1. Le résumé – 2. La prestation des candidats – 3. Le déroulé des échanges

1. Le résumé

 

Pour qui n’avait qu’une vague idée du programme des candidats, le grand débat en aura fourni un bon tour d’horizon : pour François Fillon, libérer la France de la bureaucratie, la redresser financièrement, la protéger ; pour Marine Le Pen, renouer avec l’indépendance nationale, lutter contre les communautarisme, rendre la parole au peuple ; pour Benoît Hamon, offrir un futur désirable dans une République juste et bienveillante où chacun peut vivre décemment grâce au revenu universel ; pour Jean-Luc Mélenchon, établir une VIe République, éradiquer la misère, mettre en place la planification écologique, être le président de la paix.

 

Les participants au Grand Débat de TF1

 

Quid d’Emmanuel Macron, que les sondages annoncent comme le prochain président ? Ses propos pour décrire son projet ont été dans la lignée de ceux qu’il a tenus jusqu’à présent, c.-à-d. affirmer une méthode (qui, en reprenant des mots qu’il a employés ce soir, peut se résumer par en finir avec les règles hors d’âge et affronter avec justesse, efficacité et pragmatisme les défis inédits que doit relever le pays) tout en restant plus ou moins vague sur les mesures exactes qu’il compte appliquer, ce que ne manquèrent pas de lui reprocher François Fillon (un peu) et Marine Le Pen (surtout, cf. infra sa diatribe en toute fin de débat suite aux discussions sur la défense européenne).

Pénalisant pour Macron ? Oui et non. D’une part, ces attaques sont arrivées tard et ne devraient pas laisser de véritables traces. Ensuite, Macron lui-même a livré une première partie de débat solide et marqué pas mal de points plus tôt dans la soirée en ripostant vivement à des insinuations de … Marine Le Pen, laquelle ne s’attendait visiblement pas au contre qu’elle se prit en retour, au point même d’en paraître quelques temps déstabilisée.

En réalité, ce bref aperçu des échanges Macron-Le Pen illustre bien comment a été la soirée de tous les candidats : inégale. Chacun a eu de bons moments voire des moments forts, chacun a eu des coups de moins bien voire des coups de mou. L’exception ? Jean-Luc Mélenchon, qui a été constant et a confirmé être le meilleur orateur de la bande, parlant avec verve et humour, et sans ce côté ronchon et désagréable qu’il peut avoir lorsqu’il débat avec des journalistes. De son côté, sans être mauvais, Benoît Hamon est resté au second plan. Quant à François Fillon, transparent pendant toute la première partie de l’émission, il s’est montré pugnace et incisif lorsque l’économie et la politique internationale sont venus sur le tapis.

Au bout du compte, sans doute le débat n’a-t-il pas appris grand-chose à qui avait déjà un bon aperçu des programmes (lesquels ne seront d’ailleurs pas ré-abordés dans ce compte-rendu, cf. ici pour en avoir plus de détails), mais il a été de bonne tenue, a donné corps à quelques échanges intéressants et permis de voir pour la première fois des candidats à une présidentielle interagir entre eux.

 

Le plateau du Grand Débat

 

 

2. La prestation des candidats

 

Benoit Hamon en 2012S’il n’a pas été mauvais, Benoît Hamon n’en est pas moins resté au second plan de cette soirée. Menant peu d’attaques directs envers les autres candidats et en subissant lui-même fort peu , il est celui qui a été de loin le moins impliqué dans les échanges entre candidats. Un exemple flagrant de cette situation apparut lors d’une longue séquence sur le chômage et l’emploi qui impliqua Fillon, Macron et Mélenchon, mais dont Le Pen et lui furent complètement absents (Le Pen s’en vanta toutefois après coup – cf. infra – alors que Hamon, lui, tenta laborieusement de s’immiscer dans la conversation … quand celle-ci fut terminée).

Bref, une moindre présence offensive que ses camarades, doublée d’un désintérêt de leur part à son égard. Une exception : Emmanuel Macron, qui ne laissa pas passer une insinuation du socialiste sur ses donateurs (cf. infra) et répliqua immédiatement, ce qui permit à Hamon d’engager un échange durable qui le plaça au centre de l’attention (et offrit à Mélenchon l’occasion d’ironiser sur le fait qu’il faut bien « qu’un débat se fasse au PS » ). Ce fut une des rares fois où cela arriva, ses trois interpellations vives à l’encontre de Marine Le Pen (la première surtout, lorsqu’il l’a qualifia de « droguées aux faits divers », ainsi que la seconde, quand il la questionna – en choeur avec Mélenchon – sur le concordat et, après sa réponse, l’accusa de faire preuve de laïcité à géométrie variable), ou sa répartie à Fillon (« vous êtes plus fort en soustraction de fonctionnaires qu’en addition avec votre propre argent ») étant certes tranchantes, mais aussi brèves et pas assez hors-normes que pour créer véritablement la sensation.

Pour s’illustrer, ne restait donc à Hamon que ses réponses aux questions des journalistes (soit, quand même, la majeure partie de l’émission). A ce jeu-là toutefois, le socialiste non plus n’a pas vraiment fait d’étincelles. Il a vanté son discours, ses idées mais, dans un environnement moins favorable que le meeting de Bercy de la veille, celles-ci ont moins résonné. Le style était volontaire et décidé, mais le manque de charisme du candidat a pris le pas. En résumé, Hamon a livré une prestation honorable mais qui paraît insuffisante pour le démarquer de ses rivaux, en particulier de Mélenchon (qu’il n’a pas attaqué), lequel a laissé meilleur impression.

 

Compte Twitter de François Fillon - Février 2017François Fillon a connu une soirée en deux temps, un premier où il fut pratiquement inexistant et se contenta de répondre aux questions sans se faire remarquer, et un second où il se montra plus volontaire et plus mordant. Cette attitude, révéla Le Parisien deux jours plus tard, s’explique en partie par le fait que le candidat Les Républicains a passé la première moitié de l’émission les yeux rivés sur son portable à échanger avec sa conseillère en communication Anne Méaux sur l’attitude à adopter. Autre raison avancée : se faire le plus discret possible tant que les affaires et questions éthiques n’avaient pas été abordées, histoire de ne pas être trop vivement pris pour cible. Et de fait, le comportement de Fillon changea dès lors que les sujets furent derrière lui et devinrent plus techniques (nucléaires, économie) et qu’il put faire valoir son expertise, sa responsabilité et son sens du réalisme, qu’il opposa aux promesses présentées comme intenables de ses rivaux.

Ses piques et prises à partie se firent alors plus nombreuses. A l’égard d’Emmanuel Macron, elles furent le plus souvent sarcastiques ou par insinuation. A l’égard de Le Pen en revanche, elles furent plus virulentes, notamment lorsqu’il qualifia de serial killer sa volonté de sortir de l’euro ou lui rétorqua avec une colère froide « Caricature, madame, caricature ! » lorsqu’elle évoqua son projet de privatiser la Sécurité sociale.

En résumé, François Fillon a mis en avant ses compétences de gestionnaires des comptes publics (même si Le Pen ne se priva de critiquer férocement son bilan de Premier ministre) et une certaine stature d’homme d’Etat, mais n’a pas bousculé son rival principal qu’est devenu Emmanuel Macron.

 

Emmanuel Macron 2016Soirée en deux temps aussi pour Emmanuel Macron, mais de manière moins contrastée que Fillon. La première partie d’émission l’a ainsi vu être solide et ne pas hésiter à aller au combat lorsque ses rivaux tentaient de lancer des insinuations en douce à son égard. Ce fut notamment le cas avec Benoît Hamon (lorsque celui-ci évoqua l’identité des donateurs des candidats) et, à deux reprises, avec Marine Le Pen sur le burkini puis son parcours professionnel (cf. infra). A chaque fois, Macron prit la balle au bond et se lança dans un affrontement direct avec l’intéressé. Si Hamon releva le défi sans être déstabilisé et maintint la pression sur le leader d’En Marche (qui n’en neutralisa pas moins pas la situation), Marine Le Pen parut en revanche surprise par les répliques que lui envoya Macron, et même déstabilisée, encaissant sans réagir vraiment les retours de flamme qu’elle avait provoquée. Bref, Macron a montré qu’il n’avait nullement l’intention de se laisser marcher sur les pieds et que, malgré sa jeunesse, il est capable d’en découdre sans rien concéder lorsque son intégrité est mise en cause. A l’opposé, il n’a pas manqué de cultiver une certaine complicité (dans le sens positif du terme) avec Mélenchon, s’amusant avec lui de certaines situations ou lui répondant brièvement sur l’un ou l’autre point en aparté.

Autre caractéristique mise en avant par Macron : sa volonté de souligner les parties de programme qu’il a en commun avec ses rivaux. « Je suis d’accord avec untel » ou « Untel a raison », n’a-t-il pas manqué de répéter à chaque fois qu’il en avait l’occasion, cherchant ainsi à mettre en évidence l’aspect pragmatique et global de son projet (prendre les bonnes idées là où elles sont), mais donnant aussi l’impression de se prendre pour le sage éclairé qui distribue les bons points et recadre avec condescendance bienveillante les doux rêveurs qui n’ont pas le sens des réalités (« l’idée est belle mais pas réaliste » à Hamon sur le revenu universel, et « ce sont des beaux principes, mais ils ne marchent plus » à Mélenchon sur le dialogue social).

Fatigue ou plus grande pugnacité de ses opposants ? La fin de débat a été plus délicate pour Macron, notamment ciblé par Fillon et Le Pen qui se mettent à souligner les aspects flous de son programme, la candidate FN en particulier, laquelle, concernant un passage sur l’Europe de la défense, déclare : « Monsieur Macron, vous avez un talent fou. Vous parlez pendant sept minutes et je suis incapable de résumer votre pensée. Vous n’avez rien dit, le vide intégral (…) Un petit peu de ceci, un petit peu de cela, vous êtes incapable de trancher. On ne sait pas ce que vous voulez. Je trouve cela très inquiétant ». Macron : « Contrairement à vous, je ne veux pas pactiser avec Poutine (…) Je veux une politique forte et responsable ». Le Pen : « Ça ne veut rien dire, ça, forte et responsable … »

 

Marine Le PenComme tous les candidats (sauf Mélenchon), Marine Le Pen a connu une soirée inégale. Ses moments forts, elle les a connus lorsqu’elle pouvait s’exprimer sans être interrompues ni contredites. Dans de telles circonstances, son discours apocalyptique-choc, bien rôdé et jouant sur l’exaspération des gens est efficace et fait mouche auprès de ceux qui se sentent concernés. Plus faible en revanche a-t-elle été dès lors que les débats devenaient plus précis, plus techniques, devant parfois s’effacer et laisser ses rivaux discuter entre eux (même si elle tenta de s’en vanter en déclarant ne pas avoir voulu intervenir dans un débat entre « ultra-libéraux »).

Ses attaques ad hominem connurent quant à elles des fortunes diverses. A deux reprises au cours de la première partie d’émission elle tenta de s’en prendre à Macron, d’abord sur le burkini où elle l’apostropha directement, puis sur son parcours professionnel, où elle joua le coup à l’insinuation. Dans les deux cas, la réplique fut immédiate et la déstabilisa visiblement, Macron marquant des points en montrant clairement que, si elle s’aventurait sur ce terrain-là, elle avait tout intérêt à avoir de bonnes munitions si elle ne voulait pas être expédiée dans les cordes. Plus réussie fut en revanche sa dernière attaque en fin de soirée, lorsqu’elle accusa Macron de parler pour ne rien dire, « le vide intégral, un petit peu de ceci, un petit peu de cela » et ne le laissa cette fois pas avoir le dernier mot.

Le Pen eut également sa dose de prises à parties personnelles, venues de tous les côtés, de Mélenchon en particulier. Cela ne la dérangea pas outre mesure, elle qui en profita au contraire pour être mise en lumière. Elle joua aussi bien le coup en s’emparant de thèmes compassionnels comme le handicap et l’autisme, dont elle voulut donner l’impression qu’elle était la seule à les prendre en compte, même si ses adversaires réagirent en déclarant que tout le monde était d’accord là-dessus.

 

Jean-Luc MélenchonDe tous les candidats, Jean-Luc Mélenchon a été le plus constant, faisant preuve de verve et ne connaissant aucun temps faible. A-t-il pour autant connu de véritable temps forts ? Oui et non, en fait, Mélenchon est sorti du lot par ce qui fait son style caractéristique, des prises de paroles enlevées où pointait une indignation que, cette fois, il parvenait à ne pas rendre écrasante, et des réparties imagées et teintées d’humour, qui ont suscité des rires et lui ont attiré de la sympathie (p.ex. le « il faut bien qu’il y ait un débat » lors d’un échange entre Hamon et Macron ; le « votre pudeur de gazelle » à propos de la journaliste évoquant du bout des lèvres les affaires ; etc. cf. infra).

Autre élément à son avantage : le fait que, cette fois-ci, il ne se soit pas perdu dans des sautes d’humeur colériques, ni dans des prises de bec dégénérant en foire d’empoigne. Si ses désaccords ont été fréquents, ils n’ont toutefois jamais dégénérés en invectives, y compris avec Marine Le Pen (sa cible favorite), et encore moins avec Emmanuel Macron, avec lequel, en dépit de différences de vue parfois fort prononcées, il a cultivé une impression de complicité, dans le sens positif du terme, c.-à-d. pas du copinage ni de la connivence, plutôt un respect sincère et amical. Similairement, il n’a jamais visé Hamon, pourtant supposé être son rival principal, et s’est contenté d’un trait fort, mais asséné sans exagération, à l’égard de Fillon et des affaires le concernant.

A la lecture de commentaires post-débat, un autre facteur a également pu jouer dans l’impression qu’il a laissée : un sentiment de découverte du personnage chez nombre de spectateurs. Non pas que Mélenchon était inconnu avant l’émission, mais celle-ci a peut-être été la première fois où un public large, allant au-delà de ses supporters habituels, a pu le voir à l’œuvre dans une posture moins caricaturale (c.-à-d. celle d’un politicien ronchon et tempêtant en permanence contre tout et contre tous) que celle qui lui est souvent accolée (et dont il est partiellement responsable). En résumé, Mélenchon est peut-être celui qui a eu la meilleure soirée et pourrait en tirer le meilleur bénéfice. Un ressenti que les sondages à venir confirmeront, ou pas.

 

 

3. Le déroulé des échanges

 

L’émission (qui a duré jusque tard dans la nuit, l’émission commençant à 21h s’achevant à 0 h 25) comportait trois parties. La première fut la plus longue et concerna le modèle de société que prône les candidats (éducation, sécurité, écologie, immigration, etc.). La deuxième fut consacrée à l’économie (chômage, pouvoir d’achat, fiscalité, retraite, santé). La troisième enfin, sur l’international, fut menée au pas de charge étant donné la longueur prise par les deux précédentes. Une absence de marque : les affaires en cours, qui n’ont pas été abordées du tout (à une remarque de Mélenchon près).

 

1ère partie – Modèle de société

Les candidats débutèrent par un mot d’introduction pour expliquer pourquoi ils voulaient être présidents. Trois d’entre eux (Fillon, Macron, Le Pen) en profitèrent pour regretter l’absence des « petits candidats », la candidate FN allant jusqu’à indiquer que TF1 s’honorerait en organisant un second débat mettant aux prises les six absents. Au cours de cette introduction, Le Pen fut aussi la première à dégainer en déclarant ne pas vouloir être « la vice-chancelière de Merkel, ni la VRP de tel ou tel grand groupe ».

Après une première partie sur l’éducation, François Fillon fit remarquer que la seule réponse apportée par ses rivaux était toujours plus d’effectifs, c.-à-d. « des solutions qui ne seront pas mises en oeuvre ou mèneront à la faillite ». Sur la sécurité, après les interventions de Le Pen et Fillon sur leurs projets, Mélenchon fit remarquer que la délinquance financière n’attirait pas beaucoup l’attention et qu’il augmenterait les moyens qui lui sont consacrés. De son côté, Macron appela à raison garder et à rester proportionné, ce qui lui valut une réaction de Le Pen, laquelle parla d’une « explosion de l’insécurité » et de sa volonté de supprimer les aides sociales aux parents de mineurs délinquants. A l’entente de ces propos, Hamon bondit et déclara que la candidate FN était « droguée aux faits divers » et que ce qu’elle disait « n’était pas sérieux ».

L’immigration a vu Fillon affirmer son désaccord avec Macron qui, lors de sa visite à Berlin, avait salué le travail de Merkel sur les réfugiés. Pour le reste, les candidats ont été dans leurs veines habituelles, avec Le Pen évoquant le droit d’asile « dévoyé », les « pompes aspirantes » à l’immigration (c.-à-d. les aides sociales), les terroristes qui se glissent parmi les immigrés, etc. Mélenchon fut le seul à vraiment la contredire pendant sa tirade et lui faire les gros yeux.

La partie sur la laïcité a en revanche été animée. La séquence commence quand Le Pen déclare que personne n’a contesté la loi de 1905 pendant un siècle. « Vous plaisantez ? » s’indigne Mélenchon en rappelant l’attitude l’Église catholique. Le Pen le lui concède du bout des lèvres et entame une grande tirade contre le communautarisme. « Mais alors, on abroge le  concordat ? » demande en chœur et avec malice Hamon et Mélenchon. « Non, non, non ! » réplique Le Pen. « Ouais … la laïcité comme ça vous arrange, en fait » rétorque Hamon. Gros plan sur Macron qui se marre. Le Pen reprend : « Vous ne voulez pas voir la gravité de la situation, il y a quelques années il n’y avait pas de burkinis sur les plages, je sais que vous êtes pour, monsieur Macron ». Celui-ci cesse aussitôt de rigoler et réagit dans l’instant : « Vous serez gentille, je ne vous fait pas parler, je n’ai pas besoin d’un ventriloque. Le burkini n’est pas lié à la laïcité, mais à l’ordre public ». Mélenchon l’approuve : « Bien évidemment ». Macron continue : « Je ne veux pas rentrer dans le piège d’en faire un débat sur la laïcité (…) vous divisez la société (…) c’est un problème d’ordre public, pas un grand problème de théorie, ne divisez pas les Français dessus ». Visiblement surprise par la contre-attaque, Le Pen accuse le coup et subit la réplique. Quand Macron en a terminé, elle tente de reprendre : « Pensez aux femmes qui ne peuvent pas se vêtir comme elles veulent ». Mélenchon lui répond : « Vous confondez la bataille idéologique. On ne va pas établir une police du vêtement en rue ». MLP « On l’a fait à l’école ». JLM : « L’école est un endroit particulier ». Fillon qui s’était jusque-là garder d’intervenir s’immisce enfin : « Cette émission est un débat entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ». Et il prend la main pour exposer sa vision de la question.

 

Dossier suivant, et pas le moindre : les institutions publics et leur crédibilité. « Les Français se défient de vous » lance le présentateur Gilles Bouleau. « Tout le monde y passe » répond Mélenchon, « même les médias. Je crois qu’ils vous détestent plus que nous ». Le Pen se marre et n’est pas la seule.

Hamon reçoit la parole. Il appelle à être intransigeant vis-à-vis des lobbies et à ce que les politiciens montrent qu’ils ne reçoivent pas de dons les liant à des gens qui veulent les influencer. A nouveau, Macron réagit au quart de tour : « Je pense que c’est pour moi (…) Pour ce qui concerne les dons, tout est respecté au niveau légal, n’insultez pas les donneurs ». Hamon : « Je n’insulte personne, c’est vous qui vous énervez tout seul ». Puis, Hamon encore : « Pouvez-vous vous engager à dire qu’il n’y a pas plusieurs cadres de l’industrie pharmaceutique ou chimiques parmi vos donateurs ? » Macron : « Cela n’a aucun sens ». Hamon : « Vous savez de quoi je parle (…) », puis se demande quelle sera l’attitude de Macron lorsqu’il devra prendre des décisions concernant les perturbateurs endocriniens ou la sortie du diesel. Macron : « Je prends l’engagement de n’être tenu par personne ». La journaliste Coudray intervient pour passer la parole à Fillon, qui est « très très en retard » au niveau du temps de parole. « Il faut bien qu’il y ait un débat au PS » lance Mélenchon. Rires.

Vient la question de la moralisation de la vie politique. La journaliste Anne-Claire Coudray lance le débat en évoquant très brièvement les affaires. Lorsqu’il reçoit la parole, Mélenchon lui déclare : « J’ai admiré vos pudeurs de gazelle [pour introduire le sujet]. Ne nous mettez pas tous dans le même sac. Ici, il y a deux candidats concernés : François Fillon et Marine Le Pen (…) ». Ce sera la seul sortie de la soirée sur les casseroles que trimballent le candidat LR et la candidate FN.

Celle-ci justement prend la parole après Mélenchon (qu’elle a brièvement interrompu pour le traiter de « Robespierre ») et aborde la question du « pantouflage, ceux qui sont formés dans les grandes écoles, deviennent fonctionnaires, puis banquiers ». « Ah, je crois que c’est encore pour moi » la coupe Macron. « Ne le prenez pas à titre personnel » lui lance Le Pen. Macron : « Il y a une justice indépendante dans ce pays et elle fonctionne plutôt bien (…) Alors, soit, madame Le Pen, vous avez fait de la diffamation, soit vous avez des faits concrets et allez voir la justice ». Le Pen : « J’espère qu’elle sera aussi rapide que pour monsieur Fillon ».

Pour conclure la première partie s’achève sur le nucléaire, un débat un peu plus technique qui voit enfin François Fillon sortir de sa torpeur et affirmer que l’objectif d’abaisser à 50% la part du nucléaire dans le mix énergétique est impossible à atteindre d’ici 2025. Sa sortie s’accompagne d’un petit rictus arrogant à l’adresse de Mélenchon lorsque celui-ci commence à le contredire.

 

Le Grand Débat - Les journalistes Gilles Bouleau et Anne-Claire Coudray

Les journalistes Gilles Bouleau et Anne-Claire Coudray

 

2e partie – Économie

Après la pub (TF1 oblige), le débat reprend avec le chômage. Fillon commence par plaider pour la fin des 35h. Macron enchaîne avec une explication peu claire de ce qu’il veut faire à ce sujet : compte-t-il les abroger ou pas ? Fillon tente de le coincer. Macron rétorque qu’il n’en a pas assez fait quand il était au pouvoir. Fillon l’admet : « on n’a pas été assez loin ».

Après une tirade de Hamon, Mélenchon expose son « droit opposable à l’emploi », puis s’en prend aux propositions de Fillon et Macron, et critique l’idée que les Français travailleraient moins que d’autres. S’en suit une discussion animée avec Fillon sur des chiffres et des comparaisons avec la Roumanie, l’Allemagne, les pays nordiques … . Arrogant, Fillon conclut : « Voilà pourquoi on ne peut avoir de débat économique ». Mélenchon ne lâche pas : « On ne peut pas avoir un code du travail par entreprise, comme on ne peut pas avoir un code de la route par rue » et enchaîne : « Les Allemands ont neuf millions de pauvres, il faut augmenter le smic (…) A la base, il y a un rapport de force qui est défavorable aux travailleurs ». Macron : «  Je crois au dialogue social ». Mélenchon : « Quel dialogue ? C’est un monologue social ». Macron : « Ce sont de beaux principes mais ils ne marchent plus (…) Moi, je suis pour le salaire décent ». Mélenchon : « Pas juste +10% [pour la 36e heure] comme dans la loi El Khomry ? + 25% [comme avant la loi El Khomry] ? »  Macron : « On est tout à fait d”accord ». Mélenchon : « Ah ben parfait ! » Fillon (en se marrant) : « On emploie des mots, on ne sait pas ce qu’ils veulent dire, on ne parle pas de chiffres .. ». La discussion se poursuit entre les trois, Hamon et Le Pen en sont complètement absents. Lorsqu’il reçoit la parole, le socialiste se fritte un peu avec Fillon. De son côté, Marine Le Pen continue de rien dire, attendant sagement son tour, lequel finit par arriver. Le Pen : « Excusez-moi, je ne voulais pas intervenir dans ce débat d’ultra-libéraux ». Mélenchon : « Comme ultra-libéral, il y a mieux que moi ». Macron : « Bienvenue, monsieur Mélenchon ».  Le Pen prend alors la parole pour de bon et n’est pas interrompue lors de son longue tirade sur l’état catastrophique de l’économie qu’elle dénonce, affirmant au passage qu’il faut cesser de faire porter la responsabilité de cette situation sur les travailleurs et qu’il faut en finir avec les délocalisations.

Le pouvoir d’achat s’invite alors à table. Premier à parler : Benoît Hamon, qui déclare que son revenu universel d’existence est la seule promesse innovante de la campagne. Fillon annonce que cette promesse ne sera pas tenue et qu’il vaut mieux relancer l’investissement. Macron embraye en se disant d’accord, il faut des entreprises qui embauchent, mais aussi que le travail paye mieux. Il ajoute « le revenu universel est une belle idée, mais pas réaliste » et poursuit sur la suppression de la taxe d’habitation qu’il compte mettre en place. Fillon ricane : « La politique de monsieur Macron, c’est un peu à gauche, un peu à droite ».

Quand vient son tour, Marine Le Pen commence par égrener les augmentations d’impôts de ces dix dernières années : « €43 Mds supplémentaires sous Hollande, €35 Mds sous Fillon. Je dis Stop ! ». Elle explique ensuite vouloir protéger toutes les catégories socio-professionnelles, agriculteurs, artisans, etc. et en finir avec le « serial killer qu’est le RSI ». Elle expose ses solutions puis embraye sur les handicapés dont « personne ne parle jamais » et augmentera « l’AAH de 20% ». Mélenchon : « 1000 euros ? ». Le Pen : « 1000 euros, on est d’accord ». Les journalistes : « Madame Le Pen et monsieur Mélenchon sont d’accord ». Le Pen : « Ça peut arriver ». Mélenchon interroge les autres candidats « Vous êtes d’accord ? Vous aussi ? Vous aussi ? » et conclut : « Les autres le sont aussi ».

Le Pen reprend en déclarant que le meilleur moyen de tuer une entreprise, c’est de tuer ses clients, puis s’en prend aux mutuelles. Fillon intervient : « Le vrai serial killer du pouvoir d’achat, c’est la sortie de l’euro. Vous entraînez le pays vers un vrai chaos social qui va ruiner à la fois emprunteurs et épargnants. » Le Pen : « C’est le projet peur de monsieur Fillon ». Macron : « François Fillon a raison, les tenants du Brexit se sont carapatés après avoir gagné ». Le Pen : « Les résultats économiques de la Grande-Bretagne sont bons ». Fillon et Macron, en choeur : « Ils ne sont pas encore sortis de l’Union ! ». Le Pen passe outre et continue sa tirade anti-euro en sortant un graphique comparant l’évolution de la production industrielle en Allemagne, France, Italie et Espagne depuis 40 ans, laquelle est nettement à l’avantage du premier pays depuis 2002 (année de l’introduction de l’euro).

Viennent les retraites. Le Pen parle d’une espérance de vie en bonne santé qui recule et parle d’économies à faire ailleurs. De son côté, Fillon affirme que c’est la droite qui a mené toutes les réformes qui permettent au système d’être actuellement et provisoirement à l’équilibre. Comparant l’espérance de vie par profession (curés et enseignants ont la plus longue, tous ceux qui travaillent en plein air la plus courte), il déclare que les enseignants devraient travailler plus longtemps. Quand vient son tour, Macron l’accuse de vouloir faire des économies sur une petite catégorie de gens. De son côté, Fillon lui reproche d’avoir soutenu la réforme des retraites menée par Hollande. « D’abord je ne me suis pas prononcé sur ce sujet, ensuite ne faites pas parler mes amis » lui rétorque l’intéressé. Plus tard, sur la retraite à points, Mélenchon déclare qu’il pourrait en débattre avec Macron. « D’accord » lui répond celui-ci de manière sympathique.

Sur la santé, Fillon affirme vouloir tuer la bureaucratie, donner de l’autonomie aux établissements et réduire fortement les normes qui pèsent sur les maisons de santé  (« et j’y ai contribué »). Macron se dit d’accord pour plus d’autonomie et de souplesse, tandis que Le Pen parle d’un « gâchis admirable » (gaspillages), parle du coût des médicaments déremboursés et de la loi El Khomry qui démantèle la médecine du travail, et s’étonne que Fillon ait abandonné l’idée de privatiser la Sécu (« Caricature, madame, caricature » lui envoie-t-il pour toute réponse). Le Pen continue et parle de l’autisme. Macron intervient pour ne pas la laisser s’emparer seule de ce sujet : « Sur l’autisme et le handicap, on est d’accord ». Mélenchon renchérit : « On est tous d’accord ». Hamon conclut en parlant de l’euthanasie et Mélenchon le soutient : « Vous proposez de le mettre dans le Constitution, et je suis d’accord, c’est une liberté fondamentale ».

 

3e partie – International

Vu le temps passé sur les thématiques précédentes, cette partie est menée au pas de charge, avec des journalistes rappelant à longueur de temps combien « nous sommes en retard » et demandant aux candidats de faire preuve de synthèse.

Sur la défense, Le Pen promet d’augmenter massivement les budgets. « Ce sont des milliards que vous n’avez pas (…) Moi aussi je souhaite protéger, mais je suis réaliste »). De son côté, Mélenchon fait froncer les sourcils d’Hamon lorsqu’il évoque « une conférence de sécurité de l’Atlantique à l’Oural (…) Il faut négocier les frontières, ce qui n’a pas été fait quand l’URSS s’est effondrée ». Hamon l’apostrophe : « Pouvez-vous préciser cette question des frontières ? » et évoque une question sensible au vu de l’attitude de Poutine. Fillon intervient pour déclarer qu’il est proche de Mélenchon sur la Russie et que les Occidentaux aussi ont modifié des frontières, citant le Kosovo et l’Irak. « Je suis pour un principe fondamental : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Il enchaîne sur le Syrie et, à nouveau, Hamon intervient : « Vous voulez dire qu’on aurait dû s’engager aux côtés d’Assad ? ». « Non répond Fillon, je dis qu’il faut préserver notre indépendance nationale ».

Alors que la parole passe à Macron, celui-ci commence par regretter que l’Europe soit si peu évoquée, puis, changement complètement de sujet, signale que Fillon et lui sont les seuls à avoir réalisé le bouclage financier de leurs programmes. « Lisez mon chiffrage, monsieur Macron » lui rétorque Mélenchon.

Macron aborde ensuite la défense. Au et à mesure qu’il parle, Le Pen se met à ricaner et soupirer de plus en plus fort. Macron finit en parlant d’un « partenariat structuré » et Le Pen enchaîne en déclarant : « Monsieur Macron, vous avez un talent fou. Vous parlez pendant sept minutes et je suis incapable de résumer votre pensée. Vous n’avez rien dit, le vide intégral (…) Un petit peu de ceci, un petit peu de cela, vous êtes incapable de trancher. On ne sait pas ce que vous voulez. Je trouve cela très inquiétant ». Macron : « Contrairement à vous, je ne veux pas pactiser avec Poutine (…) Je veux une politique forte et responsable ». Le Pen : « Ça ne veut rien dire, ça, forte et responsable … »

 

Le débat se poursuit au galop pour évoquer le moyen de réduire le risque d’attentats, puis s’achève avec la déclaration de fin des candidats :

  • Fillon reconnaît avoir fait des erreurs (« mais qui n’en a pas fait »), s’affirme comme le seul candidat de l’alternance et déclare qu’il est le seul à pouvoir avoir une majorité stable
  • Hamon appelle à voter « pour » et pas « contre »
  • Le Pen dénonce les promesses qui ne pourront pas être mises en oeuvre car l’UE ne le permettra pas, annonce un monde cauchemardesque et affirme qu’elle respectera le choix du peuple lorsqu’elle fera un référendum, pas comme en 2005
  • Mélenchon parle de « saison des tempêtes » et affirme qu’il rendra la France aux Français en la libérant de l’oligarchie, et qu’il rendra la République à la France en la libérant de la monarchie présidentielle
  • Macron : « Merci à vous [les journalistes] pour ce débat, merci à mes compétiteurs de l’avoir mené avec moi, pour une discussion, chers compatriotes … » (etc., etc.)

 

 

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En dépit d’années d’observations, la planète Solaris garde ses mystères, dont le principal n’est autre que sa surface, un océan gigantesque qui serait en fait … un cerveau.

Antelope Canyon – De lumière et de grès

Antelope Canyon – De lumière et de grès

Si certains patelins reculés n’ont rien pour eux, la petite ville de Page, elle, est doublement bénie des dieux, avec, en point d’orgue, un site parmi les plus photogéniques des Etats-Unis.

Lava Beds – L’ultime champ de guerre des Modocs

Lava Beds – L’ultime champ de guerre des Modocs

Isolé aux confins nord-est de la Californie, le parc de Lava Beds compte deux principaux centres d’intérêt : ses cavernes, et le souvenir de la résistance opiniâtre qu’y livra une poignée d’Indiens.

Les dynamiques qui ont fait basculer l’élection

Les dynamiques qui ont fait basculer l’élection

12 novembre 2016 – Si la victoire de Donald Trump est nette en termes de grands électeurs, elle s’est pourtant jouée à quelques États-clefs qui ont basculé de justesse en sa faveur. Pour expliquer ce résultat, plusieurs dynamiques sont …