Photo tirée du compte Twitter de François Fillon - Février 2017Lundi 6 février : François Fillon tient à 16 heures une conférence de presse dont la tenue a été annoncée le matin même. Au menu, un message aux Français (mais surtout à sa base électorale), qui peut se résumer par : « il y a eu péché, il était véniel et a été monté dans des proportions insensées, c’est un complot, je suis une victime, l’important, c’est la rupture que je porte vis-à-vis de la gauche, et je suis légitime pour la porter parce que deux millions de Français l’ont choisi à la primaire de la droite ».

Péché ? Oui, François Fillon l’admet, il en a commis un : avoir continué à employer son épouse comme collaboratrice alors que cette pratique qui était « acceptable hier (…) ne l’est plus aujourd’hui ». Bref, une erreur d’appréciation qu’il regrette et pour laquelle il présente ses excuses, même si, ne manque-t-il pas de souligner, tout était légal. Et … c’est tout. Le caractère fictif de l’emploi de Penelope Fillon ? Il le dément. Les sommes perçues par ses enfants ? Rien n’était dissimulé et tout était parfaitement en règle. Le manque de transparence qui lui est reproché ? Il le rejette et déclare qu’il n’a rien à cacher, passant ensuite en revue son patrimoine, ses comptes en banque et quelque-uns des clients de sa société de consultance (les noms cités sont ceux d’AXA – dont il est proche du PDG Henri de Castries – et de Fimalac – propriétaire de la Revue des Deux mondes).

Bref, Fillon campe sur ses positions, parle d’une opération « destinée à détourner l’attention de nos concitoyens des véritables enjeux », affirme que son programme « dérange l’ordre établi » et refuse que l’on vole le choix des « millions de Français qui m’ont choisi au terme d’une campagne loyale ». Un retrait ? Hors de question. « Rien ne me détournera de mon devoir d’être candidat à la présidentielle ».

Le texte intégrale de son intervention

Penelope Fillon en 2007Si l’intervention de Fillon a été meilleure dans la forme que ses sorties précédentes, elle ne suffit toutefois pas à éteindre l’incendie. Plusieurs des éléments qu’il a avancés pour sa défense sont pour le moins spécieux (voir l’analyse qu’en fait Le Monde), et il n’a fourni aucun élément concret permettant de lever la suspicion quant à la réalité du travail effectué par son épouse. De plus, rien n’a été dit concernant le cas de son emploi à  La Revue des Deux mondes. Sa sortie lui permet toutefois de donner l’impression de contre-attaquer, avec, dans le viseur, d’éventuels comploteurs, mais aussi la presse, qu’il accuse de mener une « chasse à l’homme » et de « lynchage médiatique ».

Autre tactique déployée : mettre en doute la légitimité de l’enquête ouverte par le Parquet national financier (PNF), dont il remet en cause la compétence à enquêter sur des de détournements de fonds reprochés à un parlementaire (d’après ses avocats, seules les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public peuvent être poursuivis pour ce motif, pas les tenants d’un mandat électif). Autre argument juridique avancé : dénier le droit au parquet du juger de la réalité du travail d’un collaborateur parlementaire, au nom (toujours selon les avocats de François Fillon) du principe de la séparation des pouvoirs judiciaire et législatif. Une telle tentative pour obtenir le dessaisissement de l’affaire (une requête demandée le jeudi 9) semble toutefois avoir peu de chances d’aboutir.

 

Autres développements de l’affaire

 

  • Le Canard enchaîné continue de distiller au compte-gouttes ses révélations. Ainsi annonce-t-il cette semaine que Penelope Fillon aurait touché près de 45 000 euros d’indemnités de licenciement lorsque ses contrats de travail ont pris fin en 2002 et 2013. Si le fait de percevoir de telles indemnités est légal, c’est l’ampleur des montants perçus qui posent ici question, ceux-ci paraissant élevés, dit le Canard, par rapport à ce qui se pratique en général pour ce genre de fonction.
  • Concernant Marie Fillon (la fille de), le Canard révèle qu’elle menait un stage d’avocate en même temps qu’elle accomplissait son emploi (controversé) d’assistante parlementaire à temps plein de son père. « Une incroyable bête de travail » ironise le volatile.
  • Canard encore et toujours, cette fois pour dévoiler comme François Fillon a imposé aux caciques LR de ne pas chercher à l’éjecter : tout simplement en brandissant la menace d’une action en justice, les statuts du parti conférant au vainqueur de la primaire une position juridique blindée qui lui permettrait de contester avec grande chance de succès toute tentative pour le remplacer sans son consentement par un hypothétique plan B.
  • Cette semaine à nouveau mouvementée se termine par un déplacement de trois jours à La Réunion, où des heurts (légers) ont lieu entre des partisans LR et des militants de La France insoumise venus brocarder le candidat.

 

Le reste de la semaine

 

Dans l’actualité non-présidentielle, deux faits saillants sont à noter :

  • le démantèlement vendredi 10 à Montpellier d’une filière djihadiste soupçonnée de fomenter un attentat d’envergure à Paris ;
  • l’emballement de l’affaire Théo, du nom d’un jeune noir d’Aulnay-sous-Bois victime d’un viol (l’introduction d’une matraque dans le rectum) lors d’un contrôle de police musclé le jeudi 2 février. Quatre policiers sont mis en examen et des manifestations de soutien au jeune homme ont lieu quelques jours plus tard, certaines dégénérant en affrontements avec la police. Si la plupart des candidats dénoncent les violences policières, Marine Le Pen s’en démarque et refuse de voir une bavure dans l’interpellation du jeune Théo.

 

Benoit Hamon en 2012Du côté de Benoît Hamon, la pression se maintient pour éviter le ralliement de socialistes à Emmanuel Macron. Le premier secrétaire du parti Jean-Christophe Cambadélis a ainsi répété que les élus qui parraineraient le leader du mouvement En Marche ! seraient exclus du PS et donc privés de son investiture pour les législatives.

Plus tard dans la semaine, Benoît Hamon dévoile son équipe. Parmi celle-ci : Jean-Marc Germain, (un proche de Martine Aubry) et Mathieu Hanotin (qui occupait déjà ce rôle lors de la primaire), qui codirigeront la campagne. Autre figure aubryste notable : François Lamy, en charge des gérer les relations avec les autres formations de gauche. Concernant ses porte-parole, il en aura sept, dont deux réputés proches de Hollande (Frédérique Espagnac et Sébastien Denaja) et deux de Montebourg (Aurélie Filippetti et Jérôme Guedj). Un vallsiste notable participera également à la fête en la personne de Luc Carvounas, qui sera en charge d’un conseil parlementaire. Hamon s’est également entouré de sept personnalités de la société civile pour le conseiller, dont Thomas Piketty.

 

Chez Yannick Jadot, on s’impatiente. Pour le candidat EELV, les discussions avec Benoît Hamon n’avancent pas assez vite. Trois clarifications sont notamment attendues de la part du candidat socialiste : la sortie définitive du nucléaire, la généralisation de la proportionnelle, et une refondation de l’Europe. Les écolos ont également annoncé que les militants du parti (adhérents et sympathisants) seraient consultés pour valider l’alliance avec le PS. Cette consultation se passera en deux temps, le premier la semaine prochaine pour valider le principe même d’une discussion, le second si un accord est effectivement conclu. Jadot et ses troupes entendent ainsi maintenir une certaine pression sur leur partenaire éventuel et continuent de prospecter pour atteindre les cinq cents parrainages, dont la quête demeure ardue.

Quant aux discussions entre le PS et Jean-Luc Mélenchon, elles semblent pour l’instant au point mort, le candidat de La France insoumise ayant déploré ne pas avoir été contacté par Benoît Hamon.

 

Emmanuel Macron 2016En ce qui concerne Emmanuel Macron, la semaine a été marquée par de nouvelle allégations sur sa vie privée. L’attaque est partie du député filloniste Nicolas Dhuicq, lequel a, le samedi 4 février, dans une interview à l’agence de presse russe Sputnik, expliqué que Macron était soutenu par un très riche lobby gay et que des détails sur sa vie privée allaient être rendus publics. En parallèle, une rumeur se mettait à enfler : l’existence d’une liaison entre le leader d’En Marche ! et le PDG de Radio France Mathieu Gallet. Face à l’ampleur prise par ces commérages, Macron décide d’y répondre lors d’un meeting le lundi 6 en déclarant : « Si dans les dîners en ville, si dans les boucles de mails, on vous dit que j’ai une double vie avec Mathieu Gallet ou qui que ce soit d’autres, c’est mon hologramme qui soudain m’a échappé, mais ça ne peut pas être moi ».

 

Quant à Marine Le Pen, sa semaine est marquée par son passage dans « L’Émission politique » sur France 2, où elle attire 3,5 millions de téléspectateurs, un record pour un jeudi soir politique sur cette chaîne depuis 2012 (le résumé de sa prestation : ici)

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