Manuel VallsLa nouvelle était dans l’air et Hamon avait laissé entendre dimanche passé qu’elle était imminente, cette fois elle est officielle : Emmanuel Valls vote Macron et ne respecte pas l’engagement qu’il avait pris lors de la primaire de soutenir le vainqueur de celle-ci.

Pour justifier sa décision, l’ex-Premier ministre déclare ne vouloir prendre aucun risque pour la République et pour la France, et invoque l’intérêt supérieur du pays qui va au-delà des règles d’un parti et d’une commission. « Emmanuel Macron doit permettre d’éviter une victoire du Front national », il est un choix non de « cœur » mais de « de raison », il est le vote utile.

Du côté des partisans de Benoît Hamon, c’est la colère qui prévaut, et les réactions sont parfois virulentes : si Mathieu Hanotin, le directeur de campagne du candidat, parle d’une « minable tentative de sabotage », le député Patrick Mennucci, interpellant directement Valls sur Twitter, lui lance : « Tu nous fait honte ». Quant à Arnaud Montebourg, il déclare via le même canal : « Chacun sait désormais ce que vaut un engagement signé sur l’honneur d’un homme comme Manuel Valls : rien. Ce que vaut un homme sans honneur ». Plus mesuré est le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, qui se dit « triste de ne pas avoir réussi à convaincre » l’ex-Premier ministre de ne pas soutenir Emmanuel Macron.

Si l’envie d’Emmanuel Valls de soutenir Emmanuel Macron n’est pas une vraie surprise, le timing de sa sortie laisse toutefois les observateurs perplexes. Certainement Valls parie-t-il sur une victoire du candidat d’En Marche et se positionne-t-il en vue des législatives, estimant que le nouveau président n’aura pas de majorité et devra coaliser. D’un autre côté, rien ne le poussait à sortir si tôt du bois et s’attirer des rancœurs et inimitiés encore plus fortes que celles qu’il subit déjà au PS. A moins qu’il ne craigne réellement et sincèrement une possible victoire de Marine Le Pen et estime de son devoir de prendre position comme il l’a fait ?

 

Benoit Hamon en 2012Pour Benoît Hamon, cette défection est un énième coup dur dans une campagne qui part en vrille et voit désormais Mélenchon le devancer nettement dans les sondages. La situation est telle que le spectre d’un score à un chiffre devient tangible et fait dire à certains, en guise de boutade, que Hamon est bien parti pour réaliser le meilleur résultat jamais obtenu par un candidat écologiste.

Malgré ces déboires, le chantre du revenu universel continue le combat et se montre offensif, comme lors de son meeting mercredi à Lille, où il reçoit un soutien appuyé de Martine Aubry et s’en prend de manière agressive et déterminée à Marine Le Pen. Un peu plus tôt dans la journée (celle-là même où Valls a annoncé son choix), il joue l’audace et le toupet en appelant Mélenchon et toute la gauche à se rallier à lui. L’appel résonne évidemment dans le vide, mais Hamon n’en démord pas : à la primaire socialiste aussi les sondages lui ont d’abord été défavorables. Le contexte semble toutefois bien différent, et la dynamique actuelle de campagne ne plaide guère en sa faveur.

A noter dans le reste de la semaine de Benoît Hamon : une visite à Berlin à Angela Merkel et Martin Schulz, et un déplacement samedi à La Réunion.

 

Emmanuel Macron 2016Du côté d’Emmanuel Macron, l’annonce du soutien d’Emmanuel Valls a été accueillie tièdement. Si le candidat d’En Marche a remercié son ex-Premier ministre pour son soutien, il n’en a pas moins aussitôt précisé qu’il serait « le garant du renouvellement des visages », et que Manuel Valls ne devait pas s’attendre à forcément faire partie du gouvernement. Pour l’actuel favori à la présidentielle, plus que jamais, le défi demeure de ne pas apparaître comme un Hollande-bis qui risquerait de détourner de lui les déçus du quinquennat.

C’est sans doute dans cette optique que, la veille de l’annonce de Valls, il a tenu à préciser les conditions pour être investi aux législatives par son parti. Parmi celles-ci : ne pas avoir de « double étiquette », c.-à-d. ne pas appartenir à un parti autre que En Marche !, auquel il faudra impérativement être rattaché. Exception à la règle : le MoDem, dont les futurs élus pourront être intégrés dans la majorité présidentielle même s’ils concourent sous l’étiquette de leur formation, cela en remerciement du soutien apporté par Bayrou à Macron alors qu’il aurait pu être candidat à la présidentielle. Au cours de son intervention, Emmanuel Macron a également réitéré son intention de mettre en place un gouvernement resserré (une quinzaine de ministres) et formé de nouveaux visages.

Le reste de la semaine d’Emmanuel Macron a été marqué par :

  • une polémique sur le chiffrage de son programme. L’attaque est venue d’un institut économique proche du patronat, le Coe-Rexecode. Passant en revue le programme des candidats, cet organisme a critiqué celui de Macron en annonçant que, dès 2018, il ferait déraper le déficit public à 5% du PIB, estimant notamment que les recettes ont été surestimées et les dépenses sous-estimées. La riposte ne s’est pas fait attendre, le conseiller-économique de Macron, Jean Pisani-Ferry, publiant peu après une tribune dans laquelle il reproche à Coe-Rexecode des erreurs dans ses calculs.
  • une réticence de sa part à participer au dernier débat prévu sur France 2 le 20 avril, en raison d’une proximité trop grande avec le premier tour, qui se déroulera trois jours plus tard. De son côté, Jean-Luc Mélenchon a, pour les mêmes raisons, annoncé qu’il n’y participerait pas.
  • un grand meeting à Marseille, devant 6000 personnes, au cours duquel, en plus de s’être montré virulent contre le FN, Macron a affirmé être un « enfant du 26 mai 1993 » (date de la victoire de l’OM en Ligue des Champions) et supporter le club phocéen.
  • en marge de ce même meeting, une rencontre avec … Christian Estrosi, le président LR de la région PACA. Cette rencontre a eu lieu le lendemain d’un meeting de Fillon à Toulon où Estrosi s’est fait sifflé en raison de ses hésitations à soutenir Fillon avant de l’épisode du Trocadéro. Pour Macron, l’occasion était belle d’affirmer son ouverture aux gaullistes, et Estrosi ne s’est pas trop fait prier pour le recevoir.

 

Compte Twitter de François Fillon - Février 2017François Fillon, justement. Pour la première fois depuis longtemps, il a passé une semaine calme, du moins sur le plan des affaires. Certes son épouse Penelope a-t-elle été officiellement mise en examen mardi 28 mars, mais cette nouvelle était attendue et, comme cela avait été le cas pour François Fillon lui-même voici deux semaines, elle n’a pas provoqué de nouveaux remous dans la campagne.

Aucune nouvelle « affaire » le concernant ne s’invitant sur le devant de la scène, François Fillon a pu se consacrer à sa campagne. En point de mire : poursuivre ses attaques contre le complot visant à l’abattre. Ainsi, lundi 27, six représentants LR ont écrit au procureur de Paris François Molins pour lui signaler des infractions commises par l’exécutif actuel et (d’après eux) révélées dans Bienvenue Place Beauvau. Police : les secrets inavouables d’un quinquennat, le livre que François Fillon avait cité lors de son passage à L’Émission politique pour accuser le président Hollande d’avoir mis en place un cabinet noir. Parmi les signataires de cette lettre : le président du groupe LR à l’Assemblée Christian Jacob, celui du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau, la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse, et l’ex-candidate à la primaire Nathalie Kosciusko-Morizet.

Au cours de ses déplacements, François Fillon a martelé ces accusations et aussi ciblé celui qu’il juge être son principal rival : Emmanuel Macron, qu’il a qualifié de supercherie et appelle désormais Emmanuel Hollande. Mais les sifflets de ses supporters ne se limitent pas à ses adversaires, les soutiens jugés trop tièdes peuvent également avoir leur part, comme cela a été le cas pour Christian Estrosi lors d’un discours qu’il prononçait vendredi à Toulon avant que François Fillon ne prenne la parole. Vexé par les huées, le président LR de la région PACA a réagi en rencontrant le lendemain … Emmanuel Macron, présent ce jour-là à Marseille pour l’un de ses meetings (cf. supra). Inutile de dire que cette entrevue a été très mal reçue par le camp Fillon.

 

Jean-Luc MélenchonDe son côté, Jean-Luc Mélenchon voit la bonne dynamique qui lui était prêtée après le débat être confirmée dans les sondages (voir l’analyse du 31 mars). Il y devance désormais nettement Benoît Hamon et entend naturellement poursuivre son propre chemin, avec comme objectif de rattraper François Fillon, rejetant une nouvelle fois toute idée d’un retrait au profit du socialiste à la dérive, comme ce dernier l’a pourtant – de manière surréaliste – demandé.

Le reste de la semaine du candidat de la France insoumise a été marqué par l’annonce de son intention de ne pas participer au débat prévu sur France 2 le 20 avril. Raison invoquée : « Je ne crois pas possible de participer à une émission de cette nature, au-delà du lundi 17 avril, compte tenu de mon programme d’activité et de la construction de mon programme (…) France 2 ne s’est pas demandé si nous sommes d’accord pour mettre en jeu toute notre campagne [à trois jours du premier tour] ». De son côté, Emmanuel Macron a également fait part de ses réticences à participer à ce dernier débat.

 

Marine Le PenDe son côté, Marine Le Pen a mené campagne dans l’Ouest cette semaine, en Bretagne, en Vendée et à Bordeaux. Elle s’est également vu rattrapée par l’affaire des assistants parlementaires européens, avec la publication par Le Monde d’un email adressé à Marine Le Pen en 2014 par le trésorier du parti Wallerand de Saint Just. Dans ce message, Wallerand de Saint Just expose la forte augmentation des dépenses du parti et souligne la nécessité de trouver des fonds, notamment via des reversements en provenance du Parlement européen. Ce document a été saisi lors des perquisitions qui ont eu lieu au siège du parti en février 2016 et 2017.

Côté sondages (voir l’analyse du 31 mars), Marine Le Pen reste stable aux alentours de 25%, au coude-à-coude avec Emmanuel Macron, actuellement donné comme la devançant très légèrement.

Enfin, bisbilles dans la famille ? Interrogée par Femmes actuelles pour savoir si elle nommerait Marion Maréchal Le Pen à un poste de ministre, Marine Le Pen laisse entendre qu’elle ne le ferait probablement pas, d’une part parce qu’elle est sa nièce et qu’il vaudrait mieux éviter ce genre de mélanges familiaux, mais aussi laisse-t-elle entendre parce qu’elle est trop inexpérimentée. Aux dernières nouvelles, la fougueuse nièce n’aurait guère apprécié.

 

Philippe Poutou en 2011Jouant de l’ironie comme il a montré être capable de le faire, Philippe Poutou s’est prêté au jeu du poisson d’avril samedi 1er en publiant sur son compte Facebook un message dans lequel il annonce le retrait de sa candidature et appelle à soutenir Emmanuel Macron, qu’il qualifie de « candidat anti-système » et dont il approuve la volonté de supprimer 120 000 postes dans la fonction publique car « il y a beaucoup trop de personnel ». Le buzz fonctionne et le poisson du candidat NPA est bien relayé dans la presse.

 

 

 

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