Couverture du livre de Laurent Binet "Rien ne se passe comme prévu"Comme Yasmina Reza avec Sarkozy en 2007, l’écrivain Laurent Binet a suivi François Hollande tout au long de la campagne et en a tiré un livre. L’ouvrage n’est pas littéraire mais un compte-rendu quotidien (quasi journalistique) des activités du candidat, accompagné de commentaires de l’auteur (qui fait parfois groupie) sur ses propres impressions et sur le microcosme socialiste.

Plus que de l’importance des meetings, Binet revient sur l’importance d’un meeting, celui de Sarkozy le 14 janvier 2007, considéré comme le tournant de la campagne de l’époque et pris en exemple par les socialistes de ce que doit être celui de Hollande au Bourget le 22 janvier 2012. Olivier Faure, chargé de mission de Hollande et secrétaire général du groupe PS à l’Assemblée explique ainsi : « Le 14 janvier 2007, la presse n’a retenu que quelques mots mais c’était un discours très structurant qui a ensuite été décliné tout au long de la campagne, et c’était surtout une démonstration de force Porte de Versailles avec mise en image par Le Van Kim, le réal’ de Canal, un exemple de professionnalisme. Cela a surtout créé un décalage avec la campagne de Ségolène Royal qui, ce jour-là, était prise un agneau dans les bras en Poitou-Charentes. Sarko a imposé ses thèmes au moment où Ségolène Royal était enfermée dans ses rendez-vous participatifs. Lui savait où il allait quand elle demandait aux Français ce qu’ils voulaient. Donc rien à voir avec de la production littéraire mais tout avec une prise de contrôle de la campagne ».

 

Autres observations

 

  • Le titre de l’ouvrage ne vient pas d’une phrase prononcée par Hollande au cours de la campagne elle-même, mais de sa réponse à un journaliste de Canal qui lui demandait dans un documentaire en octobre 2011 ce qu’il avait pensé en apprenant la nouvelle de l’affaire DSK.
  • Un moment décrit comme émotionnellement intense : la visite d’Arcelor-Mittal à Gandrange, avec la foule, la tension, les rencontre avec les leaders syndicaux et les ouvriers …. L’auteur regretta par avance que ne subsiste de cette journée qu’une poignée de secondes dans les médias (ce qui fut effectivement le cas), le rendant quasi insignifiant dans le déroulé de la présidentielle.
  • Benoît Hamon, p 80 : « Marine Le Pen, je suis sûr qu’elle sera à plus de 20%. Les mecs qui vont voter pour elle ne croient plus à la politique, leur seule motivation, c’est de dégager tous ces connards, droite et gauche, qui les laissent dans la merde et qui n’ont rien fait pour eux – et je m’inclus dans les connards. On dirait que le seul choix que nous laisse la démocratie, aujourd’hui, c’est : « Dans quel ordre accepterez-vous de perdre vos droits ? D’abord, la retraite ? La sécu ? Les allocs ? ».
  • Sur les qualités oratoires de Hollande, Laurent Binet, p 193 : « Lorsqu’il essaie de contrarier sa nature en surjouant la gravité par exemple comme je l’ai vu souvent faire au 20h, il n’a pas l’air crédible. » Cet avis d’un Hollande peu impressionnant à la télévision semble partagé par la plupart des interlocuteurs de l’auteur, qui le jugent a contrario beaucoup plus convaincant en meeting, à l’aise avec les foules, capable de les transcender.
  • Prévisible mais toujours amusant : les vacheries entre caciques socialistes. Aubry en prend plein la figure, Fabius n’est pas épargné, et chacun a droit à au moins une rosserie (gentille ou pas) de la part de l’un ou l’autre de ses compagnons de parti.
  • Sur la préparation du débat d’entre-deux-tours : découverte de Guillaume Bachelay, plume de Fabius pendant quinze ans et chef de la cellule « Riposte » de la campagne de Hollande. L’homme joue le rôle de Sarkozy lors de la répétition et sort quelques saillies très drôles.
  • Sur Hollande lui-même : le livre renforce l’image d’un homme qui garde ses distances, se confie peu et se protège par une ironie déroutante à force d’être permanente. Un intervenant parle d’un Hollande qui s’est déjà « désincarné » pour endosser le rôle de président, pour être la République, une République immatérielle et anonyme, comme un fonctionnaire de guichet.

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