Champs-Élysées, jeudi soir, 21h. Un homme ouvre le feu contre un combi de policiers postés près de la station de métro Franklin Roosevelt. Un représentant des forces de l’ordre est tué et deux autres sont blessés avant que l’assaillant ne soit abattu. La nature terroriste de l’acte ne tarde guère à être validée, avec l’identification rapide de son auteur (un fichier S qui avait été interrogé il y a peu par la police de Meaux sur base de dénonciations l’accusant de vouloir se procurer une arme pour tirer sur la police) et une revendication dans la foulée de Daech.

La police en intervention sur les Champs-Élysées suite à l'attaque du 20 avril 2017 (AFP TV, Capture d'écran)

La police en intervention sur les Champs-Élysées suite à l’attaque du 20 avril 2017 (AFP TV, Capture d’écran)

Depuis plusieurs jours déjà, la tension était montée d’un cran, des rumeurs alarmistes circulaient quant à la possibilité grandissante d’un événement tragique, et un attentat présenté comme imminent avait été annoncé comme déjoué mardi avec l’arrestation de deux suspects à Marseille. La surprise finalement aurait été que rien ne se produise avant le scrutin, et elle n’a pas eu lieu.

 

Quand la nouvelle de l’attaque est annoncée sur le plateau de France 2 où les prétendants à l’Elysée sont en train de défiler pour les quinze minutes d’entretien individuel auquel ils ont finalement accepté de souscrire (y compris Mélenchon, lequel avait été le premier à refuser un nouveau débat et qui, deux jours avant l’émission, rechignait encore à valider sa participation), cinq candidats (Mélenchon, Arthaud, Le Pen, Asselineau, Hamon et Dupont-Aignan) sont déjà passés devant les journaliste David Pujadas et Léa Salamé. A l’annonce de cette information, l’ambiance change évidemment, et Poutou en fait les frais lorsque Léa Salamé, de manière improvisée mais pour le moins discutable (d’autant plus que tous les faits ne sont pas encore connus) lui demande si sa volonté de désarmer la police est encore tenable après les événements de la soirée. Le suivant à passer, Macron réagit en revanche très bien : au vu des circonstances, il explique avoir volontairement laissé l’objet qu’il devait présenter en début d’entretien (une demande de France 2 pour ouvrir la discussion de manière un peu légère) et rend hommage aux policiers attaqués.

Léa Salamé et David Pujadas lors de l'émission "15 minutes pour convaincre" le 20 avril 2017 sur France 2 (Capture d'écran)

Léa Salamé et David Pujadas lors de l’émission “15 minutes pour convaincre” le 20 avril 2017 sur France 2 (Capture d’écran)

 

Viennent ensuite les tours de Lassalle et Cheminade, avant que François Fillon ne clôture la série, un Fillon qui déclare ne pas avoir apporté d’objet car il n’est pas fétichiste, et que, compte tenu de ce qu’il s’est passé ce soir, il veut directement porter le débat sur ces événements et le terrorisme, ajoutant que, au vu de la situation (il évoque des incidents encore en cours dans Paris, alors qu’à aucun moment aucune information à ce sujet n’a circulé), il annule ses déplacements prévus pour vendredi. Une bonne partie de son entretien se passera sur ces questions, avant que ne soient abordés ses projets en matière de santé, de réforme de la fonction publique et des redressements des finances, mais absolument jamais les affaires qui l’accablent et ont pourri sa campagne.

Compte Twitter de François Fillon - Février 2017

 

La dernière partie de l’émission verra les candidats être rassemblés en demi-cercle sur le plateau de France 2 pour chacun prononcer en deux minutes trente une déclaration de fin. Tous évoqueront alors l’attentat perpétré quelques heures auparavant, en particulier Marine Le Pen, laquelle s’exprimera en dernier et se montrera virulente à l’égard de l’action du gouvernement sortant.

 

La prestation des candidats

 

Hasard du tirage au sort, Jean-Luc Mélenchon est celui qui a ouvert le bal de l’émission. Au cours de l’entretien, il essayera surtout à de rassurer les Français quant à ses intentions en matière de relations internationales, expliquant ne vouloir ni maître ni ennemi, mais une France indépendante et championne de la paix, qui agira dans le cadre de l’ONU et pas dans celui des clubs de riches. Il répétera le propos « ni maître ni ennemi » au sujet de l’Allemagne, avec laquelle il veut renégocier les traités européens.

Concernant l’objet qu’il emmènerait avec lui à l’Elysée, le leader de La France insoumise a apporté un réveil, afin de garder à l’esprit toutes les urgences à traiter, dont l’urgence climatique. Concernant le sujet « Carte blanche » qu’il pouvait aborder, il a choisi la VIe République, avec l’abolition de la monarchie présidentielle et la convocation d’une nouvelle assemblée constituante.

Du côté de Nathalie Arthaud, l’objet choisi a été une photo des athlètes noirs américains Tommie Smith et John Carlos brandissant un poing ganté sur le podium olympique de Mexico en 1968 en marque de soutien au mouvement des Black Panthers. Concernant sa carte blanche, elle opte pour sa volonté de donner aux travailleurs les moyens de devenir des lanceurs d’alerte capables de mettre à jour et dénoncer les mauvaises pratiques des patrons.

 

Troisième à passer, Marine Le Pen a pleinement profité d’un exercice qu’elle affectionne (seule, sans contradicteur politique susceptible de la contredire, et opposée à des journalistes qu’elle rabroue sans ménagement s’il se font insistants) pour se mettre en valeur et confirmer le retour aux fondamentaux de son discours. Ainsi a-t-elle pu se faire un plaisir de dénoncer « le projet Peur » chaque fois que Pujadas ou Salamé s’aventurait à évoquer les conséquences d’une sortie de l’Europe et de l’euro, puis a sorti une longue tirade sur la menace terroriste dont « personne n’a parlé », et que les événements ultérieurs de la soirée allaient mettre en lumière.

Concernant son objet, elle a apporté une clef, celle que le dirigeant d’une société lui a offerte en guise de symbole de l’espoir qu’il place en elle, elle qui souhaite maintenant rendre aux Français les clefs de la maison France.

François Asselineau a également sorti un bon numéro au cours de cette émission en déchirant en direct un exemplaire du rapport annuel GOPÉ (« Grandes orientations de politiques économiques », publié chaque année par la Commission européenne) pour symboliser sa volonté de rompre avec l’Union européenne et les « contraintes » qu’elle impose. Concernant son objet, il est arrivé avec un rameau d’olivier, symbole de la paix mais aussi de la République et de son parti.

 

Benoît Hamon, lui, est arrivé avec une carte Vitale, afin d’évoquer les acquis sociaux que plusieurs parmi ses adversaires veulent réduire ou supprimer. Pour éviter que cela n’arrive, il brandit alors une carte d’électeur et appelle les Français à s’en servir. Pour sa carte blanche, il choisira de parler d’Europe, une Europe qu’il veut défendre (« Je ne veux pas jouer à la roulette russe avec l’Europe »), et pour laquelle il a des propositions afin de l’améliorer, des propositions que, dit-il, l’Allemagne est prête à écouter. Enfin, il regrettera que le débat initialement prévu ait été annulé et s’en prendra (sans les nommer) à ceux qui, comme en Russie, veulent choisir les journalistes chargés de les interroger.

Nicolas Dupont-Aignan est venu avec une figurine que lui a offert jadis un enfant handicapé. La première partie de son intervention porta évidemment sur l’Europe, mais, comme carte blanche, il choisit d’évoquer la démocratie en France, d’abord pour accuser Macron d’œuvrer en faveur d’intérêts économiques et financiers qui le soutiennent via les médias (avec, d’après Dupont-Aignan, comme preuve toutes les couvertures de magazine dont il a bénéficié), ensuite pour dénoncer les pressions insupportables qu’il a subies en vue de le faire renoncer. Il sortit alors son portable pour lire une série de SMS échangés avec un patron de presse à qui il reprochait de le boycotter dans son journal, celui-ci lui répondant (toujours d’après Dupont-Aignan) : « Ce boycott est la conséquence de ton attitude envers Fillon ».

 

Comme évoqué supra, Philippe Poutou a donc été le premier à être confronté à une question relative à l’attentat en cours. Concernant son objet, celui-ci était le drapeau de la Guyane, en solidarité avec les troubles sociaux touchant ce département. Quant à sa carte blanche, elle se porta sur l’écologie. Il termina son passage en regrettant (comme Hamon) qu’il n’y ait pas eu de second débat à onze et de nouvelles occasions de pouvoir à Fillon et Le Pen que « ce sont des voleurs ».

Comme évoqué précédemment, étant donné l’attentat en cours, Emmanuel Macron est venu sans l’objet qu’il avait prévu d’apporter (une grammaire avec laquelle il a appris la langue française). Les journalistes l’ont à nouveau interrogé sur le flou qui lui est parfois reproché, notamment en ce qui concerne ses intentions pour la Syrie. Concernant sa carte blanche, il a opté pour l’éducation, à propos de laquelle il a rappelé les grandes lignes de son programme.

 

De son côté Jacques Cheminade est arrivé avec un biface comme objet. Concernant sa carte blanche, il a choisi de parler de ses projets en matière de culture. Enfin, interrogé sur le 11 septembre, il déclara continuer à douter de la version officielle des faits.

Avant François Fillon qui fut le dernier à avoir son entretien (cf. supra), Jean Lassalle a, dans son style désormais bien connu, répondu à des questions sur son projet, notamment en matière de politique internationale, où il s’est expliqué sur la visite qu’il a effectué en Syrie à Bachar el-Assad.

 

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