La dernière fournée de sondages (14 avril) confirme la tendance observée depuis fin mars : le match pour accéder au second tour sera bel et bien un match à quatre.

Si, à une semaine du scrutin, tant Marine Le Pen qu’Emmanuel Macron conservent une longueur d’avance sur leur duo de poursuivants, l’écart n’en finit toutefois plus de se réduire. Pour le leader d’En Marche comme pour celle du FN, une absence au second tour constituerait une terrible désillusion, pour le premier parce que les circonstances de campagne (affaires Fillon, effondrement du PS) lui ont ouvert un boulevard inespéré vers l’Elysée, pour la seconde parce qu’elle y est annoncée comme participante assurée depuis un an, .

A l’inverse, du côté de Mélenchon et Fillon, l’espoir grandit … mais n’en reste pas moins ténu. Pour Mélenchon, toute la question est de savoir s’il peut encore accentuer la dynamique qui le porte à près de 20% et voir une partie des électeurs restant à Hamon se porter vers lui. Revers de la médaille : vu sa montée dans les sondages, lui et son programme sont désormais la cible d’attaques virulentes susceptibles d’effrayer plus d’un ralliement potentiel (cf. infra). Quant à Fillon, l’espoir se situe plus que jamais dans l’existence d’un vote (bien) caché, ainsi que dans la remobilisation d’électeurs de droite l’ayant délaissé après la révélation du Penelopegate. Manifestation évidente de cette espérance : l’annonce que des membres de Sens commun pourraient intégrer son gouvernement s’il gagnait l’élection. Comme appel du pied à l’électorat catholique conservateur, difficile de faire mieux (cf. infra aussi).

Bref, jamais sans doute dernière semaine de campagne ne s’était annoncée aussi décisive (celle de 2002 l’avait été, mais peu de gens en avaient eu conscience au moment même). Appréhender correctement la situation reste délicat, l’abstention demeure annoncée à un niveau très élevé (une trentaine de pourcents), de même que l’indécision parmi les électeurs qui déclarent qu’ils iront voter.

 

Compte Twitter de François Fillon - Février 2017Alors que dans ses meetings il frappe tous azimuts sur Macron et Mélenchon, François Fillon voit les affaires qui lui ont tant nui continuer à projeter des étincelles. La première est venue de Mediapart, qui a révélé que, contrairement à ce qui avait été affirmé jusqu’ici, Penelope Fillon n’était pas rémunérée par l’Assemblée nationale depuis 1986, mais depuis 1982. Le Canard enchaîné en rajoute une couche mercredi en affirmant de son côté que la période suspecte pourrait même démarrer plus tôt encore, à partir de 1980. En tant que telles, ces informations ne changent pas la donne, mais contribuent à entretenir une petite musique sulfureuse autour du candidat LR, lequel entend désormais ne plus répondre aux questions relatives à ce scandale. Robert Bourgi en revanche se fait plus bavard et déclare à Mediapart avoir subi des pressions pour ne pas qu’il révèle être la personne ayant offert les coûteux costumes que Fillon a reçus en cadeau. En parallèle, une rumeur se met à circuler concernant ces fameux vêtements : alors qu’il a affirmé les avoir rendus suite au scandale, il se murmure désormais que le candidat LR en aurait en fait rendus d’autres et conservé pour lui les costumes incriminés …

Dans le même temps, les incidents concernant des journalistes se poursuivent. Après Mediapart et le Canard enchaîné, c’est au tour de la rédaction du JDD de se voir adresser des menaces de mort (un courrier inquiétant auquel est joint une balle d’arme à feu). Dans les meetings aussi, l’ambiance est tendue : des journalistes de Canal+ et TMC ont porté plainte à la police après avoir été pris à partie lors de l’événement de la Porte de Versailles de dimanche passé, notamment, dans le cas de Canal+, suite à une intervention musclée du service de sécurité. L’entourage de François Fillon a présenté ses excuses pour ce dérapage.

Dans un registre plus politique, François Fillon déclare en fin de semaine ne pas exclure d’intégrer dans son éventuel gouvernement des membres de l’association Sens commun, laquelle est impliquée dans sa campagne depuis le début et a notamment joué un rôle central dans l’organisation du meeting du Trocadéro. Une telle remarque est évidemment aussitôt interprétée comme un message clair envoyé à l’électorat catholique conservateur, dont Sens commun est considéré comme un représentant.

 

Marine Le PenAffaires toujours, cette fois concernant Marine Le Pen : dans le cadre de l’affaire des emplois fictifs au Parlement européen, la justice française a demandé audit Parlement de lever les immunités de Marine Le Pen et de Marie-Christine Boutonnet (une autre élue FN). Si cette procédure devrait prendre plusieurs semaines voire plusieurs mois, elle pourrait en revanche s’accompagner d’une convocation de Marine Le Pen devant la commission juridique du Parlement européen pour la première semaine de mai, c.-à-d. … pendant l’entre-deux-tours de la présidentielle …

Pour ce qui est de la campagne, Marine Le Pen a reçu en début de semaine une volée de bois vert venue de toutes parts suite à ses propos de dimanche dernier concernant le Vel’ d’Hiv’. Dans un autre registre, son QG de campagne parisien a été victime d’une tentative d’incendie sans gravité dans la nuit du mercredi 12 au jeudi 13 mars.

Concernant ses adversaires, elle s’en est prise samedi à Perpignan à Emmanuel Macron en déclarant que, avec lui, « ça sera l’islamisme en marche, le communautarisme en marche », puis en l’accusant de vouloir accélérer la dérive multiculturelle de la France. Pour preuve de ses dires, elle brandit l’affaire Mohamed Saou, du nom d’un sympathisant d’En Marche dont des tweets anciens ont été exhumés, notamment un message dans lequel il a écrit : « Je n’ai jamais été et je ne serai jamais Charlie ». De son côté, Emmanuel Macron a indiqué que le comité d’éthique de son parti étudiait les reproches formulés à l’encontre de Mohamed Saou et que celui-ci avait accepté de se mettre en retrait de ses fonctions.

 

Dans le camp d’Emmanuel Macron justement, la nervosité gagne du terrain. L’érosion sondagière et la remontée de Fillon et Mélenchon inquiètent et laissent augurer d’une dernière semaine sous tension. Parmi les événements importants de sa semaine : un meeting mercredi en duo avec Bayrou à Pau. Dans un autre registre, il a confirmé au Parisien que, en cas de défaite, il ne serait pas candidat aux législatives mais continuerait à présider En Marche !

Chez Benoît Hamon, la campagne se poursuit cahin-caha. Le socialiste affirme qu’il se battra jusqu’au bout et qu’il mise sur l’intelligence des électeurs de gauche au moment de poser leur choix, mais qui l’écoute encore vraiment ? La cinquième place paraît inévitable, la question étant désormais de savoir avec combien de pourcents : un score humiliant à un chiffre, ou un autre moins déshonorant ? Dur, dur pour ce candidat qui a eu le mérite de venir avec des propositions innovantes quoique controversées, mais qui a perdu son duel avec Mélenchon et est lâché de quasi toute part au sein du PS.

 

Jean-Luc MélenchonPeut-il réellement accomplir un improbable exploit ? Jean-Luc Mélenchon continue en tout cas de rassembler les foules à ses meetings en plein air (le dernier en date ce week-end à Toulouse). L’histoire sera-t-elle différente de celle de 2012, lorsque là aussi une réelle ferveur populaire avait été observée autour de sa personne, sans toutefois pleinement se matérialiser dans les urnes ? Cette fois, il veut croire que le vote utile qui s’était alors porté vers Hollande pour battre Sarkozy ne jouera pas, ou alors en sa faveur, en poussant les électeurs d’un Hamon en perdition à se tourner vers lui. Ce scénario peut-il se produire ? Un autre est également envisageable, celui d’électeurs de gauche décidant au bout de compte de soutenir Macron plutôt que lui afin d’éviter tout risque d’une finale Fillon-Le Pen.

Bref, si Mélenchon mène indéniablement une très bonne campagne, franchir le dernier pas vers le second tour ressemble encore et toujours à une incroyable gageure. En outre, le voici désormais ciblé de manière virulente voire violente par ses adversaires, lesquels dézinguent à tout va un programme dont ils n’hésitent évidemment pas à extraire les propositions les plus controversées. Dans la ligne de mire de Macron et Hamon (et aussi de plusieurs éditorialistes) : les affinités parfois ambiguës de Mélenchon pour Poutine, Bachar el-Assad ou encore feu le président du Venezuela Hugo Chavez. « Communiste » revient également à la mode, tandis que Le Figaro y va d’un « Maximilien Ilitch Mélenchon », puis d’un « apôtre des dictateurs sud-américains ». De son côté, l’intéressé rétorque « ne pas avoir l’intention de faire Cuba en France » et contre-attaque en déclarant lors de son meeting à Lille : « Si vous élisez ces trois-là [Macron, Fillon ou Le Pen], vous allez cracher du sang ».

Autre commentateur remarqué de la percée de Mélenchon : François Hollande. Le Président sort de la réserve qu’il semblait vouloir garder et, après avoir dans un premier temps mis en garde contre les extrêmes, précise sa pensée en déclarant que le tribun de la France insoumise a « des facilités qui tombent parfois dans le simplisme », avant de, à son tour, lui reprocher ses positions sur la Syrie, l’OTAN et la Russie.

 

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