Pas de débat entre candidats au premier tour mais un passage à tour de rôle mercredi et jeudi sur le plateau de Des Paroles et des Actes (France 2) pour un entretien avec David Pujadas et ses journalistes.

 

Nicolas Dupont-Aignan en 2011Nicolas Dupont-Aignan ouvre le bal en réaffirmant les points-clefs de sa campagne : quitter Schengen, sortir de l’euro et diviser l’immigration par deux (« Soit on se protège, soit on détricote tous nos acquis »). Se disant gaulliste et républicain, il dénonce les deux partis dominants qui sont à la botte de la finance et en appelle aux patriotes et à ceux qui ont voté « Non » en 2005. Sur l’éducation, il prône de rassembler les élèves perturbateurs dans des établissements spéciaux pour ne pas empêcher les autres de progresser. A l’aise dans la discussion, il est moins convaincant sur la partie économique.

 

Eva Joly en 2011Eva Joly déplore être coincée entre « la gauche molle qui ne promet rien et la gauche folle qui promet tout », estimant quant à elle incarner la gauche raisonnable qui ne fait pas de baratin. Elle répète son objectif d’atteindre 40% d’énergie renouvelable en 2020 (vs. 15% aujourd’hui) et affirme que le développement de cette filière permettra de réduire le chômage grâce à la création directe d’emplois et aux économies dégagées qui seront investies dans des secteurs liés à la qualité de vie (crèches, logement …). Elle se déclare en faveur de la légalisation du cannabis et s’oppose à une application inflexible de la laïcité (elle donne l’exemple des nourrices portant le hijab). Interrogée sur ses déclarations quant à Sarkozy, Karachi et Bettencourt, elle déplore que si peu de cas soit fait en France des fortes présomptions judiciaires touchant un Président qui se représente, et reproche aux médias une trop grande « loyauté » au pouvoir. Un peu stressée et hésitante au début, elle se reprend vite et se montre de plus en plus à l’aise. Dotée d’un style franc et punchy, elle botte toutefois en touche quand interrogée sur le devenir de l’accord PS-EELV, en particulier sur la question du nucléaire et des centrales à fermer.

 

François Hollande en 2012François Hollande commence par réfuter l’idée que son programme ne contient pas de grandes réformes structurelles, citant la réforme fiscale, la réforme bancaire et celle des collectivités locales. A la question de savoir si un retour de la crise de la dette pourrait modifier son programme, il répond que son projet économique restera inchangé et que les seules mesures nouvelles viseront à contrôler la spéculation. Sur l’accord PS-EELV : il sera respecté en ce qui concerne les circonscriptions, mais le programme qui sera appliqué sera le sien et pas un autre. Sur Mélenchon : il refuse de répondre quant à l’hypothèse d’un meeting commun lors de l’entre-deux tours.

 

Marine Le Pen en 2010Interrogée sur l’attitude qu’elle adopterait en cas d’afflux massif de réfugiés politiques, Marine Le Pen déclare sans ambages qu’elle refuserait tout accueil, « la France n’en ayant plus les moyens ». Elle en rejette la faute sur Nicolas Sarkozy qui a, dit-elle, aggravé le flux migratoire et serait responsable de l’instabilité régnant en Afrique du Nord, l’intervention en Libye étant à ses yeux un échec majeur qui a abouti d’une part à la prise de pouvoir de djihadistes, et d’autre part à déstabiliser la région (cf. le Mali). Questionnée sur ses propos quant à Mohamed Merah, elle confirme être pour la suppression du droit du sol et réitère sa volonté de prendre en compte des critères de bonne conduite pour l’attribution de la nationalité française. Sur les IVG : elle entend lutter contre les interruptions de « récidive » et est opposée au Pass contraception, renvoyant la responsabilité aux parents sur ce sujet. Mise sur la sellette sur ses mesures économique, elle s’en tire par une pirouette en appelant ses interlocuteurs à « sortir du cadre » et ne pas rester figés dans des schémas immuables.

 

Philippe Poutou en 2011Changement d’ambiance avec Philippe Poutou, qui détend l’atmosphère et – parfois involontairement – suscite des rires par son autodérision, son franc-parler et la sympathie qu’il dégage. Propulsé un peu par défaut sous les projecteurs après le retrait de Besancenot, le candidat du NPA (réparateur de machines chez Ford dans le civil) s’en amuse et ne cache pas les difficultés de sa campagne, ni ne conteste les faibles scores qui lui sont prédits. Il n’en reste pas moins passionné et parle avec conviction de son programme, lequel fait la part belle aux réquisitions et expropriations des biens des entreprises privées (collectivisation), ainsi qu’à l’interdiction des licenciements. Sont également relevés : la suppression de la fonction présidentielle, l’école commune sans notes ni classements, la liberté absolue en matière de circulation des gens, etc. Interrogé sur la montée de Mélenchon, il s’en réjouit (« ce sont des camarades ») mais dénonce l’idée de s’associer avec le PS, chose impensable à ses yeux.

 

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François Bayrou en 2009Jeudi, c’est François Bayrou qui est le premier en piste. Interrogé sur son discours controversé après la tuerie de Toulouse, il déclare en assumer chaque ligne. Sur la nécessité de « produire en France », il affirme que le problème n’est pas le coût du travail mais l’absence de stratégie nationale filière par filière, citant en exemple le textile et le tourisme. Il embraye sur l’importance de maîtriser la dépense publique et de mettre un terme aux gaspillages. Questionné sur son ambiguïté par rapport au mariage homosexuel (qu’il refuse) et à la reconnaissance de l’homoparentalité (qu’il préconise), il botte en touche, focalisant sa réponse sur l’homoparentalité. Il botte aussi en touche quand lui est demandé s’il accepterait d’être le Premier ministre de Sarkozy : « Je refuse de me laisser enfermer dans cette question. Cela voudrait dire que j’accepte le principe d’un second tour joué d’avance. »

 

Jacques Cheminade en 2012Gros parti pris des journalistes qui focalisent l’entretien avec (le, il est vrai, atypique) Jacques Cheminade sur les éléments les plus excentriques de son programme. L’homme ne s’en tire pas mal lorsque, questionné sur ses idées a priori loufoques d’industrialisation de la Lune et de voyages vers Mars, il explique se placer dans un temps long (deux, trois générations) et compter sur ces projets pour booster la recherche. Moins convaincants sont les passages sur l’interdiction des jeux vidéo violents et le développement du chant choral. La discussion vire ensuite sur son maître à penser Lyndon Larouche (visiblement un drôle de coco), les théories du complot, la comparaison Obama-Hitler qu’il a effectué voici quelques semaines, et l’influence des réseaux de la City et de Wall Street qu’il dénonce fermement. Sur la dette, il préconise de ne rembourser que celle qui est « légitime », sans être toutefois très clair sur la manière de la différencier de la dette « illégitime ». Il conclut en se définissant comme dreyfusard, gaulliste de gauche, admirateur de Mendès France, et annonce qu’il votera Hollande au deuxième tour.

 

Nicolas Sarkozy en 2010Nicolas Sarkozy se défend de dramatiser la situation financière (« la crise a été d’une violence inouïe » et « l’Europe est convalescente ») et se pose en sauveur (« on a sauvé les retraites, on a sauvé la Grèce ») et homme d’expérience (« j’ai l’expérience des crises »). Interrogé sur les mesures qu’il compte prendre pour relancer la croissance, il répond « Frontières ! » et répète sa volonté d’instaurer la réciprocité des échanges commerciaux entre l’Europe et le reste du monde, faute de quoi la France décidera de ne plus allouer ses marchés publics qu’aux seules entreprises produisant en Europe. Au journaliste qui cite les accusations relayées par Eva Joly sur l’affaire Bettencourt, il déclare ne pas avoir à répondre à « Mme Joly, l’amie de Hollande », opposant à ces « ragots » le « mépris le plus cinglant ». Enfin, s’il refuse de confirmer son intention de nommer Bayrou Premier ministre, il lui envoie néanmoins un évident appel du pied en déclarant qu’il proposera « un grand rassemblement d’unité nationale ».

 

Nathalie Artaud en 2012Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) déclare vouloir la fin de l’économie de marché pour mettre en place une société sans exploitation ni classes sociales. En digne héritière de Laguiller, cette professeure d’économie dans l’enseignement professionnel attaque les patrons voyous, s’en prend aux banquiers irresponsables qu’il faut empêcher de nuire, et veut contrôler les entreprises du CAC 40 qui dominent et écrasent le peuple et les PME. Elle préconise la suppression de la TVA (sauf pour les produits de luxe) et se déclare pour l’interdiction de tout licenciement. Interrogée sur ses propos comparant Gaza à un camp de concentration, elle nie avoir voulu faire référence à des camps d’extermination et maintient que « ce qui se passe à Gaza est une catastrophe, c’est une prison à ciel ouvert. »

 

Jean-Luc Mélenchon en 2009Jean-Luc Mélenchon fait le spectacle dans un registre qui commence à être connu, notamment pour ce qui est de ses relations avec les médias (« Vous êtes terribles, vous les journalistes ! »). Comme Sarkozy, lui aussi la joue anxiogène, déclarant que « le 7 mai au matin, la finance internationale va attaquer la France » et qu’il est le seul recours à gauche, soulignant au passage l’influence de son programme sur la campagne des autres. Niveau économique, il confirme sa volonté de revoir les statuts de la BCE ainsi que son indépendance.

 

 

En résumé, ces deux émissions auront permis de mettre en lumière les candidats jusque-là peu ou pas médiatisés, d’améliorer leurs images pour certains (Joly, Poutou, ont été bons), mais n’auront pas appris grand-chose de neuf sur les prétendants les plus connus.

L’instant magique : « Là, je suis tout seul, j’ai pas mes potes. Je suis habitué à faire partie d’un groupe. (…) On envahit les salles de réunion du patron en groupe, on séquestre en groupe ». Philippe Poutou.

 

Le reste de la semaine

 

  • Le début de semaine est marqué par une surenchère surprenante des candidats sur … le permis de conduire (plus précisément, sur son coût et son accessibilité aux jeunes en général). « On est passé du triple A au permis B » ironise le directeur d’un institut de sondage.
  • Philippe Poutou superstar ! Sa prestation à Des Paroles et des Actes a été remarquée, et son meeting suivant l’émission attire bien davantage de monde que les précédents. Il se distingue également dimanche au 20h de TF1 lorsqu’il s’en prend à la fortune « inadmissible » de Martin Bouygues, le propriétaire de la chaîne.
  • Quatre sondages (Opinionway, LH2, BVA, CSA) indiquent une hausse de François Hollande tant au premier qu’au second tour. C’est un coup dur pour Nicolas Sarkozy qui ne parvient pas à créer une dynamique durable en sa faveur et qui, en plus, connait une semaine délicate, marquée par une visite-éclair et quasi-secrète (les journalistes ne sont prévenus qu’au dernier moment) en banlieue (Drancy), mais aussi par un cafouillage sur Fukushima, le président sortant laissant entendre qu’il s’y était rendu alors qu’il n’a été qu’à Tokyo. Le candidat UMP n’en perd pas pour autant sa combativité et propose que deux débats (au lieu d’un seul) soient organisés durant l’entre-deux tours, de façon à « aller au fond des sujets. » Le candidat PS refuse, comme il refuse une interview au Figaro, à qui il reproche de l’avoir ignoré depuis des mois et d’être décidément trop partisan.
  • Jean-Luc Mélenchon continue de mobiliser les foules, son meeting en plein air samedi au Prado à Marseille est un nouveau succès populaire après ceux de la Bastille et de Toulouse. A contrario, ses relations avec les médias s’enveniment, en particulier avec les éditorialistes genre Christophe Barbier de L’Express qui veut « en finir avec Mélenchon (…), au verbe haut et aux idées courtes (…) », et dont l’hebdo évoque « les ravages » pour Hollande, tandis que, de son côté, le Nouvel Observateur mène la charge contre son « programme économique irréaliste » (ce même Nouvel Obs’ a un mois plutôt qualifié Mélenchon « d’idiot utile de l’Élysée »).
  • Bourde de l’équipe Hollande, ou tempête dans un verre d’eau ? Le socialiste Michel Vauzelle, en voyage au Mexique, est accusé d’instrumentaliser l’affaire Cassez. Démenti du PS.
  • Dimanche chargé en meetings. L’attention se focalise sur le duel Concorde-Vincennes, lequel semble se terminer par un match nul au niveau de l’assistance, UMP et PS revendiquant chacun la présence de 100 000 personnes (chiffres invérifiables).
  • François Bayrou est à Marseille pour un meeting plus modeste (un millier de participants). « Plus nombreuses sont les foules, plus grosses sont les désillusions qui s’ensuivent. »
  • Nathalie Arthaud est au Zénith de Paris (4000 personnes) et Marine Le Pen à Hénin-Beaumont (2000 personnes), où elle répond à une sélection de questions posées à l’avance par des internautes. Quant à Jacques Cheminade, aux moyens plus limités, il mène un débat participatif en direct sur son site internet.

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