Logo de la convention démocrate de 2016

 

Tim KaineTrois événements marquent les jours précédant la convention démocrate. D’abord, le choix de Tim Kaine comme colistier par Clinton. La candidate joue la carte centriste, où elle estime avoir le plus à gagner, le ralliement de Sanders devant lui paraître suffisant pour capter le vote de la majeure partie de ses électeurs. Actuel sénateur de Virginie après en avoir été gouverneur et auparavant maire de Richmond, Kaine (58 ans) jouit d’une réputation de sérieux qui confine parfois à l’ennui (ce qu’il admet lui-même). Se déclarant personnellement opposé à l’avortement, il défend toutefois la liberté de choix des personnes concernées.

Ensuite, le DNC email leak, nom donné à la publication par Wikileaks de vingt mille emails échangés par les membres du Comité national démocrate. Si la source à l’origine de la fuite n’a pas été dévoilée, des experts estiment toutefois que le vol des données a été réalisé par des hackers russes, certains y voyant même la patte du Kremlin, qui, théorisent-ils, chercherait à favoriser Donald Trump. Niveau contenu, ces emails confirment les manœuvres de certains membres du DNC pour saper la campagne de Bernie Sanders. Soumise à forte pression, sa présidente Debbie Wasserman Schultz est contrainte de démissionner. C’est, dans l’immédiat, la seule conséquence directe de ses révélations, Sanders – qui se déclare déçu mais pas choqué – ne remettant pas en cause la victoire de Clinton.

Enfin, la mise sur pied d’une commission chargée d’élaborer une réforme du système des super-délégués. Si leur suppression pure et simple n’est pas à l’ordre du jour, la direction suivie est de proposer que deviennent simples délégués les super-délégués qui ne sont ni gouverneurs, ni sénateurs ni membres de la Chambre des Représentants (soit approximativement deux tiers des supers-délégués actuels).

 

La convention

 

Ils sont venus, ils sont tous là : contrairement aux républicains, aucune figure majeure du parti démocrate ne manque à la fête. Ainsi le premier jour s’expriment notamment Cory Booker (sénateur du New Jersey et considéré comme étoile montante du parti), Michelle Obama (dont le discours a été salué par de nombreux observateurs), Elizabeth Warren et Bernie Sanders, lequel, au contraire de quelques-uns de ses supporters qui ont à plusieurs reprises hué le nom de la candidate, a joué sans réserve la carte de l’unité et s’est déclaré fier de soutenir Hillary Clinton. Le deuxième jour est marqué par le speech de Bill Clinton, le troisième par ceux de Joe Biden, Michael BloombergTim Kaine et surtout Barack Obama. La quatrième journée, enfin, est clôturée par le discours de la candidate, introduite par sa fille Chelsea.

 

Le discours d’Hillary

 

Hillary Clinton à la Convention de Philadelphie 2016Il commence par un moment cocasse : alors que Clinton remercie Sanders et parle de sa campagne qui a inspiré des millions d’Américains, les caméras montrent le sénateur du Vermont renfrogné comme à son habitude et n’arborant aucun sourire, tout juste un petit rictus crispé.

Tout au long de son discours, Clinton se réfère aux glorieux anciens, parle d’unité, de ne pas avoir peur du futur, et s’en prend à Trump dont elle n’hésite pas à mettre plusieurs fois en cause les aptitudes à présider. Elle évoque les Pères fondateurs, Franklin Roosevelt et sa citation « La seule chose dont nous devons avoir peur, c’est de la peur elle-même », rappelle la devise du pays (« E pluribus unum ») et toutes les qualités dont sont pourvues les gens composant le peuple des États-Unis d’Amérique, avant de rejeter avec force l’idée d’un Trump qui pense pouvoir tout résoudre tout seul

Elle revient ensuite sur son parcours et celui laborieux de ses parents (par opposition tacite au statut d’héritier de Trump), puis souligne le symbole d’être la première femme nommée à l’investiture suprême par l’un des deux grands partis. Elle ajoute que les hommes doivent en être heureux également car, « quand des barrières tombent, le chemin est dégagé pour tous. When there’s no ceiling, sky’s the limit ».

Elle dépeint ensuite une Amérique à contre-pied de celle décrite plus tôt par Trump, salue l’œuvre de Barack Obama et de Joe Biden qui « ont sauvé le pays de la pire crise économique ayant jamais eu lieu » et « ont rendu les États-Unis plus fort qu’ils ne l’étaient à leur entrée en fonction ». Elle ajoute toutefois que tout n’est pas parfait, que des problèmes datant de bien avant la crise doivent encore être résolus et que c’est à raison si des gens sont frustrés et furieux. Son constat : la démocratie ne fonctionne pas de la manière dont elle le devrait, ce qui selon elle implique de nommer à la Cour suprême des juges qui réduiront l’influence de l’argent chez les politiciens et ne restreindront pas les droits de vote des citoyens. Elle veut aussi qu’un amendement constitutionnel soit passé pour court-circuiter l’arrêt Citizens United.

Elle s’en prend par après aux grandes entreprises qui doivent faire preuve de davantage de patriotisme. Vient ensuite la déclinaison de son credo : « I believe that climate change is real and that we can save our planet while creating millions of good-paying clean energy jobs. I believe that when we have millions of hardworking immigrants contributing to our economy, it would be self-defeating and inhumane to kick them out », ajoutant que quiconque se reconnaissant dans ces valeurs, peu importe le parti auquel il appartient, devrait la rejoindre. Elle complète son propos en évoquant la sécurité sociale, l’égalité salariale …, autant d’éléments dont « vous n’avez pas entendu parler chez Donald Trump, qui n’offre aucune solution ».

Concernant ses cent premiers jours à la Maison Blanche, elle entend :

  • Travailler avec les deux partis pour réaliser le plus grand investissement depuis la Seconde Guerre mondiale en faveur d’emplois nouveaux et bien payés, des emplois avant tout de le secteur de l’énergie verte, des technologies, de l’innovation, des PME et des infrastructures.
  • Transformer la formation des jeunes pour qu’ils soient prêts à embrasser ces nouveaux emplois.
  • En collaboration avec Bernie Sanders, offrir la gratuité (« college tuition-free ») de l’enseignement pour la classe moyenne et résoudre le problème de l’endettement estudiantin.
  • Pour financer ces mesures, Wall Street et les super riches vont payer leur part d’impôts, pas parce que [nous] n’aimons pas le succès, mais parce que, quand plus de 90% des bénéfices vont au Top 1% de la population, c’est là que se trouve l’argent.

Sur la politique étrangère, elle se déclare fière de l’accord sur le nucléaire conclu avec l’Iran (« without firing a single shot »), comme elle est fière de l’accord mondial obtenu sur le climat. Elle déclare aussi qu’il faut continuer de défendre la sécurité d’Israël et que, concernant l’OTAN et autres alliances, il convient que chacun respecte ses engagements, y compris les États-Unis. Suivront encore des commentaires sur la Russie et sur Daech. Elle reprend ensuite à nouveau Donald Trump à partie, questionnant sa capacité à être Commandant-en-chef des armées, lui qui perd son sang-froid à la moindre provocation, dans un débat ou quand interrogé par un journaliste (« Imaginez-le dans le Bureau ovale devant gérer une vraie crise. Un homme que vous pouvez exciter avec un tweet n’est pas un homme en qui nous pouvons avoir confiance en matière d’armes nucléaires »).

En résumé, Clinton s’est ingéniée à galvaniser les troupes qui lui sont acquises et convaincre ceux qui ne l’aiment pas que Trump est le pire choix. Elle a aussi multiplié les appels envers les sympathisants de Sanders et repris à son compte plusieurs de ses propositions et cibles, ce qui n’a certainement pas manqué d’en faire rire jaune certains, vu les critiques dont elle est l’objet sur sa proximité avec Wall Street et la versatilité de plusieurs de ses positions.

 

Articles récents

Les dynamiques qui ont fait basculer l’élection

Les dynamiques qui ont fait basculer l’élection

12 novembre 2016 – Si la victoire de Donald Trump est nette en termes de grands électeurs, elle s’est pourtant jouée à quelques États-clefs qui ont basculé de justesse en sa faveur. Pour expliquer ce résultat, plusieurs dynamiques sont …

La « Trilogie de la Guerre » de Roberto Rossellini

La « Trilogie de la Guerre » de Roberto Rossellini

Italie, 1945. Dans un pays dévasté, une génération nouvelle de réalisateurs invente le néoréalisme. Parmi ses fers de lance : Roberto Rossellini, qui, en trois ans et trois films, accède au statut d’auteur majeur du 7ème Art.

Solaris (1972) – Andreï Tarkovski

Solaris (1972) – Andreï Tarkovski

En dépit d’années d’observations, la planète Solaris garde ses mystères, dont le principal n’est autre que sa surface, un océan gigantesque qui serait en fait … un cerveau.

Antelope Canyon – De lumière et de grès

Antelope Canyon – De lumière et de grès

Si certains patelins reculés n’ont rien pour eux, la petite ville de Page, elle, est doublement bénie des dieux, avec, en point d’orgue, un site parmi les plus photogéniques des Etats-Unis.

Lava Beds – L’ultime champ de guerre des Modocs

Lava Beds – L’ultime champ de guerre des Modocs

Isolé aux confins nord-est de la Californie, le parc de Lava Beds compte deux principaux centres d’intérêt : ses cavernes, et le souvenir de la résistance opiniâtre qu’y livra une poignée d’Indiens.

7 mai – Où Macron est élu président

7 mai – Où Macron est élu président

En dépit d’une abstention substantielle, Emmanuel Macron remporte le second tour avec une avance nette et devient le nouveau président de la République.