Emmanuel Macron 2016Sortie maladroite à la portée sous-estimée ? Coup électoral à l’adresse des Français d’origine immigrée ? Expression sincère d’une conviction profonde ? Un peu de tout cela à la fois ? C’est peu dire en tout cas que l’association établie par Macron entre colonisation et crime contre l’humanité déclenche un tollé.

L’affaire commence lorsqu’est dévoilée une interview donnée par le candidat de En Marche ! au média Echorouk News alors qu’il est en déplacement à Alger. Au cours de cet entretien sont évoqués des propos qu’il a donnés au Point en novembre dernier (« Il y a eu la torture, mais aussi l’émergence d’un Etat, de richesses, de classes moyennes. Il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie »). Appelés à les commenter, Macron précise qu’ils ne concernaient pas l’Algérie et ajoute : « Je pense qu’il est inadmissible de faire la glorification de la colonisation », puis : « La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes ». Plus tard, il évoquera le besoin impérieux de « réconcilier les mémoires ».

Sitôt cette déclaration connue, droite et extrême-droite se déchaînent : Fillon parle de propos « indignes d’un candidat à la présidence » et de « détestation de notre histoire », tandis que divers cadres du FN accusent Macron de « dénigrer la France » et de lui « tirer dans le dos ». Quant à Marine Le Pen, elle déclare : « C’est la justification utilisée par les voyous de banlieue pour agir, lutter, combattre contre la France et tout ce qui représente la France et notamment, évidemment, nos forces de l’ordre. (…) Nous, la France, nous l’aimons d’une manière inconditionnelle ».

Mais l’émoi est surtout palpable au sein des communautés pieds-noirs, anciens combattants de la guerre d’Algérie et harkis, lesquelles ne manquent pas de le faire savoir, contraignant ainsi Macron à un rétropédalage à moitié assumé, le candidat d’En Marche! déclarant lors d’un meeting à Toulon d’une part vouloir un discours de vérité et réconcilier le pays, et d’autre part s’excusant longuement auprès de ceux qui se sont sentis choqués par ses propos, agrémentant sa tirade d’un surprenant « Je vous ai compris et je vous aime ».

Bilan de la séquence : une semaine plus tumultueuse que Macron ne l’avait prévue, mais aussi, quoi que l’on pense de la manière dont le débat a été amené, une nouvelle démonstration de la plaie vive que demeure la question de la colonisation.

 

Le reste de la semaine

 

Benoit Hamon en 2012Jean-Luc Mélenchon en 2009Du côté de Benoît Hamon et de Jean-Luc Mélenchon, la perspective d’un improbable rassemblement semble de plus en plus vouée à rester lettre morte. Lassé d’attendre que le socialiste le contacte, le leader de La France insoumise lui a communiqué jeudi 16 les garanties qu’il exigeait en vue d’établir une alliance. Parmi elles : le refus de tout accord avec Macron, y compris aux législatives, et la rupture assumée avec le quinquennat Hollande, notamment via la promesse de l’abolition de la loi El Khomri. S’en est suivi un bref entretien téléphonique entre les deux intéressés, un entretien dont peu a filtré, mais dont il semble toutefois qu’il ait été peu productif, Hamon (en déplacement au Portugal pour comprendre les ressorts de la gauche plurielle qui gouverne le pays) déclarant qu’il ne courrait pas après Mélenchon, ce dernier affirmant pour sa part qu’il n’avait pas l’intention de « s’accrocher à un corbillard ».

Les négociations semblent en revanche progresser entre socialistes et écolos : les militants d’EELV ont en effet voté à 89,7% en faveur d’une recherche de convergences avec Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, et diverses indiscrétions confiées à la presse font état d’un accord imminent entre les Verts et le PS.

Côté PCF, la grogne des dirigeants contre Mélenchon refait surface, avec un appel intitulé « Sortons de l’immobilisme » signé par plusieurs élus et cadres du partis appelle à une candidature commune pour la présidentielle et, en sous-main, reproche à Mélenchon une stratégie du « tout ou rien ». En filigrane : l’inquiétude d’un parti qui, faute d’accord avec les socialistes, risque de perdre gros aux législatives.

Dimanche enfin, Mélenchon est en direct sur YouTube et Facebook pour détailler le son projet économique. Celui-ci prévoit de rapidement débloquer 102 milliards d’euros d’investissements pour relancer l’activité et répartis entre l’urgence sociale (45 milliards, dont un tiers pour le logement), l’urgence écologique (50 milliards) et 7 milliards pour les services publics. A cela s’ajouteront 173 milliards d’augmentation des dépenses publique répartis sur le reste du quinquennat afin d’augmenter les salaires, et une baisse de l’impôt des sociétés à 25%. Le financement de ces mesures se fera pour partie via emprunt et pour partie via les recettes supplémentaires que, selon Mélenchon, générera le regain d’activité engendré par les investissements.

 

Photo tirée du compte Twitter de François Fillon - Février 2017La tempête continue pour François Fillon, qui passe plus de temps à essayer de se sortir du pétrin causé par le Penelopegate qu’à mener campagne. Le PNF (Parquet national financier) a ainsi annoncé le jeudi 16 février qu’il écartait l’hypothèse d’un classement sans suite de la procédure et que celle-ci va se poursuivre. Fillon a beau dénoncer une opération médiatique du Parquet et ses avocats encore et toujours contester la compétence de celui-ci à mener l’enquête, cette annonce est pour nombre d’observateurs le signe que des éléments suffisamment probants ont été mis à jour pour ne pas classer l’affaire sans suite et que des mises en examen sont possibles.

Au sein des Républicains aussi la situation demeure tendue. En début de semaine, une quinzaine de parlementaires ont fait circuler un courrier dans lequel ils constatent l’impossibilité de mener campagne sur le terrain au vu du manque de clarifications de la part de François Fillon et de la démobilisation qui s’empare des militants. Parmi les plus actifs à porter ce message : Georges Fenech, qui s’était déjà fait entendre les semaines précédentes et est réputé proche de Sarkozy. Une manière pour ce dernier de mettre la pression sur son ex-Premier ministre et le contraindre à se rapprocher de lui ? Toujours est-il que les deux hommes ont déjeuné ensemble mercredi, un déjeuner demandé par un Fillon qui a besoin de s’assurer le soutien total de sa famille politique, et au cours duquel Sarkozy lui aurait conseillé d’impliquer davantage de membres de son entourage dans la campagne, notamment le maire de Troyes François Baroin, dont le nom (avec celui d’Alain Juppé) circule depuis l’éclatement de l’affaire comme possible plan B si Fillon venait à se retirer (même si l’intéressé continue d’exclure formellement un tel scénario).

Rayon affaires toujours, le Canard enchaîné a tenté cette semaine d’allumer une nouvelle mèche en accusant le porte-parole de François Fillon, Thierry Solère, d’être sous le coup d’une enquête pour fraude fiscale. Contrairement aux divulgations précédentes toutefois, cette nouvelle ne suscite qu’un bref émoi et disparaît vite des radars. Provisoirement seulement ?

Rayon campagne, François Fillon dévoile une nouvelle proposition pour son programme : abaisser la majorité pénale à 16 ans afin de pouvoir plus facilement poursuivre les jeunes délinquants. Une proposition très … sarkozienne, qui laisse à penser que le thème de la sécurité va être abondamment exploité durant la suite de la campagne.

 

  • Pour Marine Le Pen, la semaine est marquée par les préparatifs d’un voyage au Liban qu’elle effectuera à partir de lundi prochain, mais aussi par la publication par Mediapart et Marianne d’extraits d’un rapport de l’OLAF (Office européen de lutte contre les fraudes) qui étaye les accusations d’emplois fictifs en faveur tant de son garde du corps que d’une de ses proches collaboratrices. Invitée à réagir, Marine Le Pen a démenti avoir admis à l’OLAF quoi que ce soit d’illégal et maintient la légitimité des opérations contestées.
  • Ira, ira pas ? François Bayrou continue de tergiverser. A l’heure actuelle, il exclut tout rapprochement avec Fillon. S’allier avec Juppé si celui-ci le remplaçait reste son scénario préféré, mais, étant donné sa faible probabilité, il ne lui reste que Macron ou se lancer pour la quatrième fois d’affilée. Réponse sans doute la semaine prochaine.
  • Macron encore : les responsables de sa campagne évoquent mardi 14 février une série de 4000 attaques informatiques menées à l’encontre des infrastructures de En Marche ! Dans le viseur : Poutine, accusé plus ou moins ouvertement dans diverses tribunes de chercher à influencer la campagne présidentielle française comme il est lourdement soupçonné de l’avoir fait pour la campagne américaine de 2016. Parmi les arguments évoqués pour étayer ces affirmations : d’une part une déclaration de Julian Assange, dans laquelle il déclare détenir des « informations intéressantes » sur Macron, ensuite les rumeurs sur la vie privée de celui-ci que des médias russes contribuent à répandre (cf. le compte-rendu de la semaine du 6 février)

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