Un débat raté, un après-débat où il s’enlise et, en fin de semaine, des révélations sur ses déclarations fiscales : Trump est à nouveau dans une mauvaise passe et reperd du terrain. De son côté, Clinton a repris le contrôle de la situation, sa pneumonie est oubliée.

 

L’après-débat

Donald Trump en août 2015 Pour la majorité des observateurs et des personnes sondées par les chaînes d’informations classiques, le verdict est clair : Trump a perdu le premier débat. Le milliardaire ne l’entend évidemment pas de cette oreille, clame que le vainqueur, c’est lui, et en veut pour preuve la multitude de études d’opinion en ligne (à la méthodologie pour le moins discutable) qui le déclare gagnant. Et s’il admet quelques difficultés, il en rejette la faute à un système truqué, au modérateur Lester Holt qui n’a pas bien fait son travail, et … à un micro défectueux. Dans un autre registre, il tente également de mettre en avant son côté grand seigneur, expliquant ne pas avoir évoqué les affaires conjugales de la famille Clinton par égard pour leur fille Chelsea, par ailleurs amie avec la sienne Ivanka. Plus prosaïquement, pour expliquer la piètre prestation du milliardaire, les commentateurs mettent surtout en avant l’impréparation manifeste dont il a fait preuve lors du débat, une explication toutefois nuancée dans les jours qui suivent par des échos transpirant de la Trump Tower selon lesquels l’homme d’affaires avait bel et bien été dûment briefé, mais qu’il n’a tout simplement rien appliqué du plan qui avait été concocté.

Les leçons seront-elles tirées pour le débat suivant ? La question reste posée, surtout après un énième esclandre du milliardaire sur Twitter. En cause : une flopée de message en plein milieu de la nuit pour s’interroger sur les conditions d’obtention de la nationalité américaine par … l’ex-Miss Univers Alicia Machado, à l’égard de laquelle Trump avait jadis tenu des propos peu reluisants (Miss PiggyMiss Femme de Chambre) et que Clinton avait rappelés en fin de débat. Trump était alors tombé dans le piège en réagissant au quart de tour à l’attaque de la démocrate au lieu de laisser couler. Depuis, il s’y est enlisé en évoquant les problèmes de poids de Machado le lendemain du débat, et il continue donc de s’y embourber avec des tweets nocturnes écrits suite à une déclaration de l’ex-reine de beauté affirmant son intention de voter pour Clinton.

 

De nouvelles casseroles pour Trump

Donald Trump en août 2015 Entre-temps, deux révélations gênantes pour le magnat de l’immobilier ont surgi sur le devant de la scène. La première concerne Cuba, où Trump est accusé d’avoir dépensé 68 000 dollars en 1998 dans le cadre d’un voyage visant à étudier la possibilité d’y développer des affaires immobilières. Cuba étant sous embargo commercial, les sommes auraient transité en douce par une société off shore pour pouvoir être dépensées, et l’affaire se serait arrêtée là, Trump décidant alors de ne pas pousser plus en avant ce projet.

Cette accusation n’allait toutefois être que peu de choses par rapport à la bombe lâchée en fin de semaine par le New York Times, selon lequel Trump n’aurait – de manière tout à fait légale – payé quasiment aucun impôt pendant vingt ans. En cause : de très lourdes pertes liées à ses casinos en 1995 ($915 millions d’après le NYT) qui lui auraient permis de bénéficier d’abattements de cinquante millions par an jusqu’en 2013. Inutile de dire que la nouvelle fait très mauvais genre, d’autant plus que son corollaire est d’écorner le mythe inlassablement vanté par le milliardaire de sa réussite éclatante dans le monde des affaires. C’est pourtant à cet argument que Trump recourt pour se défendre, expliquant être un homme d’affaires talentueux qui ne paye pas plus d’impôts que ne l’exige la loi. Il avait tenu semblables propos lors du débat de lundi lorsque Clinton l’avait attaqué sur son refus de publier ses déclarations fiscales et laissé sous-entendre que c’était parce qu’elles montraient qu’il ne contribuait à aider le pays.

 

Dans le camp Clinton

Portrait officiel d'Hillary Clinton en tant que Secrétaire d'Etat (2009) - Domaine publicDu côté des démocrates, la semaine est évidemment excellente : le débat a été gagné, l’adversaire s’enlise et en plus il est rattrapé par des révélations qui viennent opportunément le mettre à mal. Bref, le camp Clinton a la main, il ne perd pas son énergie à éteindre des incendies et peut se concentrer sur un élément qui pourrait jouer un rôle important le 8 novembre : l’abstention. C’est en effet une des craintes de Clinton, que la communauté noire (qui avait fortement soutenue Obama en 2008 et 2012) et les supporteurs de Sanders (dont beaucoup ont été galvanisés par le sénateur du Vermont mais ne se reconnaissent pas dans celle qui l’a battu, et pourraient en partie se rabattre sur Gary Johnson ou Jill Stein) ne se motivent pas assez pour la soutenir et fassent défaut au moment du vote. Dès lors Michelle Obama et Bernie Sanders lui-même s’impliquent et font campagne pour aller chercher les voix concernées.

 

Autres faits de campagne

  • Les déconvenues qu’il subit n’empêche pas Trump de rester offensif et de développer de nouveaux angles d’attaque, comme par exemple s’en prendre à Google, qu’il accuse de soutenir sa rivale en supprimant de son moteur de recherche les informations négatives la concernant. Dans un autre registre (plus attendu), il commence à mettre en doute la fidélité d’Hillary vis-à-vis de Bill. Ce dernier point annonce-t-il la couleur pour le prochain débat ?
  • A mesure que l’élection approche les journaux prennent parti. Si cela n’est pas vraiment nouveau pour nombre d’entre eux (par exemple le New York Times et le Washington Post, qui, comme beaucoup d’autres, ont annoncé soutenir Clinton), ce l’est davantage pour certains tel USA Today, qui, en 34 ans d’existence, n’avait jamais pris position, mais qui, cette année, appelle à ne pas voter Trump. Dans un autre registre, l’Arizona Republic annonce pour la première fois depuis 1890 qu’il soutient un candidat qui n’est pas républicain : « He is not conservative and he is not qualified » et « Hillary is the only choice to move America ahead ».
  • Camouflet pour Obama : le Sénat retoque très largement son veto sur la loi autorisant les proches des victimes du 11 septembre à poursuivre des pays étrangers, dont l’Arabie saoudite. 97 sénateurs sur 100 (en campagne, Tim Kaine et Bernie Sanders étaient absents, et Harry Reid a voté contre) se sont en effet prononcés en faveur de cette loi, le « Justice Against Sponsors of Terrorism Act », portée conjointement par le démocrate Chuck Schumer et le républicain John Corryn.
  • Le candidat libertarien Gary Johnson a connu un nouveau « Aleppo moment », comme il le qualifie lui-même en référence à son ignorance voici quelques semaines lorsqu’un journaliste lui avait posé une question sur la ville syrienne martyr et qu’il avait été incapable d’y répondre. Cette fois, son absence de réaction a concerné la demande d’un journaliste de citer un dirigeant étranger qu’il respecte. Gros blanc. Après quelques secondes de tergiversations, il déclare « le président du Mexique ». « Lequel ? » demande le journaliste. Heureusement son colistier (qui avait déjà tenté de lui venir en aide) vole à sa rescousse : il parlait de Vicente Fox.