Donald Trump en août 2015Inouïe. Trump remporte une victoire inouïe et devient le quarante-cinquième président des États-Unis.

Inouïe, sa victoire l’est d’abord au sens de « extraordinaire », tant elle passait par le renversement d’une situation amplement compromise. Pour vaincre, en effet, Trump n’avait pas trente-six possibilités : il devait gagner la quasi-totalité des États indécis ET réussir un exploit dans un à deux territoires annoncés comme garantis à sa rivale. Un défi pas impossible à réaliser, mais à la probabilité de succès basse, et dont l’accomplissement, s’il se réalisait, serait forcément exceptionnel.

Inouïe, la victoire de Donald Trump l’est aussi au sens originel du mot : « qui n’a pas été ouïe », « qui n’a pas été entendue », que les observateurs, que les experts, n’ont pas vu venir, n’ont pas réellement cru possible jusqu’à ce qu’elle s’impose à tous, dans sa plus crue réalité. Ce succès est une claque magistrale pour les sondeurs et les journalistes qui, quasi tous, sont passés à côté du basculement de la Rust Belt ; une claque pour l’élite aussi, pour les médias, pour l’establishment quel qu’il soit, qui n’a pas tiré les leçons du Brexit anglais (auquel Trump a fait de plus en plus référence dans le dernier mois de sa campagne) ni suffisamment pris la mesure de la colère et du désenchantement au sein de l’électorat.

Pour les démocrates, le choc est fort et la désillusion totale : la Maison Blanche qui leur paraissait imperdable leur ferme ses portes, et ils échouent en outre à reconquérir le Sénat. Quant aux républicains, ils contrôlent désormais tous les leviers du pouvoir fédéral. Théoriquement, Trump a les mains libres pour agir et appliquer son programme. Jusqu’à quel point le fera-t-il ? Et, sous l’apparence d’une harmonie retrouvée suite à la victoire, jusqu’à quel point le GOP va-t-il se remettre de ses fractures et suivre le petit doigt sur la couture la feuille de route que brandira le nouveau Président ?

 

Le déroulé de la soirée

Les premiers résultats sont sans surprises : Kentucky, Indiana et Virginie occidentale pour Trump et le Vermont pour Clinton. Suivent ensuite rapidement les premiers dépouillements pour la très attendue Floride. D’abord favorables à Clinton, les tendances dans cet État se resserrent rapidement et, peu à peu, Donald Trump creuse l’écart. Les démocrates gardent confiance, sachant que la plupart des derniers comtés à être dépouillés leur sont acquis. Mais leurs espoirs vont être douchés : Trump conserve son avance et a la Floride virtuellement gagnée.

Pour Clinton, c’est la douche froide, d’autant que ce scénario se répète quasi à l’identique en Caroline du Nord et en Ohio, deux États où, comme en Floride, Clinton ne devait pas gagner mais où elle pouvait briser les rêves de Trump, lequel est en passe de réussir son premier pari : empocher tous les État indécis qui lui étaient indispensables pour rester en vie.

La première partie du plan du milliardaire est accomplie. Reste la seconde : décrocher un, voire – idéalement – deux gros États considérés comme acquis à Clinton. La Virginie est le premier vers qui se tournent les regards. De manière inattendue, le fief de Tim Kaine (le colistier choisi par Clinton) s’avère beaucoup plus disputé que prévu, Trump passant par moments en tête avant de finalement s’incliner. Pour les démocrates, le couperet n’est pas passé loin. Mais pas le temps de pavoiser : déjà l’attention se concentre vers les trois États de la Rust Belt que Clinton doit absolument décrocher (Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin), tous les autre États (New York, Texas, Californie, Massachusetts, etc.) délivrant des résultats conformes aux attentes.

Bref : Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin. Que Trump gagne l’un des trois, et il s’ouvre un boulevard vers la Maison Blanche, tandis que Clinton ne peut en perdre aucun. A priori, rien d’impossible pour elle, ces États sont historiquement acquis aux démocrates. Très vite cependant, le Wisconsin vacille. Le Wisconsin … Un État considéré comme tellement ingagnable pour les républicains que Trump n’y a pas fait campagne. Et pourtant …

D’autres résultats tombent : à Clinton le Colorado et le Nouveau-Mexique (attendus), ainsi que le Nevada (ce qui l’était moins). Pas de surprise en revanche en Arizona que gagne Trump. Cette fois, la route vers la Maison Blanche lui est grande ouverte, d’autant qu’il enfonce le clou dans la Rust Belt en remportant non pas seulement le Wisconsin, mais aussi le Michigan et la Pennsylvanie. Le Michigan et la Pennsylvanie ! Pour Clinton, les démocrates et même le président Obama, c’est une déconfiture totale, un fiasco. Une humiliation.

Trump, lui, pavoise. Seul avec son équipe contre les démocrates, contre une large partie du système médiatique et même contre une partie des républicains, il a déjoué tous les pronostics et remporté une victoire qui ne souffre aucune discussion. Le vote populaire aura beau au bout du compte être légèrement favorable à sa rivale (47,7% pour Clinton, 47,5% pour le républicain), le verdict des États est implacable : c’est plus de 300 grands électeurs que Trump obtient contre près de 230 à son adversaire.

Dans le camp Clinton, c’est la consternation. A New York, dans la salle où les démocrates avaient prévu de célébrer un triomphe, John Podesta appelle les supporters à rentrer dormir et annonce que la candidate ne s’exprimera pas avant le lendemain matin. Un peu plus loin un peu plus tard, dans la même ville, Trump prononce son discours de victoire. Clinton l’a appelé, l’a félicité et admis sa défaite. Il est désormais le quarante-cinquième président des États-Unis.

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