Un mois après le second Super Tuesday de mars va démarrer un nouveau round d’échéances importantes, avec New York le 19 avril et la primaire dite de l’Acela le 26. Entre-temps se sont déroulés une demi-douzaine de scrutins de moindre envergure, au cours desquels Sanders et Cruz ont repris des couleurs au détriment de Clinton et Trump, toujours leaders mais néanmoins malmenés, en particulier le magnat de l’immobilier, dont la campagne est clairement dans un temps faible.

 

Chez les républicains

 

Date État Vainqueur % du vainqueur # délégués en jeu
22/3 Utah Cruz 69% 40 (Winner takes most)
Arizona Trump 46% 58 (Winner takes all)
1/4 Dakota du Nord Cruz Convention 28 (Unbound)
5/4 Wisconsin Cruz 48% 42 (Winner takes all)
9/4 Colorado Cruz Convention 34 (Unbound)

Total des délégués obtenus depuis le début des primaires : Trump 755 ; Cruz 521 ; Kasich 144.

 

Portrait officiel de Ted Cruz en tant que sénateur (2013)Avec quatre victoires en cinq scrutins, Cruz a le vent en poupe et résorbe une partie de son retard sur Trump. Pas assez pour espérer obtenir le nombre requis de délégués permettant de gagner la primaire (il lui faudrait rafler 90% des délégués encore à mettre en jeu), mais suffisamment pour ralentir Trump dans sa quête du nombre magique de 1237 délégués.

Pour le milliardaire, la menace est sérieuse : ses prises de positions continuent de diviser et il se montre incapable de rallier de nouveaux membres de l’establishment à sa cause, ceux prenant position pour un candidat le faisant généralement en faveur de Cruz. Ainsi ces dernières semaines, les ex-candidats Lindsay Graham, Jeb Bush et Scott Walker ont apporté leur soutien au sénateur du Texas, tandis que Mitt Romney, sans se montrer très enthousiaste, a appelé à voter pour lui dans l’Utah.

Pour atteindre les 1237 délégués, Trump doit désormais remporter 60% de ceux encore à mettre en jeu. Une performance qui s’annonce ardue, d’autant que resurgit la critique sur son manque de maîtrise du processus électoral républicain, à la différence d’un Cruz dont l’équipe est parfaitement au fait des nombreuses subtilités des scrutins ainsi que des méthodes de sélection des délégués. Cette maitrise a ainsi permis au sénateur du Texas non seulement de gagner l’un ou l’autre État, mais aussi de grappiller par-ci par-là quelques précieux délégués au détriment de Trump, lequel a très mal pris la perte du Colorado et s’est offusqué « d’un système truqué, d’une escroquerie. »

Photo d'en-tête du compte Twitter de Paul ManafortConscient de cette faiblesse (et du besoin de relancer une campagne qui s’enlise), Trump a renforcé son équipe avec les venues de Rick Wiley (un ex-collaborateur de Walker) au poste de directeur de campagne, et du conseiller Paul Manafort (photo), un vétéran des primaires républicaines qui joua un rôle actif dans le succès de Ford en 1976, puis dans ceux de Reagan en 1980 et Bush père en 1988, et qui a d’emblée mis les pieds dans le plat en déclarant : « Allez dans ces conventions locales et vous verrez les méthodes [de Cruz], des méthodes de la Gestapo, une tactique de la terre brûlée ».

L’embauche de Manafort s’explique cependant avant tout dans la perspective de moins en moins improbable d’une convention négociée. Dans un tel scénario, les délégués, contraints lors du premier tour de la convention de voter selon le verdict des scrutins des primaires dans leur État, deviennent libres de choisir le candidat de leur choix si un deuxième tour s’avère nécessaire. La question de leur fidélité est donc cruciale, et Trump pourrait en voir beaucoup se détourner de lui. Le travail de Manafort sera donc de s’assurer la sélection de délégués favorables à Trump et de trouver les arguments qui portent pour convaincre ceux tentés de changer de vote.

Quant à Kasich, il continue (discrètement) de rester en lice, tablant plus que jamais sur une convention négociée. Comme ses rivaux, il est revenu sur son engagement à soutenir le candidat républicain arrivé en tête au terme des scrutins, Cruz déclarant quant à lui que « Donald ne sera pas désigné par le GOP, nous allons le battre », tandis que Trump estime que la manière injuste dont le traite le parti l’autoriserait à se présenter en tant qu’indépendant si l’adoubement lui était refusé.

Et si, toujours dans la perspective d’une convention négociée, aucun des participants actuellement en piste n’émergeait, qui pour prendre leur place ? Le nom de Paul Ryan circule avec insistance, mais celui-ci a, le 13 avril, exclut d’être un candidat « de compromis ».

 

Autres faits de campagne

 

  • Plus de débat côté républicain. Trump a refusé de participer à celui prévu le 21 mars à Salt Lake City, arguant qu’il y en avait déjà eu assez. Kasich a alors déclaré ne pas vouloir y participer si le milliardaire n’était pas présent, ce qui aurait laissé Cruz seul en scène. Le débat a donc été annulé.
  • La tension reste vive lors des meetings de Trump, plusieurs d’entre eux post-second Super Tuesday ayant été émaillés par de nouveaux incidents et l’arrestation de manifestants.
  • L’incident le plus marquant a touché un des directeurs de campagne de Trump, Corey Lewandowski, poursuivi pour voies de fait sur la journaliste Michelle Fields, laquelle l’a accusé de l’avoir violemment tirée par l’avant-bras lors d’un meeting en Floride début mars. L’affaire a fait du bruit mais se solde finalement par un non-lieu faute de preuves suffisantes.
  • La campagne précédant les votes en Utah et Arizona a été marquée par de nouveaux dérapages entre Trump et Cruz, qui s’en sont chacun pris à la conjointe de leur adversaire. Le feu a été ouvert par un Super PAC anti-Trump qui a ressorti les photos d’un shooting dénudé réalisé en 2000 pour le magazine GQ par Melania Trump, alors qu’elle était mannequin et pas encore mariée au magnat de l’immobilier. Furieux, Trump menace de « tout révéler » sur l’épouse de son rival. Réplique de Cruz : « Si tu t’attaques à Heidi, tu es encore plus lâche que je ne le croyais. » L’échange se termine par un tweet de Trump qui publie une photo d’Heidi Cruz peu à son avantage et la compare à une autre mettant en valeur sa propre femme. A noter que se mettent également à circuler des rumeurs des aventures extra-conjugales de Cruz.
  • Trump encore et toujours, qui se prend cette fois un gros gadin sur la question de l’avortement. A un journaliste évoquant l’hypothèse que l’avortement soit rendu illégal, le milliardaire déclare que les femmes qui y auraient alors recours devraient encourir « une forme de punition ». Rétropédalage en catastrophe quelques heures plus tard suite au tollé déclenché par cette sortie non-contrôlée : Trump déclare cette fois que ce sont les médecins qui devraient être sanctionnés. L’effet produit par cette bourde est pour le moins marqué et, conjugué aux victoires qu’enregistre Cruz, contribue pour beaucoup à l’impression d’un Trump affaibli dans sa campagne.
  • Politique étrangère : les attentats qui frappent Bruxelles le 22 mars déclenchent de nouvelles sorties des candidats sur le terrorisme. Autre sujet : l’OTAN, déclarée comme « obsolète » par Trump, lequel se déclare également favorable à ce que le Japon et la Corée du Sud développent leur propre arsenal nucléaire afin de ne plus avoir à compter sur l’aide américaine, qu’il estime démesurée.
  • Petit coup médiatique du Boston Globe qui publie une fausse une daté du 9 avril 2017 décrivant la situation du pays avec un Trump président à cette date (« Deportations to begin », « US soldiers refuse orders to kill ISIS families », « Markets sink as trade war looms » ou encore « Trump on Nobel prize short list » pour avoir réconcilié Sunnites et Chi’ites …).
  • Le 14 avril, Ted Cruz déclare qu’il pourrait prendre Marco Rubio comme vice-président.
  • Obama a choisi le remplaçant d’Antonin Scalia à la Cour suprême : le juge Merrick Garland. Ire des républicains qui entendent bloquer cette nomination jusqu’à l’élection de novembre.

 

Chez les démocrates

 

Date État Vainqueur % du vainqueur # délégués en jeu
22/3 Arizona Clinton 56,3% 75
Idaho Sanders 78,0% 23
Utah Sanders 79,3% 33
26/3 Alaska Sanders 79,8% 16
Hawaï Sanders 69,8% 25
Washington Sanders 72,7% 101
30/4 Démocrates de l’étranger Sanders 68,9% 13
5/4 Wisconsin Sanders 56,6% 86
9/4 Wyoming Sanders 55,7% 14

 

Photo de Bernie Sanders en tant que sénateur en 2007Grosse séquence pour Bernie Sanders qui vient de remporter huit des neuf derniers scrutins, et chaque fois de manière nette, voire très nette, rattrapant ainsi une centaine de délégués sur sa rivale.

Si un renversement complet de situation demeure improbable (les États remportés par le sénateur du Vermont sont de taille modeste et son retard en nombre de délégués reste conséquent : près de 200, compte non-tenu des super-délégués), la performance de Sanders n’en est pas moins formidable : il maintient la pression sur Clinton et gagne de plus en plus en popularité y compris au sein des minorités. Sa notoriété auprès des électeurs du Deep South aurait-elle été plus élevée en début de campagne, peut-être les deux candidats seraient-ils au coude-à-coude à l’heure actuelle.

 

Autres faits de campagne

 

  • Le mois écoulé s’est également avéré profitable pour Sanders sur le plan financier, avec pas moins de $44m récoltés, mieux que Clinton sur la même période ($29,5m).
  • Tout n’est toutefois pas parfait pour le challenger, égratigné suite à un entretien un peu trop nonchalant avec le New York Daily News, au cours duquel le sénateur a fait preuve d’imprécisions et d’hésitations sur plusieurs sujets (p.ex. la réforme du système bancaire ou le métro new-yorkais …). Cette prestation ratée lui a valu pas mal de sarcasmes.
  • De son côté, Clinton a reproché à son rival de mener une campagne « négative » du fait des attaques à son encontre sur ses positions passées au sujet de la guerre en Iraq ou de ses relations avec Wall Street. Elle a également provoqué la fureur de Sanders en mettant en doute sa capacité à être président, le sénateur du Vermont, lequel répliqua alors : « Êtes-vous qualifiée pour être la présidente de États-Unis lorsque vous recevez des millions de dollars de Wall Street, dont l’avidité, l’irresponsabilité et le comportement illégal ont contribué à détruire notre économie ? »
  • Biden-la-gaffe a déclaré qu’il aimerait voir une femme à la tête du pays
  • Un dîner de levée de fonds au profit de Clinton et du parti démocrate avec George Clooney en guest-star provoque l’ire de Sanders lorsqu’est révélé le coût du ticket d’entrée à l’événement (plus de 300 000 dollars).