Premier débat démocrate depuis plus d’un mois, organisé par CNN à Brooklyn, à l’insistance de Sanders qui a plus ou moins défié Clinton d’accepter un nouveau face-à-face. Dans l’important État de New York, Clinton domine les sondages de dix à quinze points. A noter que les deux candidats évoluent ce soir d’une certaine manière à domicile, Clinton étant ex-sénateur de New York et y habitant, tandis que Sanders est originaire de Brooklyn.

 

Résumé

Victoire aux points de Sanders qui s’est montré pugnace du début à la fin et a malmené une adversaire par moments peu convaincante, mais qui n’a pas non plus connu de trous d’air majeurs. A noter que, malgré une tension palpable, le débat est toujours resté poli et courtois.

 

Déroulé

 

  • Les supporters des deux camps sont là et se font entendre, ça crie, ça applaudit, ça hue, ça hurle.
  • Après la rituelle déclaration d’ouverture des candidats, Sanders entre d’emblée dans le vif du sujet en déclarant ne pas mettre en doute ni l’intelligence ni l’expérience de sa rivale, mais bien son jugement, réitérant au passage les attaques maintes fois martelées sur l’Irak, les accords de libre-échange, les super PAC …. Le ton est donné, les candidats ne vont pas se ménager et Clinton réplique aussitôt avec l’interview désastreuse de son adversaire au New York Daily Times, puis déclare que les électeurs de New York qui l’ont élue deux fois par le passé ont montré qu’il ne la considérait pas comme « unqualified », tout comme le Président Obama qui l’a choisie pour Secrétaire d’État. Elle abattra un peu plus tard une deuxième fois la carte Obama, cette fois pour expliquer que les attaques de Sanders sur les Super PAC ne la mettaient pas seulement en cause, elle, mais aussi, sacrilège, le Président himself, celui ayant recouru à un tel organisme en 2012.
  • Moment faible pour Sanders : lorsque le journaliste lui demande des exemples concrets de connivence entre Clinton et Wall Street. La réponse du sénateur est vague et générale, et Clinton a beau jeu de rétorquer : « He cannot come up with any example, because there is no example. »
  • Poursuivant sur sa lancée, Clinton affirme avoir interpellé les dirigeants des institutions financières lorsqu’elle était sénatrice et les avoir sermonnés pour leurs comportements. Sanders bondit sur l’occasion et persifle : « Secretary Clinton called them out ? Oh my goodness, they must have been really crushed by this. And was that before or after you received huge sums of money by giving speaking engagements ? So they must have been very, very upset by what you did. »
  • Les conférences de Clinton, justement. Sanders revient également à la charge sur ce sujet, soutenu par les modérateurs qui s’étonnent que la candidate continue de ne pas rendre public les discours qu’elle a prononcés à Goldman Sachs. La candidate se justifie en expliquant que cette demande ne fait pas partie de ce qui était généralement attendu de la part d’un candidat à la présidentielle, mais qu’elle est prête à y accéder si tout le monde accepte de faire pareil. Elle tente ensuite de faire diversion en déclarant que, elle, elle a publié trente ans de déclarations fiscales au contraire de Sanders, qui n’en a publié aucune. Celui-ci annonce qu’il rendra dès demain publique sa déclaration de 2014, et que les autres années suivront prochainement. Quant à l’argument de Clinton pour ne pas dévoiler le contenu de ses discours, il y répond comme déjà fait dans un précédent débat : « I’m going to release all the transcripts of the speeches I gave on Wall Street behind closed doors (…). There were no speeches ». Bilan de la séquence : l’impression irrépressible qu’il doit vraiment y avoir quelque chose de dérangeant dans ses discours à Goldman Sachs pour que Clinton s’obstine ainsi à ne pas les publier, qui plus est en recourant à des arguments aussi fallacieux que ceux qu’elle avance.
  • Tiens, Clinton se pose en farouche partisane d’un salaire minimum à $15/heure. Ses propos lors d’un précédent débat étaient pourtant beaucoup moins tranchés ($12/h), Sanders manquant d’ailleurs de s’étrangler en l’entendant affirmer qu’elle a toujours défendu cette position.
  • Au tour du sénateur du Vermont d’être sur la défensive avec la question sur le contrôle des armes à feu, même si Clinton est la première sur la sellette lorsque le journaliste Blitzer lui rappelle une citation dans laquelle elle liait crimes commis à New York et ventes d’armes dans … le Vermont et lui demande si cette affirmation était vraiment sérieuse (en fait, seulement 1,2% des armes à feu saisies en 2014 à New York proviennent de cet État). L’ex-Secrétaire d’État expédie la question d’un sobre « Of course not » et passe immédiatement à l’offensive en accusant Sanders d’avoir voté à de nombreuses reprises en faveur de l’impunité des fabricants d’armes. Sanders contra en expliquant avoir une note D- de la part de la NRA en ce qui concerne ses votes sur le sujet, puis ajouta que, puisqu’il venait d’un État quasiment sans contrôle des armes, il s’estimait le candidat le plus qualifié pour trouver le consensus dont a besoin le pays. Clinton répéta alors que Sanders avait bel et bien bénéficié du soutien de la NRA d’une élection passée puisque celle-ci avait financée des publicités négatives contre son adversaire. Plus intéressante fut la question du journaliste Blitzer sur l’opposition de Sanders à ce que les fabricants d’armes soient passibles de poursuites en cas d’usage criminel de leurs produits, ce qui permit à Clinton de relancer l’accusation d’impunité offerte auxdits fabricants. Sanders ponctuera l’échange en affirmant ne pas avoir hésité il y a des années de cela à s’opposer à la vente libre des armes d’assaut, bien qu’une telle proposition soit impopulaire dans un État rural comme le sien.
  • Le débat passe ensuite sur le changement climatique, avec un Sanders à nouveau très véhément sur les actions radicales à prendre en urgence, dont l’indispensable nécessité de ne plus être influencé par le lobby pétrolier. En retour, Clinton se plaint du manque de considération de son rival pour l’accord obtenu par Obama lors des dernières négociations. La discussion glisse sur le pétrole de schiste et le soutien que Clinton a apporté à cette technique. Enfin, vis-à-vis d’un Sanders se positionnant en chantre de projets de lois ambitieux (p.ex. la taxe carbone), l’ex-Secrétaire d’État se pose en pragmatique capable de trouver des accords avec le Congrès pour faire avancer les choses là où son rival ne récolterait qu’un rejet massif.
  • Politique étrangère : Clinton à nouveau sous les feux des projecteurs suite aux récents propos d’Obama déclarant qu’être intervenu en Libye sans avoir un plan pour l’après-Kadhafi était la plus grosse erreur de ses sept années de présidence. L’ex-Secrétaire d’État doit alors justifier l’intervention et ses décisions de l’époque et tente d’y mêler Sanders en expliquant que celui-ci a voté en faveur de l’intervention. Le sénateur du Vermont s’insurge : il a voté pour que la démocratie soit apportée en Libye, pas pour un changement de régime sans anticiper l’après.
  • Sur l’OTAN : comme Trump, Sanders reproche aux Européens de ne pas prendre suffisamment part à son financement. Clinton n’est pas en désaccord mais réaffirme sa volonté de maintenir l’engagement américain au sein de l’organisation.
  • Grosse séquence sur Israël. Sanders se montre très critique vis-à-vis des réactions « disproportionnées » des dirigeants de l’État hébreu et appelle à traiter les Palestiniens avec respect et dignité. Toujours sur les Palestiniens, il reproche à Clinton de n’avoir quasi pas mentionné leur sort lors du récent discours qu’elle a prononcé devant l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee, un influent lobby pro-israélien), et conclut en déclarant que « there will never be peace in that region unless the United States plays a role, an even-handed role trying to bring people together and recognizing the serious problems that exist among the Palestinian people. » Réponse de Clinton : « Again describing the problem is a lot easier than trying to solve it. And I have been involved (…) ». Le mot de la fin est pour Sanders : « All that I am saying is we cannot continue to be one-sided. There are two sides to the issue. »
  • Autres points abordés : les réformes sociales prônées par Sanders en matière d’éducation et de soins de santé, les critiques de Clinton sur leur réalisme et sa volonté de s’appuyer sur l’Obamacare ; la sécurité sociale ; la question des droits des femmes, mise en avant par Clinton ; …

 

 

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