François Hollande en 20151er décembre 2016 – L’information tombe en fin d’après-midi : le Président François Hollande effectuera à vingt heures une allocution en direct depuis l’Élysée. Aussitôt, les spéculations vont bon train. « Il va déclarer sa candidature » affirment les uns. « Il va annoncer son retrait » prétendent d’autres. En fait, nul n’en sait rien, et lorsque l’allocution commence, tous les scénarios sont possibles.

La première moitié des dix minutes d’intervention est un bilan du quinquennat vu de manière positive, par exemple concernant la COP21, l’école, le mariage pour tous, la lutte contre les inégalités, la réforme territoriale, la fin du cumul des mandats … Vient la question du chômage, contre lequel il affirme avoir pris tous les risque, notamment faire baisser les charges des entreprises, soutenir l’innovation et réformer le marché du travail. « Les résultats arrivent » affirme-t–il, « plus tard que je ne l’avais espérer, j’en conviens, mais ils sont là (…), même si le chômage demeure trop élevé ».

François Hollande évoque ensuite les épreuves graves que la France et l’Europe ont dû affronter contre le terrorisme islamique, affirmant quant à lui avoir voulu maintenir la cohésion nationale. Un peu plus tard, il évoque son seul regret, celui d’avoir proposé la déchéance de nationalité, déclarant avoir espéré que ce projet pourrait « nous unir », alors qu’il ne l’a pas fait. Concernant l’Union européenne, il affirme avoir agi pour mettre un terme à l’austérité et qu’il a aidé la Grèce. Il ajoute aussi sans rire « J’ai régulé la finance » …

Après avoir évoqué François Fillon qu’il respecte mais dont le programme met le pays en danger, puis dénoncé le risque de l’extrême-droite et du protectionnisme, il déclare ne pouvoir se résoudre à l’éclatement de la gauche qui perdrait alors tout espoir de l’emporter face au conservatisme et pire encore à l’extrémisme. La conséquence de ce constat est tirée l’instant d’après : « Je ne suis animé que par l’intérêt supérieur du pays. (…) Je suis conscient des risques que ferait courir une démarche qui ne rassemblerait pas largement autour d’elle. Aussi j’ai décidé de ne pas être candidat au renouvellement de mon mandat ».

Ainsi le suspense a-t-il pris fin : pour la première de l’histoire de la Ve République un président sortant ne se représente pas après son premier mandat. La nouvelle avait beau être de l’ordre du possible, elle n’en cause pas moins un petit choc dans le microcosme politico-médiatique. Quoi qu’il en soit, François Hollande a pris en âme et conscience sa décision, celle de ne pas se représenter devant les Français et subir ce qui aurait sans doute été une véritable humiliation, même si, jusqu’à la dernière minute il a semble-t-il voulu croire en sa chance et se persuader qu’il pourrait renverser une situation que sa grande impopularité paraissait rendre inextricable.

 

Si l’embellie socio-économique de l’automne pouvait lui donner des raisons d’espérer un peu, la parution en octobre 2016 du livre Un président ne devrait pas dire ça … a douché ses illusions. Le tollé à la sortie de cet ouvrage (qui reprend des entretiens mené pendant cinq ans entre le Président et les journalistes Gérard Davet et David Lhomme) est énorme, surtout dans le propre camp de François Hollande, plusieurs dignitaires socialistes (dont le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone) s’offusquant de jugements portés par le Président à leur égard. Plus généralement, c’est l’image globale de François Hollande qui en ressort meurtrie : trop rarement ses propos le montrent doté d’une hauteur de vue vraiment présidentielle, alors que au contraire ne transparaissent que trop bien ses calculs politiciens, une forme de désinvolture dans le comportement, et une certaine insignifiance de sa personnalité.

Quel qu’ait été le but du livre, quelles qu’aient été les intentions de Hollande lorsqu’il en a accepté le principe, le résultat est ravageur et a grandement achevé de torpiller ses rêves d’une réélection. Le ramdam qu’il a déclenché permet en effet au Premier Ministre Manuel Valls de mettre la pression sur un Président à qui il reproche sa conduite du pouvoir et l’accuse en coulisses de mener son camp à la défaite. Parallèlement, la cote de satisfaction à l’égard de l’action de François Hollande chute à … 4%, tandis que les sondages l’annoncent non seulement largué au premier tour de la présidentielle, mais même carrément battu par Arnaud Montebourg à la primaire de la gauche qui doit se tenir en janvier.

Malgré ces déboires, le doute subsistait : Hollande allait-il se retirer ou, malgré le risque d’une colossale humiliation, jouer son va-tout et y aller malgré tout ? La réponse est désormais connue, et la voie ouverte pour un Manuel Valls, qui ne devrait plus tarder à officialiser la prise de relève qu’il ambitionne depuis longtemps.

 

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