François Hollande au Bourget - Photo trouvée sur le site : http://mybandnews.com/2012/02/le-parti-socialiste-sort-sa-chanson-officielle-le-changement-cest-maintenant/Crédité dès le départ d’une nette avance dans les sondages, François Hollande a bien géré la situation idéale qui s’offrait à lui, face à un rival repoussoir qu’une majorité de Français désirait éjecter. Plus qu’un vote d’adhésion, le vote Hollande aura été pour beaucoup un vote contre Nicolas Sarkozy, les handicaps accumulés par celui-ci du fait de son bilan, de son comportement et de la fracture profonde avec l’électorat ayant été trop nombreux pour qu’il puisse redresser la barre.

La victoire de François Hollande ne fut toutefois pas une partie de plaisir, et n’importe qui, contrairement à ce que certains se plaisent à affirmer, n’aurait pas battu Nicolas Sarkozy. Son plus grand mérite fut sans doute de ne pas commettre d’erreur, d’avoir parfaitement défini sa ligne de conduite et de s’y être tenu, malgré les péripéties d’une campagne piégeuse, agressive et délétère. Hollande s’est donc surtout évertué à préserver son avance, à ne pas la dilapider, ce qui se traduisit par une prise de risques souvent minimale dans ses propositions et la volonté de ne pas se lancer dans une surenchère de promesses irréalistes. Si la campagne du socialiste manqua de panache, de rêves, d’espérances, elle ne fut néanmoins pas exempte de bons coups, tels : la mise en avant de sa « normalité » ; le meeting du Bourget qui le mit en selle ; celui de Vincennes qui obligea Sarkozy à réagir en hâte et improvisation (contre-meeting organisé en catastrophe à la Concorde) ; le dévoilement de son programme dès le début de la campagne, quand son adversaire, lui, s’illustrait par l’absence de projet clair et abouti.

Son coup le plus marquant fut toutefois une proposition qui n’était pas dans le projet initial mais fut annoncée un mois plus tard : taxer les hauts revenus à 75%. Plus symbolique qu’indispensable (son application sera difficile, son impact incertain), cette mesure marqua les esprits et s’inscrivit durablement dans les têtes, contrairement aux dizaines de propositions à peine annoncées et sitôt oubliées qu’asséna dans un roulement permanent Nicolas Sarkozy. Bref, Hollande frappa peu mais juste, là où Sarkozy multiplia les moulinets stériles.

 

Nicolas Sarkozy en 2010 - Author : European People's Party - This file is licensed under the Creative Commons Attribution 2.0 Generic license.A la différence de 2007, Nicolas Sarkozy n’est pas parvenu à imposer son rythme et, plombé par son bilan – que ses adversaires rappelèrent à chaque occasion –, il fut constamment dans une position d’infériorité sondagière. L’assurance de 2007 fit place à la fébrilité et à l’indécision, ainsi qu’en témoignèrent les tergiversations sur son entrée officielle en campagne et le changement de stratégie en cours de route (du candidat « président protecteur et rassembleur » au candidat « à droite toute »).

Si cette stratégie d’ultra-droitisation n’a pas atteint le seul et unique objectif qui comptait, il est toutefois permis de se demander si Nicolas Sarkozy aurait réalisé un score aussi élevé (48,4%) sans elle. Car au final, Nicolas Sarkozy ne s’est pas pris une claque électorale, et si la victoire de Hollande n’a jamais été menacée, l’écart à l’arrivée est apparu plus serré que prévu, ce qui constitua une petite déception pour Hollande, sans que cela ne remette en cause la légitimité de son succès. Pour le nouveau président, c’est toutefois seulement maintenant que le plus dur commence, avec la gestion d’un pays toujours frappé de plein fouet par la crise économique.

 

Grande gagnante du premier tour, Marine Le Pen va devoir relever un autre défi : transformer l’essai et convertir sa dynamique en sièges à l’Assemblée. Sans résultats probants de son parti aux législatives, sa performance restera un coup d’épée dans l’eau.

Grand perdant du premier tour, François Bayrou a vu ses rêves de grandeur définitivement s’évaporer. Marginalisé, sans grande influence sur le résultat final et désormais brouillé à mort avec l’UMP, il éprouvera assurément les pires difficultés à être réélu député.

Mitigé est le résultat de Jean-Luc Mélenchon. S’il a pesé sur la campagne et atteint un score bien plus élevé qu’attendu lorsqu’entré en lice, il a cependant perdu son pari de devancer Marine Le Pen, et son avenir s’annonce incertain (ira-t-il aux législatives, et si oui, où ?), de même que celui du Front de Gauche.

Assurément médiocre fut la performance écologiste, avec un pauvre 2% récolté par Eva Joly. Il n’est toutefois pas certain que cela ait ému outre mesure les leaders d’EELV, pour qui l’essentiel a sans doute été atteint dès l’automne avec la signature de l’accord pour les législatives avec le PS qui assure pratiquement à coup sûr la présence d’un groupe écologiste à l’Assemblée.

L’extrême gauche (Poutou, Arthaud) a également touché le fond, débordée par Jean-Luc Mélenchon et incapable de reproduire des scores semblables à ceux de Besancenot et Laguiller, dont l’aura médiatique n’a pas été compensée.

 

Côté médias, l’avantage chez les télés a nettement été à France 2 contre TF1, tant au niveau qualité que des audiences. Chez les chaînes d’infos en continu, c’est BFM qui semble avoir le mieux tiré son épingle du jeu. Du côté de la presse écrite, les hebdos comme Le Point et L’Express se sont surtout caractérisés par des unes racoleuses et des contenus faiblards, tandis que les quotidiens Libération et Le Figaro ont sans surprise joué la carte de leur candidat préféré (Hollande pour le premier, Sarkozy pour le second). Le Monde quant à lui a donné l’impression de vouloir rester neutre, ou à tout le moins de frapper à parts plus ou moins égales sur les deux principaux candidats, même si ses actionnaires (Pierre Bergé en tête) se sont clairement positionnés côté socialiste. Autre média en vue, sur internet cette fois : Mediapart, qui sortit à plusieurs reprises des informations explosives contre le candidat Sarkozy (relations avec Kadhafi, affaire Bettencourt) et milita ouvertement contre sa réélection.

Ces prises de position marquées entraînèrent une escalade dans les relations entre médias et candidats, particulièrement dans le chef de Nicolas Sarkozy qui se mit à rejeter la faute de ses difficultés sur les journalistes et à remonter ses troupes contre eux. Il faut dire que l’attitude de la presse à son égard évolua fortement entre le début de son mandat et l’élection présidentielle, passant d’un traitement de faveur parfois obséquieux à une agressivité retrouvée dès que la fin de règne se fit sentir (le fameux « Lèche-Lâche-Lynche », même si les adversaires de Sarkozy affirmèrent ne pas le ressentir ainsi, estimant au contraire que trop de journalistes lui étaient encore et toujours inféodés).

 

Sur le plan des idées, la campagne fut marquée par la forte droitisation du candidat UMP, lequel s’en prit vertement à l’Europe et martela le concept de « frontières », renforçant ainsi un sentiment de crispation et de division accentué par la stigmatisation latente ou directe des immigrants (conditionnement du regroupement familial et des aides sociales), des musulmans (polémique sur la nourriture halal, Guéant et les civilisations inférieures, …) et des corps intermédiaires (syndicats, Chambres, recours intensif au référendum).

Côté socialiste, l’accent fut principalement mis sur l’équité des efforts à consentir pour sortir de la crise (plus grande justice fiscale, faire contribuer chacun suivant ses capacités, « mon adversaire, c’est la finance »), tendance accentuée par la poussée du Front de Gauche. Au rang des thèmes principaux, citons aussi la rupture avec le style Sarkozy (« le changement, c’est maintenant ») et le rassemblement de tous les Français, par opposition aux clivages entretenus par le président sortant. Hollande insista également sur sa volonté de renégocier les traités européens et d’y inclure un passage sur la croissance.

 

Autres observations

 

  • Le peu de mémoire de la campagne, une campagne quasi jetable, où beaucoup de faits et déclarations sont montés en épingle sur l’instant, avant d’être rapidement oubliés. A titre d’exemples : la perte du triple A, Hollande enfariné, Sarkozy houspillé à Bayonne, l’émotionnelle affaire Merah rapidement digérée …. Pas (peu) de durée, rien que de l’instantané, les 75% exceptés.
  • Quel est l’impact réel des meetings, ces démonstrations de force dont les images férocement contrôlées sont livrées clef en main aux médias ? Ce qui en est relayés tient en quelques secondes censées résumer des discours et interventions de plus d’une heure. Et parmi l’assistance, quelle est la proportion de déjà convaincus vs. de vrais indécis ?

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