Drapeau du MexiqueSurprise mardi 30 août au soir : Donald Trump annonce qu’il rencontrera le lendemain le président mexicain Enrique Peña Nieto. C’est à l’invitation de ce dernier que Trump se rend dans ce pays dont il n’a de cesse de critiquer les migrants depuis le début de la campagne, une invitation que Trump s’est empressé d’accepter afin d’étoffer sa stature internationale (c’est sa première rencontre en tant que candidat avec un chef d’État). Quant à Nieto (dont la popularité est en chute libre et l’initiative d’inviter Trump vertement critiquée), il explique sa démarche par une volonté de dialogue, afin de protéger les intérêts des Mexicains où que ce soit dans le monde. Son invitation s’adresse d’ailleurs aussi à Hillary Clinton, mais celle-ci l’a déclinée.

La rencontre entre les deux hommes (qui s’est tenue de manière privée à la résidence présidentiel de Los Pinos), a été suivie par une conférence de presse au cours de laquelle Trump s’est félicité de l’échange d’idées sur les questions du commerce (le milliardaire veut renégocier l’accord NAFTA) et de l’immigration, dont bien sûr son projet de mur. Pas un mot toutefois n’a été prononcé sur la question la plus brûlante concernant ledit mur : son financement, Trump ayant par le passé affirmé son intention de faire payer sa construction par le Mexique, ce que le président Nieto a toujours formellement rejeté. Pas non plus de déclaration incendiaire de quelque nature que ce soit de la part du milliardaire, lequel a été absolument calme et posé pendant toute la séance avec les journalistes.

Cette apparente retenue n’allait toutefois être que temporaire, Trump se réservant en fait pour le meeting qu’il tenait le même jour quelques heures plus tard à Phoenix. Et là, pas de langue de bois, pas de modération, mais la réaffirmation d’un programme migratoire radical qui balaye tout doute quant à la possible atténuation qu’il laissait pourtant entrevoir depuis quinze jours. Au menu donc : expulsion des 11 millions d’illégaux, aucune amnistie, même pour les clandestins intégrés et sans casier judiciaire, et encore et toujours ce mur, qui a-t-il cette fois répété avec véhémence, sera payé par le Mexique. Réaction quasi-immédiate via Twitter du président Nieto : « J’ai clairement dit à Donald Trump au cours de notre conversation que le Mexique ne payera pas pour le mur ». Réaction également chez les soutiens hispaniques de Trump : Jacob Monty, un membre du « Trump’s National Hispanic Advisory Council » annonce sa démission, Ramiro Pena, un pasteur texan membre du même groupe déclare devoir reconsidérer sa participation à cette arnaque, tandis qu’Alfonso Aguilar, le président du « Latino Partnership for Conservative Principles », annonce être enclin à retirer son soutien. Entre le maintien d’une ligne pure et dure pour maintenir mobilisée sa base la plus radicale et un adoucissement de son discours pour tenter de davantage rassembler, Trump a fait son choix.

 

EcharpeDu côté d’Hillary Clinton, la quinzaine écoulée a été marquée par une longue et lente descente aux enfers liée à la question de sa santé, laquelle était jusqu’à ici surtout l’objet d’attaques fallacieuses de la part de la sociosphère conservatrice la plus radicalisée (voir l’article du Monde La « maladie » de la candidate Clinton, intox persistante de la presse de droite aux Etats-Unis).

L’affaire va toutefois s’amplifier le vendredi 2 septembre suite à un énième épisode concernant ses emails. Ce jour-là en effet paraissent des notes d’enquêtes inédites du FBI, lesquelles, outre des commentaires sur la négligence de celle qui était alors Secrétaire d’État, évoquent une commotion cérébrale et un caillot sanguin dans le crâne en décembre 2012 (ce qui était connu), mais aussi … des pertes de mémoire qu’elle subissait à l’époque. L’info fait mauvais genre, mais ce n’est encore qu’un apéritif.

L’entrée arrive trois jours plus tard, lors d’un discours dans l’Ohio au cours duquel Clinton est prise d’une quinte de toux qui s’éternise deux bonnes minutes. Et si elle en profite pour lâcher une blagounette sur les crises d’allergie que Trump provoque chez elle, l’incident fait le délice de ses détracteurs les plus acharnés, lesquels entrent en transe six jours plus tard lorsque, au cours de la commémoration du 11 septembre qui se tenait à Ground Zero, leur cible favorite est victime d’un malaise qui la contraint à s’éclipser. Le verdict tombe quelques heures plus tard : la candidate soufre d’une pneumonie et suspend sa campagne pour au moins deux jours. Cette affection lui avait en fait déjà été diagnostiquée dès vendredi, mais l’information a été tenue secrète pour ne pas faire de vagues, ce qui, au vu du déroulé du week-end, est plutôt raté et renforce les interrogations tant sur sa santé que sur son manque de transparence et sa manie de jouer avec la vérité.

 

Les déboires de Clinton au cours de la quinzaine ne s’arrêtent toutefois pas là. Plus tôt dans le mois, en effet, lors d’une levée de fonds à New York le 9 septembre, elle déclare : « To just be grossly generalistic, you can put half of Trump supporters into what I call the basket of deplorables. Right ? Racist, sexist, homophobic, xenophobic, Islamaphobic, you name it » (« en gros, la moitié des partisans de Trump peuvent être placés dans ce que j’appelle le panier des pitoyables. Racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes, au choix) ». Et pour préciser son propos, elle ajoute : « they are irredeemable, but thankfully they are not America » (« ils sont irrécupérables, mais heureusement ils ne sont pas l’Amérique »). Du coup, évidemment, tollé : Mike Pence parle des électeurs du milliardaire comme des Américains qui travaillent dure et méritent d’être respectés), et plusieurs observateurs estiment que Clinton a commis une erreur en stigmatisant ainsi l’électorat de son adversaire. Au vu de ces réactions, l’intéressée décide alors de ne pas assumer entièrement ses propos et exprime des regrets, non sans manquer toutefois de rappeler qu’elle a décrit l’autre moitié des supporters de Trump comme des gens en quête de changement par anxiété économique (« people who are looking for change in any form because of economic anxiety »). Et en guise de conclusion, elle affirme qu’elle n’aura de cesse de dénoncer la bigoterie et les théories racistes dans cette campagne (« I won’t stop calling out bigotry and racist rhetoric in this campaign »).

Tous ces événements cumulés font en tout cas connaître à Hillary Clinton une mauvaise passe, laquelle se traduit dans les sondages par un resserrement avec Donald Trump, y compris dans certains Swing States. Pas assez encore pour faire craindre une défaite, mais suffisamment pour tirer vigoureusement la sonnette d’alarme.

 

Le reste de la quinzaine

  • Moment gênant pour le candidat libertarien Gary Johnson. Interrogé le 8 septembre sur la chaîne MSNBC au sujet de la guerre en Syrie, il est désarçonné lorsqu’un journaliste lui pose une question au sujet d’Alep, ignorant visiblement qu’il s’agit d’une ville, la deuxième du pays, et qu’elle est le théâtre depuis plusieurs années d’affrontements sanglants et d’une crise humanitaire meurtrière. La vidéo de sa bourde ne tarde pas à faire le tour des télés et du Web (ce qui est peut-être positif pour accroître sa notoriété, à défaut de ses compétences).
  • Dans un autre genre, la candidate du Green Party Jill Stein fait l’objet de poursuites judiciaires pour vandalisme suite à un acte qu’elle assume pleinement, le tag de bulldozers sur un chantier accusé de détruire des sites sioux sacrés dans le Dakota du Nord. La construction de l’oléoduc incriminé (le Dakota Access Pipeline) fait l’objet de vives contestations de la part des communautés amérindiennes et de leurs partisans. Son gel provisoire est annoncé par le gouvernement le vendredi 9 septembre.
  • Hillary Clinton reparle à la presse. Non pas qu’elle avait arrêté, mais, depuis 275 jours (un décompte que les républicains ont eu à coeur de tenir précisément), elle ne donnait plus de conférence de presse, leur préférant la formule des entretiens avec des journalistes spécifiques, plus intimes et sans doute considéré comme moins risqués. Elle renoue néanmoins avec cette pratique le 5 septembre, à bord de son avion de campagne, dans lequel la presse est invitée à voyager avec elle pendant le reste de la campagne.
  • Une analyse de la chaîne PBS montre que, fin août, Donald Trump ne possède que 88 bureaux électoraux dans 15 États-clefs, contre 291 pour Hillary Clinton. De quoi raviver les doutes sur l’impréparation et la mauvaise organisation de la machine de campagne du magnat de l’immobilier. Pour plus d’info, voir l’article The Trump campaign has a ground-game problem.
  • Du changement encore et toujours dans l’équipe de campagne de Donald Trump, avec la nomination au poste de directeur-adjoint de David Bossie, lequel est surtout connu pour avoir présidé le mouvement Citizens United, à la base de la fameuse décision de la Cour suprême levant les plafonds de financement aux candidats.
  • Mike Pence, le colistier de Donald Trump, a publié ses déclarations de revenus pour les dix années passées. Toujours pas de trace en revanche de celles du milliardaire.
  • Les éloges que ce même Trump ne cesse de tresser à l’égard de Vladimir Poutine continuent de faire jaser. Ainsi Clinton a-t-elle jugé terrifiant que le milliardaire déclare que le président russe était davantage un leader qu’Obama, puis qu’il se soit félicité de sa cote de popularité élevée ainsi que de son très fort contrôle sur la Russie. Il a également répété être capable de s’entendre avec lui, et qu’il était content qu’il lui décerne des compliments (Trump prétend que Poutine l’a qualifié de « brillant » et de « génie », ce qui n’est pas tout à fait exact, cf. Did Vladimir Putin call Trump ‘brilliant’ ?). L’ingérence de la Russie dans la campagne demeure par ailleurs une source d’inquiétude, le FBI ayant notamment signalé fin août avoir détecté des tentatives de piratage dans des listings d’électeurs de plusieurs États.
  • Le 9 septembre, le vote anticipé a commencé en Caroline du Nord. 37 États prévoient cette procédure, laquelle commence à se répandre et pourrait même être le système de vote majoritaire dans plusieurs d’entre eux.

 

 

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