Ultime débat avant le Super Tuesday du premier mars. L’événement se tient sur les terres de Ted Cruz, le Texas, État qui élira le plus grand nombre de délégués mardi prochain. Cruz y est donné vainqueur mais Trump (pointé favori dans la quasi-totalité des onze autres États en lice) semble remonter dans les sondages depuis quelques jours. Co-animé par CNN, Salem Radio et Telemundo (il devait initialement l’être par CNBC, mais le fiasco de la chaîne en octobre a conduit le RNC à lui retirer sa confiance), ce débat est la dernière possibilité pour Cruz et Rubio de déstabiliser Trump et le conduire à la faute.

 

Résumé

La bagarre est montée d’un cran, voire de plusieurs, et d’emblée, quitte à parfois tourner à la cacophonie. Cible principale : Trump, attaqué par Cruz et Rubio, presque en simultané. Mis sous pression comme jamais au cours d’un débat, le milliardaire a parfois eu l’air agacé et irrité, mais est resté maitre de ses nerfs et a répliqué sans déraper ni connaître de mauvaises passes. Bref, pas de défaillance de sa part, ni de brèche véritable dans laquelle ses adversaires auraient pu s’engouffrer.

Rubio s’en est pour la première fois pris frontalement à Trump, dans un numéro assez étonnant de fou du roi espiègle que rendait hilare les propos du milliardaire, auquel il n’a pas hésité à rétorquer quelques saillies acérées. Rubio a paru s’amuser à ce petit jeu, mais celui-ci faisait par moments puéril et, surtout, n’a pas déstabilisé Trump. Quant à Cruz, il s’est également montré offensif, mais de manière plus classique et moins mémorable.

Dans ce contexte, Kasich et Carson ont eu du mal à exister. Le premier s’en est mieux sorti, a refusé d’entrer dans toute joute verbale et a rappelé sa volonté d’unir tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti. Pas sûr qu’il ait été beaucoup entendu. Quant au second, il a été dans la veine transparente de ses précédents débats, parvenant une fois encore à se plaindre de son temps de parole et demandant à un moment à ce qu’un des autres candidats « l’attaque » pour que lui soit donné un droit de réponse.

 

Les « Battles »

Celles entre Rubio et Trump ont été les plus virulentes et ont souvent terminé en échanges inaudibles. La première passe d’armes survient avec l’immigration clandestine. Rubio commence par déclarer que Trump a eu plusieurs positions aux cours des ans sur ce sujet, puis l’accuse d’avoir bâti sa fortune avec l’aide de travailleurs étrangers qui ont pris des emplois aux Américains. Trump se défend en déclarant qu’il s’agissait d’emplois à temps partiel ou saisonniers que personne ne voulait, mais Rubio en remet une couche en l’accusant d’avoir recouru à des illégaux polonais. Trump contre-attaque en déclarant que Rubio n’a jamais embauché qui que soit, qu’il a eu des problèmes à gérer une carte de crédit et qu’il est un menteur.

La deuxième algarade entre les deux hommes porte sur l’intention du milliardaire d’entrer en guerre commerciale avec le Mexique si celui-ci refuse de payer pour l’édification du fameux mur à la frontière. Rubio attaque Trump en déclarant que, s’il fait élever un mur, ce sera, comme pour la Trump Tower, en recourant à des illégaux. Il embraye ensuite sur les cravates et chemises que Trump fait fabriquer en Chine et au Mexique. Trump rétorque que Rubio ne comprend rien au business. Rubio réagit en évoquant quatre sociétés en faillite de Trump et des procès liés à la Trump University.

Plus tard, Trump attaque à son tour en évoquant une plus-value substantielle réalisée par Rubio en ayant vendu sa maison à un lobbyiste. Rubio rétorque que, si Trump n’avait pas hérité de $200m, il vendrait des montres à New York.

Interrogé sur ses intentions parfois peu claires sur le DACA (Deferred Action for Childhood Arrival), Rubio s’explique mais est contré par Trump qui le traite de menteur « à 100% ». Cruz en rajoute une couche en déclarant que Rubio ment et a des positions fluctuantes (ce sujet avait fait l’objet d’une prise de bec entre les deux candidats d’origine cubaine lors du précédent débat, au cours duquel Rubio avait accusé Cruz de mentir et de ne pas comprendre l’espagnol).

Sur l’Obamacare et en particulier la question des compagnies d’assurance : Trump veut accroitre la compétition dans le secteur et supprimer les monopoles qui existent. Rubio critique cette attitude, insinue que Trump ne connait pas bien le sujet et exige qu’il détaille son plan. L’échange devient alors infantile et surréaliste, avec Rubio qui accuse Trump de répéter sans cesse la même chose, à quoi le milliardaire rétorque que Rubio est en sueur et qu’il donne l’impression de sortir d’une piscine, avant que Rubio ne … répète que Trump a répété cinq fois la même réponse.

 

Portrait officiel de Ted Cruz en tant que sénateur (2013)Cruz n’est pas en reste vis-à-vis de Trump. Ainsi, sur l’immigration, accuse-t-il Trump d’être en faveur d’une amnistie et d’avoir donné de l’argent à des démocrates, y compris à certains membres du « Gang of Eight ». Trump rétorque qu’aucun sénateur ne soutient Cruz alors qu’il travaille avec eux chaque jour, puis évoque des emprunts non-déclarés de la part du sénateur du Texas auprès de Goldman Sachs et Citibank.

Cruz se montre aussi offensif au sujet de la nomination du successeur du juge Scalia, craignant que Trump (s’il est président) ne choisisse pas un vrai conservateur, avec pour conséquence une mise à mal des droits à la liberté religieuse. Trump rétorque que Cruz a soutenu la nomination du juge John Roberts, lequel a permis Obamacare. Cruz s’indigne, Rubio s’en mêle. Trump s’affirme résolument pro-life et contre l’avortement, mais souligne que des millions de femmes bénéficient d’importants pans du planning familial pour soigner des cancers. Cruz revient à la charge sur ce sujet un peu plus tard en accusant Trump de promouvoir une médecine socialisée, avant de le sommer de détailler ses plans (comme Rubio l’avait fait au sujet des assureurs), puis de mener l’offensive sur la capacité de Trump à vaincre Clinton, 65% des républicains (d’après un sondage cité par Cruz) estimant que le milliardaire n’est pas un bon candidat pour vaincre la démocrate. Trump répond en se gaussant des sondages de Cruz.

Sur la Syrie : Cruz reproche à Trump d’avoir soutenu la nomination de John Kerry (« le secrétaire d’État le plus anti-Israël que nous ayons eu ») et à Rubio de l’avoir votée. A nouveau la conversation part en vrille, Trump traitant Cruz de menteur et Rubio de « choke artist » (quelqu’un qui échoue lamentablement sous la pression).

Cruz terminera par une nouvelle attaque sur les donations de Trump à des démocrates, ce à quoi Trump répliquera que, en tant que businessman, il a donné à tout le monde, y compris à Cruz ($5000) parce que celui-ci lui avait envoyé un livre dédicacé. Il conclut en traitant Cruz de « basket case » (un cinglé, un dingue), non sans avoir plus tôt dans le débat rappelé les coups tordus du sénateur du Texas depuis le début des primaires (cf. le coup bas contre Carson dans l’Iowa).

 

Trump a aussi eu des échanges tendus avec les journalistes, à qui il a reproché de trop souvent le mettre sur le gril (sur la manière dont il est perçu par la minorité hispanique ; sur le réalisme de son programme de réduction d’impôts ; sur la publication de ses « back tax returns » qu’il retarde au motif qu’il est audité, alors que Mitt Romney a déclaré que leur contenu était potentiellement explosif), puis en attaquant la crédibilité des partenaires de CNN pour ce débat (« je ne crois rien de ce qu’affirme Telemundo » et « très peu de gens écoutent [Radio Salem] et c’est une bonne chose »).

A noter parmi les autres sujets abordés : le refus d’Apple d’obéir aux injonctions du FBI concernant l’enquête de San Bernardino.

 

Le résumé du débat en vidéo

 

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