Le débat des vice-présidents entre Tim Kaine et Mike Pence a lieu en Virginie, à l’université Longwood de Farmville. Il est modéré par la journaliste de CBS Elaine Quijano et subdivisé en neuf périodes de dix minutes, chacune de ces périodes portant sur un thème différent (économie, immigration, terrorisme, etc.).

Méconnus du grand public, les colistiers tenteront de sortir de l’ombre et de renforcer la cause de leurs partenaires. Mike Pence est sans doute celui pour qui la tâche s’annonce la plus rude :  d’une part il est en mission « rattrapage » après la prestation très mitigée de Trump lors du premier débat face à Clinton, et d’autre part il va devoir défendre les positions de celui-ci alors que la rumeur le dit en désaccord avec le milliardaire sur plusieurs points.

Résumé

 

Par son style sobre et pondéré, Mike Pence a livré une bonne prestation face à un Tim Kaine qui l’a régulièrement interrompu et s’est souvent montré agressif. Tactiquement parlant, le sénateur de Virginie n’en a pas moins réussi quelques bons coups, le principal étant de, pour presque chaque thème, réussir à demander à son rival comment il pouvait sérieusement défendre les points de vue extravagants de Donald Trump. Pour toute réponse, Pence a souvent esquivé la question (de même que celles posées par la journaliste) ou nié les propos que Kaine prêtait à Trump.

Bilan des échanges (lesquels ont été en général d’une assez bonne tenue) : victoire morale de Pence, moitié pour ses propos et son attitude, et moitié pour son rival, qui y a été un peu trop le couteau entre les dents. De là à penser que cette soirée aura un impact quelconque, il y a un grand pas, d’autant qu’elle a été assez peu suivie, avec 37 millions de téléspectateurs seulement, très loin du record établi en 2008 entre Joe Biden et Sarah Palin (70 millions), et même des 50 millions observés en 2012 entre Joe Biden encore et Paul Ryan.

 

 

Les thèmes abordés

 

1°) Le tempérament des vice-présidents

A la question de savoir s’il a le tempérament pour être président si les circonstances l’y amènent, Tim Kaine répond qu’il est fier d’être le bras droit d’Hillary Clinton, qu’elle l’a choisi pour son expérience et que, ensemble, ils se battront pour rendre la vie de chacun meilleure. Il affirme également avoir confiance en Hillary pour être commandant-en-chef, mais se déclare mort de peur que Donald Trump le devienne.

De son côté, Mike Pence répond un peu plus à la question en se référant à l’expérience acquise au Congrès et en tant que gouverneur, avant d’ajouter que, si la situation se présentait, il prierait pour être capable de la gérer grâce à ce qu’il a appris au cours de son existence.

La journaliste les interroge ensuite sur leur partenaire respectif : Kaine passe d’abord la pommade sur Hillary avant d’embrayer rapidement sur l’égoïsme et les insultes de Trump, insistant notamment sur ses propos envers les femmes et les Mexicains « violeurs et criminels ». De son côté, Pence ne parle même pas du milliardaire, renvoie l’accusation d’insultes à l’équipe de son rival et critique le bilan de Secrétaire d’État de Clinton (l’Irak, la Syrie, l’Ukraine). S’en suit la première des nombreuses interruptions de Kaine, puis un passage sur la Russie, un autre sur la Fondation Trump, et enfin Kaine qui passe en revue tous les succès obtenus ou initiés par sa colistière lorsqu’elle était dans l’administration Obama (la chasse de Ben Laden ; l’accord avec la Russie pour réduire les armes chimiques ; l’accord nucléaire avec l’Iran).

 

2°) L’économie

Concernant la question de la dette, Mike Pence commence par évoquer sa gestion budgétaire exemplaire en Indiana, au contraire, ajoute-t-il, de celle de Tim Kaine quand il était gouverneur de Virginie. Il critique ensuite l’impact qu’aura sur l’endettement le programme de Clinton (qu’il résume par : plus d’impôts, plus de régulation, plus d’Obamacare et même une guerre contre le charbon). A l’opposé, Trump et lui vont baisser les impôts et supprimer l’Obamacare ainsi que toutes les décisions prises par Obama sans passer par le Congrès. De plus, grâce à la croissance économique qui résultera de ces mesures, la question de la dette pourra être résolue.

De son côté, Tim Kaine évoque les investissements qui seront menés dans les énergies propres et en faveur de l’éducation. Il explique aussi que les PME et le salaire minimum font partie des piliers du projet de Clinton. Il sort également une petite formule tout prête sur le choix que les électeurs devront poser entre une candidate « you are hired » (« vous êtes engagé ») et un candidat « you are fired » (« vous êtes viré », référence à l’émission de télé-réalité The Apprentice à laquelle Trump doit une partie de sa notoriété). Il critique ensuite le plan de Trump, annonce qu’il tuera des millions d’emplois et que ses baisses fiscales profiteront surtout aux plus nantis, dont … Trump lui-même, lançant alors sur la table (pour la première fois de la soirée, mais pas la dernière) la controverse des déclarations fiscales du milliardaire. En réponse, Pence déclare que Trump est un businessman, pas un politicien, et qu’il est normal que quiconque dans ce pays utilise les exemptions auxquelles il a droit.

 

3°) La sécurité sociale

Tim Kaine jure ses grands dieux que Clinton et lui ne privatiseront jamais la sécurité sociale, alors que Trump et Pence veulent le faire, eux. En réponse, Pence déclare que toutes les obligations prévues par Medicare envers les pensionnés seront remplies. Kaine interrompt alors son rival et s’en suit un nouvel échange confus sur les impôts à augmenter ou pas et sur le poids de la dette.

 

4°) Les forces de l’ordre

A la question de savoir si la police se retrouve avec trop de missions à accomplir et pas assez de moyen pour y arriver, Tim Kaine opine et met en avant son expérience de maire de Richmond où il affirme que la sécurité s’est nettement améliorée depuis la mise en place d’un « community policing » (police de proximité). Il critique en revanche le Stop-and-Frisk proposé par Donald Trump et assure que Clinton et lui lutteront contre la violence par armes à feu sans toucher au Deuxième Amendement.

De son côté, Mike Pence déclare que lpolice de proximité est une très bonne idée, mais aussi que Trump et lui vont fournir aux forces de l’ordre les ressources nécessaires pour pouvoir accomplir leurs tâches et qu’il faut arrêter d’instrumentaliser chaque tragédie (sous-entendu : les décès controversés d’Afro-Américains par des policiers en intervention). Il déclare également qu’il faut réformer la justice criminelle, mais, malgré les relances, élude une question sur un sénateur républicain afro-américain (Tim Scott) qui a expliqué avoir été arrêté sept fois en un an par la police.

 

5°) Immigration

Au sujet des clandestins que Trump veut renvoyer hors des frontières, Mike Pence déclare que l’immigration illégale est un vrai problème et que Donald Trump veut sécuriser la frontière alors que les démocrates sont pour des frontières ouvertes et une amnistie. Il accuse ensuite Hillary Clinton de manier l’insulte en rappelant qu’elle a qualifié la moitié des supporteurs de Trump de « pitoyables ». Tim Kaine s’insurge et, au sujet des clandestins, oppose son programme de réforme migratoire à celui de Trump et Pence qui entend déporter 16 millions de gens (« immigration vs. deportation »).

6°) Terrorisme

A la question de savoir si le monde est plus sûr depuis huit ans, Kaine répond que la menace terroriste a baissé parce que le programme nucléaire iranien a été stoppé et qu’il y a beaucoup moins de soldats américains exposés au danger depuis le retrait des troupes d’Irak (de 175k hommes stationnés dans des zones à risques à 15k). Il enchaîne ensuite pour dire que Clinton a un plan pour éradiquer Daech, que Trump n’en a pas et qu’il aime les dictateurs.

Pence est évidemment d’un avis contraire, l’Amérique est moins en sécurité qu’elle ne l’était quand Obama est arrivé au pouvoir et Clinton a échoué à obtenir un accord sur le statut des forces américaines en Irak, ce qui aurait permis d’en maintenir une partie et empêché la montée en puissance de Daech. Il parle aussi d’un cadeau financier fait à l’Iran pour obtenir l’accord nucléaire.

Concernant les actions terroristes menées de l’intérieur même du pays, la journaliste fait remarquer que les projets de Trump ne prévoient rien à ce propos. Pence élude et oriente la conversation vers l’accueil des réfugiés syriens, qu’il accuse Clinton et Kaine de vouloir augmenter sans souci de la sécurité des citoyens.

Peu après, la journaliste interroge Kaine sur le renforcement des organisations de renseignement que Clinton veut mettre en place. En réponse, Kaine évoque l’embauche de professionnels de la cybersécurité, ce qui permet à Pence de mettre le sujet des emails de Clinton sur la table.

 

7°) International : Syrie, nucléaire, Corée du Nord

Sur la situation en Syrie, Mike Pence en attribue une part de responsabilité à Clinton pour avoir permis à la Russie de reprendre pied sur la scène internationale, et aussi de lui avoir permis d’annexer la Crimée. Pour inverser cette tendance, il évoque la possibilité de recourir à la force contre Bachar el-Assad et de déployer des missiles en Pologne et en République tchèque, déclarant également qu’il faut reconstruire l’armée.

De son côté, Tim Kaine veut l’établissement de zones humanitaires en Syrie, attaque Trump et ses rapports avec Poutine, et en remet une couche sur Trump qui ne payait pas d’impôts en 2001 alors qu’il fallait reconstruire New York après les attentats du 11 septembre et lutter contre le terrorisme. Très offensif, le sénateur de Virginie attaque ensuite Trump sur ses déclarations concernant des pays comme le Japon ou l’Arabie saoudite qui ne devraient plus compter sur les États-Unis pour se défendre et construire leurs propres engins atomiques. Il revient ensuite sur la Russie et les affaires que Trump y mène, réclamant à nouveau que le milliardaire publie ses déclarations fiscales afin d’y voir plus clair.

La journaliste aborde ensuite le cas de la Corée du Nord (qui vient tout juste de mener un cinquième essai nucléaire), mais la conversation ne reste pas longtemps dessus, les aspirants vice-présidents préférant évoquer qui la Fondation Clinton, qui la Fondation Trump, qui les 33 000 emails que Clinton aurait détruits, qui les dettes de Trump (Kaine évoque $650m de dettes, dont une partie, dit-il, à la Banque de Chine).

 

8°) La piété des vice-présidents

Avant-dernière question : les candidats vice-présidents peuvent-ils évoquer une situation où leur foi s’est heurtée à leurs positions politiques ? Tim Kaine évoque l’exercice de la peine de mort, un acte auquel il est moralement opposé, mais que, en tant que gouverneur de Virginie, il a dû accepter, comme il l’avait promis à ses électeurs.

De son côté, Mike Pence rappelle d’abord sa piété profonde mais ne répond pas vraiment à la question et oriente la discussion sur le fait qu’il est fermement pro-life et qu’il faut lutter pour défendre toute vie (il se félicite d’ailleurs que son État l’Indiana figure en tête des États où l’adoption d’enfants est la plus pratiquée). Kaine est lui aussi pro-life mais entend faire confiance aux femmes et les laisser libre de choisir ce qu’elles décident. Il attaque alors Trump qui veut annuler Roe v. Wade et rappelle ses propos sur le fait de punir les femmes qui recourent à l’avortement. Le débat prend une autre voie et la question des Mexicains « violeurs et criminels » (Kaine se plaît visiblement beaucoup rappeler ces propos de Trump) resurgit.

 

9°) Restaurer l’unité du pays

Dernière question : la campagne est particulièrement clivante, comment les vainqueurs comptent-il s’y prendre pour unifier le pays et rassurer les citoyens qui ont voté en faveur de leurs adversaires ?

Kaine commence par fustiger la campagne de Donald Trump (« une insulte après l’autre »), puis rappelle tous les projets super auxquels Clinton a oeuvré main dans la main avec des républicains, avant de terminer en disant que lui-même a fait pareil.

Quant à Mike Pence, il décrit une Amérique dans un état lamentable et déclare que, pour y remédier et rassembler à nouveau le peuple, il faut qu’un changement s’opère à Washington, et que quelqu’un avec du leadership prenne vraiment les choses en main.

 

 

Le résumé du débat en vidéo

 

 

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