Chez les démocrates

 

Portrait officiel d'Hillary Clinton en tant que Secrétaire d'Etat (2009)Elle a dû patienter jusqu’à la quasi-fin des primaires (la dernière se tiendra à Washington DC le 14 juin), mais ça y est, Hillary Clinton a obtenu le nombre suffisant de délégués requis pour décrocher l’investiture démocrate. La cause était entendue depuis longtemps mais le refus de Sanders de rien lâcher a contraint Clinton à s’escrimer jusqu’au bout pour enfoncer le clou et éviter d’apparaître comme une gagnante au rabais. Une défaite en Californie le 7 juin aurait ainsi été très mal ressentie, mais la victoire y a finalement été large (55,7%). Ce résultat probant est-il lié à l’annonce de l’agence de presse AP vingt-quatre heures avant le scrutin que, selon son décompte, quels que soient les résultats le 7 juin, Clinton disposait du nombre requis de délégués ? Les partisans de Sanders ont en tout cas dénoncé un coup médiatique qui a démobilisé les troupes du challenger et influencé le verdict du dernier Super Tuesday.

Plus tôt dans le mois, le Sénateur du Vermont avait continué à grappiller des délégués en s’imposant nettement en Virginie occidentale (où, dans un État fortement marqué par les activités charbonnières, Clinton s’était fait hara-kiri dès le mois de mars en déclarant que les énergies renouvelables allaient mettre au chômage tout un tas de mineurs) et dans l’Oregon, tandis que Clinton gagnait de justesse au Kentucky et à Guam. Las pour Sanders : les Îles Vierges et Puerto Rico annulaient ses (maigres) gains et maintenaient l’écart à environ 300 délégués (hors super-délégués, toujours largement acquis à la cause Clinton). Malgré ce retard énorme, Sanders affirmait continuer à y croire, tablant sur un miracle alimenté par un exploit en Californie (où les sondages donnaient Clinton gagnante d’une courte tête), le Sénateur du Vermont se faisant fort d’ensuite convaincre les super-délégués de changer d’avis. Méthode Coué ou espoir réel ? La probabilité d’un tel scénario était faible (Sanders aurait dû remporter les scrutins par plus de 70%) et à aucun moment il n’a semblé en mesure de se réaliser.

 

Résultats des scrutins depuis le 5 mai

 

Date État Vainqueur % du vainqueur # délégués pour Clinton # délégués pour Sanders
7/5 Guam  Clinton 59.5 4  3
10/5 Virginie occidentale  Sanders  51.4  11  18
17/5 Kentucky  Clinton  46.8  28  27
Oregon  Sanders  56.2  25  36
4/6 Îles Vierges  Clinton  87.1  7  0
5/6 Porto Rico  Clinton  59.7  36  24
7/6 Californie  Clinton  53.7  269  206
Montana  Sanders  51.5  10  11
New Jersey  Clinton  63.5  79  47
Nouveau-Mexique  Clinton  51.5  18  16
Dakota du Nord  Sanders  64.2  5  13
Dakota du Sud  Clinton  51.1  10  10

 

Décompte final

 

Candidat # États gagnés Vote populaire # Délégués # Super-délégués # Total délégués
Clinton 34 16.8 millions 2 205 (54%) 570 (76%) 2 775 (59%)
Sanders 23 13.2 millions 1 846 (45%) 43 (7%) 1 889 (39%)
Total 57 30.0 millions 4 051 (100%) 713 ** 4 765 **

** Tous les super-délégués n’ont pas déclaré un candidat préféré.

NB: les résultats ont été mis à jour pour incorporer les chiffres du scrutin de Washington DC (14 juin)

 

Dans les chiffres, la victoire de Clinton est claire : elle a remporté le plus d’États (dont les plus importants), gagné le vote populaire avec 3,7 millions de voix d’avance, et empoché un nombre largement supérieur de délégués par rapport à Sanders, même sans tenir compte des super-délégués. De ce point de vue, son investiture est plus nette que celle d’Obama en 2008.

Dans les esprits pourtant, c’est l’impression inverse qui prévaut : Clinton a galéré, Clinton a peiné. Son succès, elle le doit au vote des minorités afro-américaine (surtout) et hispanique, ainsi qu’à sa mainmise sur l’appareil du parti. Mais pour ce qui est de l’enthousiasme, de la ferveur, de la popularité et des idées progressistes, Sanders l’a éclipsée. Telle est l’idée générale qui circule et elle ne paraît pas infondée, sauf sur un point peut-être, le rôle de la classe moyenne blanche, qui n’a pas été excessivement défavorable à Clinton non plus, en particulier chez les plus de 45 ans, les jeunes ayant en revanche massivement préféré Sanders. Quid des femmes, carte sur laquelle Clinton joue désormais à plein ? Divers analystes pointent que cet électorat n’a pas été décisif dans le verdict de la primaire démocrate, mais qu’il jouera beaucoup plus face à Trump.

Le premier défi de Clinton va maintenant être de rassembler un parti et des électeurs qui, s’ils ne sont pas aussi fracturés que le sont leurs homologues républicains, n’en ont pas moins connu de vives tensions tout au long de la campagne. Ainsi, la convention démocrate du Nevada le 14 mai a-t-elle dégénéré lorsque des partisans de Sanders ont vigoureusement pris à partie les organisateurs, les jugeant d’un trop grand parti-pris. Bien que condamnant ces débordements, Sanders a également dénoncé la partialité des dirigeants démocrates locaux, s’attirant en retour une réaction courroucée de Debbie Wasserman Schultz, la présidente du DNC, une présidente que Sanders et son entourage contestent par ailleurs depuis plusieurs mois en l’accusant d’œuvrer en faveur de Clinton.

Bref, Clinton va devoir recoller quelques morceaux afin d’amener à elle l’électorat qui a plébiscité Sanders et dont une partie conséquente semble résolument hostile à l’ex-Secrétaire d’État. Dans sa tâche elle peut compter sur l’aide du président Obama, lequel a annoncé le 9 juin soutenir la candidate et a discuté avec Bernie Sanders. Quelle attitude adoptera ce dernier ? Pour l’heure, il maintient son intention de rester en lice jusqu’à la convention de Philadelphie en juillet afin de poursuivre son combat, affirmant toutefois son intention de ne pas laisser Trump devenir président.

 

Autres faits côté démocrate

 

  • « I’m with her » : tel est le cri de ralliement autour d’Hillary Clinton.
  • Débat or not débat ? Sanders a tenté d’en obtenir un avec Clinton avant le dernier round des primaires, mais celle-ci a décliné. Trump annonça alors être prêt à débattre avec le sénateur du Vermont avant la primaire de Californie, mais il se débina deux jours plus tard au prétexte que le système de nomination démocrate était truqué et que Sanders ne pourrait refaire son retard vis-à-vis de Clinton.
  • Les emails d’Hillary, épisode 236. Un rapport d’audit indépendant demandé par le département d’État met à mal la défense de Clinton, notamment son affirmation d’avoir respecté les règles. L’épée de Damoclès que constitue ce dossier demeure, encore et toujours.

 

 

Chez les républicains

 

Donald Trump en août 2015Seul candidat en course après les retraits de Cruz et Kasich, Trump s’active désormais sur deux fronts : attaquer Hillary Clinton et rassembler le parti républicain.

Dès son investiture devenue inéluctable, Trump a entamé des discussions avec les responsables du parti pour tenter de rapprocher les points de vue et organiser la convention de Cleveland et la future campagne. Ainsi a-t-il rencontré le 12 mai Paul Ryan (« speaker » à la Chambre des Représentants), Reince Priebus (président du RNC) et Mitch McConnell (chef des républicains au Sénat), des entrevues qualifiées de « positive pour le rassemblement » par Paul Ryan … lequel s’était déclaré le 6 mai « pas encore prêt à soutenir Trump » (il annoncera finalement son ralliement le 2 juin, admettant des divergences mais déclarant aussi que celles-ci étaient moins nombreuses que leurs points communs).

 

GOP honteux

Dessin de Gary Varvel, Indystars Creators.com

 

Soucieux de donner des gages de conservatisme aux membres du parti qui doutent de ses convictions (cf. ses positions contre le libre-échange et celles en faveur d’une hausse du salaire minimum ou encore d’une imposition plus élevée pour les hauts revenus), Trump a annoncé une liste des candidats qu’il entend soutenir pour remplace le juge Scalia à la Cour suprême, des candidats tous réputés pour leurs attachements aux valeurs républiques. A noter aussi, dans un autre genre, plus anecdotique : sa « réconciliation » avec la journaliste de Fox News Megyn Kelly.

Ces efforts n’effacent toutefois pas les fortes dissensions au sein du GOP, comme en témoignent le mouvement « Tout sauf Trump » (emmené par Mitt Romney et rejoint par les deux ex-présidents Bush) et celui « Les conservateurs contre Trump », ce dernier (emmené par le rédacteur-en-chef de la revue Weekly Standard), après bien des efforts, ayant fini par réussir à dénicher un candidat à opposer au magnat de l’immobilier, un inconnu complet du nom de David French.

Plus gênante que cette candidature (qui ne devrait en rien perturber le vainqueur de la primaire) est l’hostilité de plusieurs grands donateurs du parti quant au financement de la suite de la campagne. Si Trump a pu jusqu’ici financer lui-même sa candidature, le passage de la primaire à l’échelon national va exiger un budget d’une autre ampleur (de l’ordre du milliard de dollars) que le milliardaire ne pourra supporter seul. Dans ce contexte, les déclarations négatives à son égard de la part de gros bailleurs de fond traditionnels tels Paul Singer (ex-soutien de Rubio) ou Joe Ricketts ne sont guère encourageantes pour lui, sans parler de celle du gestionnaire de fonds spéculatifs William Oberndorf, celui-ci allant jusqu’à affirmer préférer voter pour Clinton. D’autres, tels les frères Koch, se contenteront de financer les candidats républicains au Congrès.

La persistance de ces critiques et manifestations de défiance n’est pas sans irriter Trump, lequel en « oublie » alors parfois ses efforts pour paraître plus respectable, se moquant alors ouvertement lors de meetings de Jeb Bush, Mitt Romney ou encore la gouverneure républicaine du Nouveau-Mexique Susana Martinez.

Autre sujet d’énervement pour Trump : le juge Gonzalo Curiel. Celui-ci, en charge du dossier « Trump University », a rendu public une série de témoignages de plaignants évoquant un « système frauduleux ». Furieux, le candidat a accusé le juge d’être partial et a mis en cause ses origines mexicaines, provoquant aussitôt la consternation de la plupart des caciques du parti républicain, atterrés que Trump continue de s’aliéner de la sorte l’électorat hispanique si vital pour le scrutin à venir.

 

Autres faits côté républicain

 

  • Le dossier des déclarations fiscales du milliardaire refait surface. Le candidat continue de ne pas les rendre public alors qu’il avait promis de le faire, arguant d’une part que lesdites déclarations faisaient toujours l’objet d’un audit, et d’autre part qu’elles n’apprendront de toute façon rien à personne.
  • Quel vice-président pour Trump ? Le Washington Post évoque cinq noms possibles : Chris Christie, Bob Corker (sénateur du Tennessee), Joni Ernst (sénatrice de l’Iowa), Mary Fallin (gouverneur de l’Oklahoma) et Newt Gingrich (ex-speaker à la Chambre et candidat à la primaire en 2012).
  • Trump et la politique étrangère : le candidat précise certaines de ses intentions en la matière. Points particulièrement remarqués : d’abord sa volonté de nouer le dialogue avec Kim Jong-un et d’obtenir l’aide de la Chine pour le faire renoncer à son programme nucléaire ; puis, son intention de renégocier l’accord de la COP21, qu’il estime dangereux pour l’emploi et susceptible d’entraver l’indépendance énergétique du pays. Sur ce dernier sujet, il a affirmé son intention de poursuivre le développement des gaz et pétrole de schiste, ainsi que de relancer le projet Keystone XL.
  • Les attaques vis-à-vis de Clinton prennent de l’ampleur. Ainsi, après « Little Marco » (pour Rubio) et « Lying Ted » (pour Cruz), place au gimmick « Crooked Hillary » (Hillary l’escroc, Hillary la malhonnête).

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