas Sarkozy 16,9 millions.

Le miracle n’a pas eu lieu pour Nicolas Sarkozy qui rejoint Valéry Giscard  d’Estaing au rang des présidents non-reconduits après un premier mandat. La victoire de François Hollande est toutefois moins nette qu’annoncée tout au long de la campagne, et c’est une petite déception pour les socialistes qui espéraient marquer les esprits avec un gros écart. La France semble donc fortement divisée, et la gauche devra rester mobilisée pour les législatives afin de s’éviter toute mauvaise surprise (même si la perspective de nombreuses triangulaires avec le FN devrait lui faciliter la tâche). Pour l’anecdote : le score de François Hollande est quasiment identique à celui de François Mitterrand en 1981.

La déclaration de Nicolas Sarkozy après l’annonce des résultats est sobre et – un peu à l’étonnement général, vu de la dureté de la campagne – digne, en tout cas emplie d’une dignité qu’il aura rarement montré pendant son mandat. Il déclare porter toute la responsabilité de la défaite et souhaite bonne chance au vainqueur. Un reste de mauvaise foi reparaît parfois, notamment lorsqu’il déplore que l’institution qu’il représentait n’ait pas été respectée (sous-entendu, par ces adversaires), alors que ce fut justement un des principaux reproches qui lui a été fait durant le quinquennat. Sur son avenir, il se montre moins clair que les premières dépêches d’agence ne l’avaient laissé entendre : il n’annonce pas officiellement se retirer de la politique, mais déclare que son engagement pour son pays sera différent. Le Canard enchaîné dévoilera plus tard que c’est à l’initiative de son conseiller principal Patrick Buisson que la déclaration finale ne contint pas de paroles irrévocables, dans l’intention peut-être de se représenter en 2017.

François Hollande a attendu le verdict dans son fief de Tulle et y prononce sa première déclaration. Se gardant de tout triomphalisme (« les défis sont nombreux et ils sont lourds »), il se place d’emblée en mode rassembleur en exprimant son respect pour Nicolas Sarkozy et annonce aux électeurs qui ne lui ont pas accordé leurs suffrages (« et ils sont nombreux ») qu’il respecte leurs convictions et qu’il sera le président de tous. Ses priorités seront l’école, l’environnement, et la réorientation de l’Europe pour la croissance et l’emploi. Il répète aussi son souci de la justice et de la jeunesse.

Le nouveau président prend ensuite un jet privé pour se rendre à Paris et à la Bastille où est organisé un concert pour célébrer la victoire. Deux polémiques surgissent aussitôt, la première (vite étouffée) concernant le coût du jet privé que certains tentent de rapprocher avec le Fouquet’s de Sarkozy, la seconde liée à la présence à la Bastille de nombreux drapeaux étrangers (surtout nord-africains) comparé au petit nombre de drapeaux tricolores, preuve (à nouveau, selon certains) que Hollande est le président « des minorités ethniques ».

 

8 mai : Synthèse de campagne

Nicolas Sarkozy en 2010A la différence de 2007, Nicolas Sarkozy n’est pas parvenu à imposer son rythme et, plombé par son bilan – que ses adversaires rappelèrent à chaque occasion –, il fut constamment dans une position d’infériorité sondagière. L’assurance de 2007 fit place à la fébrilité et à l’indécision, ainsi qu’en témoignèrent les tergiversations sur son entrée officielle en campagne et le changement de stratégie en cours de route (du candidat « président protecteur et rassembleur » au candidat « à droite toute »).

Si cette stratégie d’ultra-droitisation n’a pas atteint le seul et unique objectif qui comptait, il est toutefois permis de se demander si Nicolas Sarkozy aurait réalisé un score aussi élevé (48,4%) sans elle. Car au final, Nicolas Sarkozy ne s’est pas pris une claque électorale, et si la victoire de Hollande n’a jamais été menacée, l’écart à l’arrivée est apparu plus serré que prévu, ce qui constitua une petite déception pour Hollande, sans que cela ne remette en cause la légitimité de son succès. Pour le nouveau président, c’est toutefois seulement maintenant que le plus dur commence, avec la gestion d’un pays toujours frappé de plein fouet par la crise économique.

 

Sur le plan des idées, la campagne fut marquée par la forte droitisation du candidat UMP, lequel s’en prit vertement à l’Europe et martela le concept de « frontières », renforçant ainsi un sentiment de crispation et de division accentué par la stigmatisation latente ou directe des immigrants (conditionnement du regroupement familial et des aides sociales), des musulmans (polémique sur la nourriture halal, Guéant et les civilisations inférieures, …) et des corps intermédiaires (syndicats, Chambres, recours intensif au référendum).

A noter également : une escalade dans les relations entre médias et candidats, particulièrement dans le chef de Nicolas Sarkozy qui se mit à rejeter la faute de ses difficultés sur les journalistes et à remonter ses troupes contre eux. Il faut dire que l’attitude de la presse à son égard évolua fortement entre le début de son mandat et l’élection présidentielle, passant d’un traitement de faveur parfois obséquieux à une agressivité retrouvée dès que la fin de règne se fit sentir (le fameux « Lèche-Lâche-Lynche »), même si les adversaires de Sarkozy affirmèrent ne pas le ressentir ainsi, estimant au contraire que trop de journalistes lui étaient encore et toujours inféodés. Pour un média au moins cette accusation peut être balayée d’un revers de la main : Mediapart, qui sortit à plusieurs reprises des informations explosives contre le président sortant (relations avec Kadhafi, affaire Bettencourt) et milita ouvertement contre sa réélection.

La synthèse complète de la campagne

 

20 juin : Bonus législatives

Composition de l’Assemblée nationale après les législatives de juin 2012

Composition de l’Assemblée nationale après les législatives de juin 2012

La gauche remporte les législatives. Sur les 577 sièges du Parlement, les socialistes en obtiennent 280, auxquels s’ajoutent les 17 de leurs alliés écologistes et les 34 des radicaux de gauche et autres divers gauches, soit un total de 331 sièges. La droite parlementaire doit se contenter de 229 sièges, dont 194 pour l’UMP, 12 pour le Nouveau Centre et 23 pour les divers droites, radicaux, etc.

Du côté des poids lourds de l’UMP, si François Copé, François Fillon, Valérie Pécresse, Luc Chatel, Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand sont passés, Nadine Morano, Frédéric Lefebvre, Michèle Alliot-Marie et Claude Guéant ont par contre été battus, tandis que Nathalie Kosciusko-Morizet n’a émergé qu’au terme d’un second tour serré et après avoir été ciblée par Marine Le Pen comme personnalité à faire battre absolument.

Autre perdant : François Bayrou, battu dans une triangulaire avec le PS et l’UMP, ce dernier parti ayant clairement voulu lui faire payer sa prise de position en faveur de Hollande, tandis que le PS, où des voix s’étaient fait entendre pour un désistement en sa faveur, s’est finalement rangé à l’avis de la candidate locale qui refusait de se retirer (elle remporte la circonscription). L’avenir politique du leader centriste du Modem paraît bien mort.

Le résumé complet des législatives

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Antelope Canyon – De lumière et de grès

Si certains patelins reculés n’ont rien pour eux, la petite ville de Page, elle, est doublement bénie des dieux, avec, en point d’orgue, un site parmi les plus photogéniques des Etats-Unis.

Lava Beds – L’ultime champ de guerre des Modocs

Lava Beds – L’ultime champ de guerre des Modocs

Isolé aux confins nord-est de la Californie, le parc de Lava Beds compte deux principaux centres d’intérêt : ses cavernes, et le souvenir de la résistance opiniâtre qu’y livra une poignée d’Indiens.

Les dynamiques qui ont fait basculer l’élection

Les dynamiques qui ont fait basculer l’élection

12 novembre 2016 – Si la victoire de Donald Trump est nette en termes de grands électeurs, elle s’est pourtant jouée à quelques États-clefs qui ont basculé de justesse en sa faveur. Pour expliquer ce résultat, plusieurs dynamiques sont …