Marine Le Pen3,5 millions. C’est le nombre de téléspectateurs que Marine Le Pen a attiré lors de son passage dans « L’Émission politique » jeudi soir sur France 2. Il s’agit du plus gros score enregistré par cette chaîne avec un programme de ce genre depuis 2012, que cela soit avec cette émission ou avec Des Paroles et des Actes qui l’a précédée. Les meilleurs scores obtenus avant celui-ci l’avaient été par Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, tous deux avec 2,7 millions de téléspectateurs,

La première partie de l’émission est la plus favorable à Marine Le Pen, qui gère facilement les questions et tentatives de mise en difficulté des journalistes David Pujadas et Léa Salamé, expose les points-clefs de son programme et sort quelques tirades et saillies qui renforcent sa position et sa posture. Ainsi :

  • sur l’affaire Théo : elle réaffirme offrir un soutien de principe aux policiers, regrette des accusations portées avant la fin de l’enquête, et appelle à la prudence, n’excluant pas que l’affaire soit due à un accident. Elle témoigne néanmoins au passage de sa « compassion » envers le jeune homme blessé.
  • sur cette affaire toujours, concernant le tweet d’un collaborateur du sénateur FN David Rachline (« L’une – Le Pen – est au chevet des boucliers de la nation, l’autre – Hollande – est au chevet des racailles »), elle le condamne et nie que ce dérapage soit symptomatique du Front national.
  • sur les accusations d’emplois détournés au Parlement européen : elle les récusent et sous-entend qu’il y a complot contre les partis opposés à l’UE.
  • sur François Fillon : elle met l’accent sur ses relations rémunérées avec Axa, évoque un possible trafic d’influence voire conflit d’intérêt, et se demande si le programme du candidat LR visant à « supprimer la Sécu, ce qui va bénéficier aux compagnies d’assurance » n’est pas une contrepartie pour les sommes qu’il a perçues.
  • sur les migrants : elle réaffirme sa volonté d’inscrire la priorité nationale dans la Constitution et l’appliquer notamment de soins de santé, par exemple en mettant en place un « délai de carence de deux ans » en ce qui concerne les travailleurs légaux. Pourquoi ? « Parce que nous n’avons plus d’argent. Alors soit on fait comme monsieur Fillon et on supprime la Sécu, soit nous devons nous montrer moins généreux ».
  • Migrants toujours : elle renforcera les frontières et repoussera les clandestins qui veulent venir, mais … « je ne suis pas un monstre » : ceux qui sont en danger sur des bateaux de fortune seront recueillis sur les bateaux français ou européens, mais devront ensuite être ramenés « chez eux ». « En Libye, où ils ont embarqué ? » interroge Pujadas. Pas de réponse claire, comme il n’y aura pas de réponse claire sur la question de comment les renvoyer, mais une tirade catastrophique qui ravira ses supporters : « Mais il n’y a rien aujourd’hui monsieur Pujadas [pour renvoyer les clandestins], personne n’est renvoyé dans son pays d’origine, tout le monde reste, tout le monde s’installe, et alors que nous avons 7 millions de chômeurs, 9 millions de pauvres, que notre système de santé est saturé et que nos comptes sociaux sont en train de ployer sous le coût, on continue à accepter des gens qui arrivent et [quand il y a un trop grand nombre et que surviennent des cas comme Calais], on va les installer dans des dizaines et des dizaines de villages en France qui n’ont rien demandé, (…) ce n’est pas possible ».

 

Vient la partie économique avec le journaliste François Lenglet, où Marine Le Pen a également beau jeu de sortir ses critiques-chocs sur le « dumping monétaire » (notamment de l’Allemagne), les hyper-profits voulus par les entreprises qui délocalisent et les frontières économiques ouvertes « qui enrichissent la Chine ». Elle se montre en revanche plus laborieuse lorsqu’elle est interrogée sur la sortie de l’euro, le nouveau franc qu’elle veut introduire et la dévaluation qu’elle entend mener pour accroître la compétitivité du pays, ses affirmations et explications techniques manquant de clarté, voire tournant à la confusion, notamment dans le cas de la gestion de la dette. Pour se rattraper, elle évoque les Etats-Unis et le Royaume-Uni qui « ont imposé leur ultralibéralisme » au monde et font maintenant marche arrière.

Le reste de l’émission (où Le Pen est mise en présence de contradicteurs) tournera à la cacophonie. Pas tellement lors du reportage où elle rencontre des ouvrières de cuisine d’origines diverses qui s’inquiètent de ses projets de préférence nationale, mais surtout lors des face-à-face avec Patrick Buisson (l’ex-conseiller ultra-droitier de Nicolas Sarkozy), puis Patrice Bressac (le maire communiste de Montreuil) et enfin la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem. Dans les trois cas, le ton monte rapidement, les invectives et coupures de paroles se multiplient et, de débat, il ne sera pas vraiment question.

Bilan de la soirée : Marine Le Pen a réaffirmé les fondamentaux de son message et insisté sur l’état catastrophique dans lequel elle considère que se trouve le pays. Ses partisans en ressortent renforcés dans leurs convictions, et il n’est pas impossible que des indécis aient été conquis, surtout lors de la première partie de soirée.

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