15 septembre 2015 – La période désignée ici par l’appellation « avant-primaires » correspond approximativement aux six mois qui précèdent le début des scrutins (le 1er février 2016 dans le cas présent). Elle démarre généralement vers le milieu de l’été, lorsque la plupart des candidats ont officialisé leur intention de concourir et commencent réellement leur campagne. Cette avant-primaires peut se diviser en trois composantes :

1. La campagne « de terrain » : les candidats sillonnent le pays et multiplient meetings et rencontres avec les électeurs et les militants, ainsi qu’avec des personnalités plus ou moins médiatiques ou représentatives de communautés ou d’intérêts particuliers.

Meeting US

 

2. Les débats télévisés : pour le grand public, c’est de la partie la plus visible de l’avant-primaire.

Télévision US

Côté républicain, le premier débat télévisé a eu lieu le 6 août à Cleveland. Six autres se tiendront d’ici au début des scrutins, et cinq autres suivront au cours de la primaire elle-même, soit un total de douze, un nombre inférieur à celui qui avait prévalu pour la présidentielle 2012 (vingt), jugé a posteriori exagéré.

A noter que, vu l’abondance de candidats (dix-sept), le RNC (le Republican National Committee¸ l’organe du parti républicain en charge d’organiser la primaire) a décidé de séparer les débats en deux parties : les dix prétendants les mieux cotés dans les sondages débattent ensemble en prime-time, les sept autres doivent se contenter d’un pré-débat à une heure de moindre écoute (débat des seconds couteaux).

Côté démocrate, le nombre de débats sera moindre (neuf). Qui plus est, contrairement à ceux des républicains, la plupart de ces événements auront lieu le week-end, c.-à-d. lors de jours à audience potentiellement moindre. Plusieurs observateurs y voient la patte d’Hillary Clinton, laquelle a plus à perdre qu’à gagner dans ce genre d’événements et est soupçonnée d’avoir influencé le DNC (le Democratic National Committee, le pendant démocrate du RNC) non seulement pour limiter le risque d’être trop souvent mise sur le gril, mais aussi afin de restreindre les possibilités pour ses adversaires de bénéficier d’une tribune nationale qu’ils auront difficile à obtenir autrement.

 

3. La « Money Primary », dite aussi « Primaire invisible », car se déroulant surtout en coulisses, où les candidats cherchent à lever des fonds auprès de donateurs opulents et convaincre un maximum d’élus politiques de rallier leur cause.

Dollars

C’est une phase cruciale de la campagne :

  • d’une part parce que les gros leveurs de fonds s’assurent une capacité à durer et à mener des opérations d’envergure (par exemple des campagnes publicitaires à grande échelle) lorsque la primaire entrera dans sa phase critique, opérations auxquelles les « perdants » ne pourront réagir de la même manière, voire seront amenés à réduire la voilure, pour autant qu’ils n’aient pas jeté l’éponge auparavant.
  • d’autre part parce que le candidat obtenant un large soutien des leaders politiques de son camp est considéré comme « adoubé » par le parti et se voit conférer une aura d’inévitabilité susceptible d’influencer les votants.

Côté républicain, depuis 1980, le candidat à avoir récolté le plus de soutiens parmi les leaders du parti à la veille du caucus de l’Iowa a toujours décroché l’investiture (Ronald Reagan en 1980, George Bush père en 1988, Bob Dole en 1996, W. Bush en 2000, John McCain en 2008, Mitt Romney en 2012).

Côté démocrate, le résultat est plus contrasté : depuis 1980, trois des vainqueurs de la « primaire invisible » ont effectivement gagné la primaire du parti (Walter Mondale en 1984, Bill Clinton en 1992 et Al Gore en 2000), et trois autres l’ont perdu (Dick Gephardt en 1988, Howard Dean en 2004 et Hillary Clinton en 2008). Parmi les trois défaites, deux (1988 et 2004) se caractérisaient toutefois par des candidats se tenant dans un mouchoir de poche en matière de soutiens déclarés à la veille des premiers scrutins, de sorte qu’aucun ne sortait vraiment du lot. En 2008 en revanche, Hillary Clinton partait avec un avantage substantiel vis-à-vis de Barack Obama.

 

Situation au 2/10/2015

Le site fivethirtyeight.com a créé un classement visant à estimer les soutiens (et leur influence) obtenus par chaque candidat. Ce classement s’établit en utilisant le barème suivant : 10 points par gouverneur ayant déclaré son soutien au candidat, 5 points par sénateur et 1 point par membre de la Chambre des représentants.

Côté démocrate, Hillary Clinton explose ses rivaux (et ses prédécesseurs) avec un score de 342 points, à des années-lumière de Joe Biden (qui n’est pas déclaré), 16 points, et O’Malley, 1 point, tandis que Bernie Sanders n’en compte pour l’heure aucun. Hillary, la candidate des élites du parti ! Rien de nouveau, c’est un fait connu, elle représente l’establishment démocrate.

Côté républicain en revanche, c’est la bouteille à encre. Jeb Bush mène, mais avec un score famélique de 35 points, suivi par Chris Christie (25 points), Mike Huckabee (24), Rand Paul (15) et John Kasich (14), tandis que tous les autres candidats ont un score inférieur à 10, y compris Ben Carson et Donald Trump, qui pointent à … zéro.

Bref, si les élus démocrates ont clairement fait leur choix, les républicains, eux, sont en mode « attente », et il faudra sans doute patienter jusqu’à ce que la campagne se décante (après le début des primaires ?) pour voir un ou deux candidats du GOP émerger à ce classement. Pour l’heure, on remarquera en tout cas la confirmation de l’écart entre les préférences des caciques des partis et celles des sondés, ceux-ci affichant un soutien substantiel à Sanders côté démocrate et privilégiant nettement les outsiders comme Trump, Carson et Fiorina côté républicain.

Pour plus de détails sur la méthodologie du site fivethirtyeight.com, son décompte en cours et l’historique de cet indicateur : projects.fivethirtyeight.com/2016-endorsement-primary

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