1. Outsiders vs. Establishment

2. Immigration : a) L’immigration hispanophone b) Les réfugiés et l’immigration musulmane

3. Politique étrangère : a) Interventionnisme, État islamique et Moyen Orient – b) Autres thèmes

4. Économie : a) État du pays et libre-échange – b) Croissance – c) Salaire minimum – d) Politique énergétique – e) Wall Street

5. Questions sociales : a) Avortement – b) Sécurité sociale – c) Port d’armes – d) Mariage gay – e) Marijuana – f) Éducation – g) Problèmes raciaux et système judiciaire

 

1. Outsiders vs. Establishment

 

La polarisation « Outsider/Establishment » aura été un des aspects marquants de la campagne. L’ampleur du phénomène a surpris et reflète le décalage grandissant entre l’élite des partis et une bonne part de leur base électorale, qui s’affirme de plus en plus désillusionnée et insatisfaite des réponses apportées à ses problèmes, ses attentes, ses colères.

Côté républicain, si Donald Trump a été la tête d’affiche des outsiders, il fut loin d’être le seul en piste, Carly Fiorina et Ben Carson revendiquant eux aussi le fait de ne pas appartenir à une classe politique qui (pour résumer l’idée générale) « échoue depuis si longtemps à remettre le pays sur pied et se complaît dans le copinage, la corruption, l’incompétence et les prébendes, pour le plus grand malheur du peuple américain qui subit de plein fouet cette médiocrité ».

Aux côtés de Trump, Carson et Fiorina qui étaient les outsiders les plus « purs » (Carson n’a absolument aucun passé politique, Trump et Fiorina à peine plus, la quasi-totalité de leur parcours s’étant effectuée dans le monde hospitalier ou celui des affaires), beaucoup parmi leurs concurrents ont également tenté de se positionner sur cette ligne. Ce fut ainsi le cas des sénateurs Ted Cruz et Marco Rubio, avec, comme cible principale pour se différencier de l’establishment, la capitale Washington D.C., dépeinte comme la source du mal et le repaire des forces agissant contre la liberté des citoyens.

Cette détestation envers la capitale fédérale n’est pas neuve, elle est en fait aussi vieille que le pays lui-même, mais elle a retrouvé une vigueur certaine avec l’ascension du Tea Party, dont Cruz est un représentant parmi les plus virulents (cf. son coup d’éclat pour provoquer un shutdown des administrations en 2013). Quant à Rubio, élu en 2012 avec le soutien du Tea Party avant de prendre ses distances avec lui, il a répété à plusieurs reprises avoir été horrifié par l’immobilisme et les jeux de dupes se tramant au Sénat, et affirmé pendant la campagne ne pas vouloir y briguer un second mandat, convaincu qu’il est désormais de l’inanité qu’il y a à servir au Congrès (NB : il changera toutefois d’avis en juin 2016 et annoncera vouloir se représenter).

Surfant sur la défiance de la population vis-à-vis des élites, ces cinq candidats (Rubio dans une moindre mesure, lui qui essaya de se positionner un pied dans l’establishment, un pied en dehors) ont bousculé l’échiquier avec un discours populiste décomplexé, qui refuse le « politiquement correct » et prône le « parler vrai ». Conséquences en matière de programmes : d’une part des propositions-chocs qui ne s’embarrassent d’aucun tabou et auraient été inconcevables dans la bouche d’un prétendant sérieux à la Maison-Blanche il y a un an encore (en particulier en matière d’immigration, cf. infra) ; et, d’autre part, une radicalisation idéologique toujours plus poussée pour ce qui est de la défense de l’orthodoxie conservatrice (droit au port d’armes, interdiction de l’avortement …).

Face à ce flot de paroles libérées, les candidats de l’establishment (Jeb Bush principalement, Kasich, Christie …) ont été incapables de trouver la parade et sont devenus inaudibles, leurs positions apparaissant trop mièvres en comparaison de celles de leurs adversaires. Kasich et Christie tentèrent bien de jouer à leur manière la carte « outsider » en opposant leurs fonctions de gouverneurs (qui agissent et doivent rendre des comptes) à celles des sénateurs (qui pérorent, qui font du vent mais n’assument pas de responsabilités), mais ni les bilans qu’ils mirent en avant ni les compétences qu’ils s’attribuèrent ne changèrent quoi que ce soit à leurs intentions de vote.

 

Côté démocrate, l’histoire a été un peu différente. Loin d’être novice en politique (il siège au Congrès depuis 1991) mais quasi inconnu au niveau national avant d’entrer en campagne, Bernie Sanders (autrefois indépendant mais qui s’est inscrit au parti démocrate pour pouvoir participer à la primaire) n’a pas hésité à se revendiquer « socialiste », un qualificatif qui, aux États-Unis, il y a quelques années encore, suffisait à décrédibiliser sans retour possible quiconque s’en parait. Plus encore et surtout, il s’est différencié de tous les candidats et de Hillary Clinton en particulier pour ce qui est de la question de l’argent.

L’argent, ou plutôt la collusion des politiques avec le monde de l’argent, tel fut le grand thème porté par Sanders. Contrairement à ses adversaires, le sénateur du Vermont a refusé tout Super PAC pour se financer et préféré en appeler au soutien populaire, lequel a répondu en masse avec une quantité phénoménale de petits dons. Chez Sanders, pas de sommes gigantesques versés par des milliardaires ni de grandes entreprises, et pas non plus de conférences rétribuées à prix d’or par de grosses institutions bancaires (cf. Hillary Clinton et Goldman Sachs). Et donc pas de contreparties à donner d’une manière ou d’une autre à ces grands donateurs, ni d’influence de leur part dans les choix politiques qu’il devra poser s’il est élu. C’est en ce sens surtout que Sanders se pose en outsider, en étant celui qui refuse et dénonce le système néfaste et source de corruption du financement des campagnes électorales, lequel ne connait plus de limites depuis l’arrêt Citizens United.

En réaction, ce que Sanders veut, ce qu’il défend, c’est une « révolution politique » qui en finira avec la domination des lobbies qui « achètent » les politiciens et « corrompent » le système pour leur seul intérêt, sans tenir compte de celui du peuple. Dans sa ligne de mire : Wall Street. Le discours est fort (« Le business model de Wall Street, c’est la fraude ! », « Ce n’est pas le Congrès qui régule Wall Street, c’est Wall Street qui régule le Congrès ») et il résonne, entre autres chez les jeunes, que cet homme au look de vieux tonton colérique et vitupérant séduit.

Parmi tous les autres candidats, un seul tint un discours semblable pour ce qui est de se revendiquer vierge de toute influence du monde de l’argent sur ses choix : Donald Trump, dont le mode de financement (sa fortune personnelle) fut toutefois bien différent de celui de Sanders.

 

2. Immigration

 

a) L’immigration hispanophone

L’immigration (et en particulier l’immigration illégale) a été LE gros coup frappé par Donald Trump pour son entrée en scène, celui qui l’a propulsé sous le feu des projecteurs et permis d’emblée de chambouler l’échiquier républicain. Choc, démesurée et irréaliste, sa promesse d’expulser les onze millions d’illégaux (principalement hispanophones et mexicains) et de bâtir un mur (financé par … le Mexique) à la frontière du pays a déclenché un tsunami de commentaires négatifs auprès des analystes et de ses adversaires. Peu importe pour le milliardaire : sa sortie a mis le sujet au centre des débats et visiblement touché une corde sensible auprès d’une partie de l’électorat, laquelle s’est reconnue dans les reproches lancés envers les clandestins (à savoir : tirer les salaires vers les bas, prendre des emplois aux Américains et faire porter un coût faramineux aux finances publiques).

Du côté de ses adversaires républicains, si tous considérèrent que le projet d’un mur financé par le Mexique était absurde, ils s’entendirent en revanche pour souligner le besoin impérieux de mieux contrôler la frontière et d’investir de manière substantielle dans sa sécurisation.

Concernant les onze millions de clandestins, si ces mêmes adversaires jugèrent leur renvoi intégral globalement impossible et inhumain, ils furent en revanche plus partagés sur le sort à leur réserver. Partisan d’une révision profonde du système d’immigration légale, Rubio fut particulièrement exposé en raison de ses travaux en 2013 au sein du Gang of Eight, ses rivaux l’accusant de promouvoir une « amnistie », un mot tabou pour beaucoup de républicains (Cruz et Trump en particulier) qui ne veulent pas en entendre parler, pas plus que d’un « path to citizenship » (« chemin vers la citoyenneté »), qu’ils assimilent à une quasi-amnistie. Proche des vues de Rubio sur ce sujet (et se voyant qualifié par Trump de « candidat le plus faible sur l’immigration »), Bush a durci sa position en cours de campagne mais est resté partisan d’un processus de régularisation minimal (« path to legal status »), tandis que Cruz s’est montré adepte d’une ligne dure et opposée au DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals, un programme protégeant d’expulsion les sans-papiers mineurs).

Côté démocrate, les points de vue ont été différents : oui il convient de renforcer les contrôles aux frontières, mais surtout, il faut mettre en place une réforme migratoire ambitieuse et humaniste, incluant un « path to citizenship » qui s’appliquera à un nombre substantiel d’illégaux. A noter que Sanders fut régulièrement mis sur le gril pour avoir voté contre une réforme migratoire en 2007, le sénateur du Vermont se défendant en expliquant que le projet de loi ouvrait la porte à un semi-esclavagisme en matière de « guest workers » (travailleurs invités) et que telle était la raison pour laquelle il s’y était opposé.

 

b) Les réfugiés et l’immigration musulmane

Ici aussi, les divergences entre démocrates et républicains ont été marquées. Le débat a surtout pris de l’ampleur avec les attentats de Paris et San Bernardino à l’automne 2015, lorsque Trump s’est lancé dans une surenchère de déclarations-chocs incluant notamment l’interdiction de l’immigration « musulmane ». Moins radicaux, les autres candidats insistèrent surtout sur la nécessité d’améliorer nettement les systèmes de « screening » des migrants, ajoutant que, tant que cela ne serait pas le cas, il convenait de marquer une pause dans l’accueil des réfugiés, syriens notamment (Kasich, Christie), voire de tous les pays où Al-Qaïda et Daech contrôlent d’importantes parts du territoire. Quant à Carson, il répéta à plusieurs reprises sa volonté de créer une grande zone d’accueil des réfugiés en Syrie même.

Attitude inverse du côté des démocrates, lesquels ne nient évidemment pas les besoins de « screening », mais refusent de stigmatiser la communauté musulmane et veulent se montrer volontaristes sur l’accueil des 65 000 réfugiés syriens prônés par l’ONU. Sans se démarquer de ses rivaux, Sanders insista également sur la nécessité pour les monarchies du Golfe de prendre leur part dans l’accueil des réfugiés.

 

3. Politique étrangère et sécurité du territoire

 

a) Interventionnisme, État islamique le Moyen Orient

Comme la question de l’accueil des réfugiés syriens, celle de l’implication des États-Unis dans la marche du monde et la gestion des conflits est redevenue brûlante avec la lutte contre Daech et les attentats de Paris et San Bernardino (puis ceux de Bruxelles, d’Orlando, de Nice, etc.). Côté républicain, le plus anti-interventionniste est sans conteste Rand Paul, lequel en appelle à un interventionnisme « réfléchi », déclarant que « l’intervention nous met parfois moins en sécurité », « qu’il ne faut pas armer nos ennemis », et que, « si on avait bombardé Assad, Daech serait aujourd’hui au pouvoir ». Sans être sur une ligne aussi forte, Carson et Trump ont été dans une direction similaire, le milliardaire critiquant ainsi la décision d’attaquer l’Irak en 2003, puis évoquant la possibilité pour les États-Unis de se retirer de pays où ils sont présents, comme la Corée du Sud, le Japon, l’Arabie saoudite, voire l’OTAN, si les partenaires concernés ne contribuent pas davantage à l’effort financier. De manière controversée, Trump laissa aussi entendre que des accommodements avec Poutine et la Russie étaient possibles sur bien des questions (reconnaissance de l’annexion de la Crimée, collaboration contre Daech …).

D’autres candidats ont en revanche campé sur des positions interventionnistes faucons, Fiorina et Christie notamment qui, à un moment, semblèrent prêt à en découdre avec le monde entier, Daech, Chine, Russie, etc. Autre adepte d’une ligne dure et volontariste : Marco Rubio (« Poutine est un gangster, il ne comprend que la force »). De son côté, Ted Cruz s’est montré sélectif et a prôné la prudence en ce qui concerne le renversement de dictatures (telle celle de Bachar el-Assad), déclarant qu’il fallait tirer les leçons de ce qui s’était passé en Iraq, en Libye et en Égypte (« the unintended consequences of regime change ») et se focaliser sur les intérêts américains, pas sur des aspirations globales ». Il s’est en revanche montré déterminé à intervenir brutalement contre l’État islamique, déclarant qu’il fallait « écraser Raqqa sous un tapis de bombes ».

Concernant Daech et la Syrie justement, les positions de Trump ont varié, considérant d’abord qu’il fallait laisser les protagonistes se battre entre eux, puis (après Paris et San Bernardino) parlant de la nécessité de bombarder les installations pétrolières des terroristes (ce qui est déjà fait), enfin évoquant la possibilité d’envoyer des troupes sur place, avant de se rétracter et d’évoquer une grande coalition internationale (qui existe déjà). De son côté, Kasich a préconisé l’envoi limité de troupes au sol en Syrie mais aussi insisté sur la nécessité de gagner la bataille des idées.

Côté démocrate, le passé de Clinton est clairement interventionniste (son vote en faveur de la guerre en Iraq en 2003, sa volonté d’intervenir en Libye lorsqu’elle était Secrétaire d’État …) et elle est souvent critiquée pour son côté « va-t-en-guerre ». Concernant l’État islamique, elle défend la stratégie adoptée par Obama (« lead from behind », c’est-à-dire aider et guider les pays qui luttent contre Daech, mais ne pas s’impliquer dans les combats), mais se déclare aussi partisane d’intensifier les campagnes aériennes de bombardements et de déployer davantage de troupes spéciales au sol (mais pas de troupes régulières, non, non, surtout pas). A propos de la Syrie, elle défend l’idée d’une « no-fly zone » dans le nord du pays pour empêcher les avions de Bachar el-Assad de bombarder les populations civiles fuyant à la fois Daech et le régime.

Beaucoup moins interventionniste s’est montré Sanders. Celui-ci (qui avait voté contre la guerre du Golfe et la guerre en Iraq, mais en faveur des interventions au Kosovo et en Afghanistan) a qualifié la guerre en Iraq de pire décision de l’histoire américaine. Il a aussi déclaré qu’il fallait agir quand les alliés des États-Unis sont menacés, mais pas par une action unilatérale, insistant en revanche sur le besoin pour les pays musulmans du Moyen Orient de se coaliser contre Daech et de déployer eux-mêmes des troupes. Il a également déclaré qu’il convenait d’être prudent avec les changements de régime imposés ou favorisés de l’extérieur, dont les conséquences pouvaient parfois être inattendues.

 

b) Autres thèmes régulièrement abordés

  • L’accord nucléaire avec l’Iran : salué par les démocrates, vilipendés par les républicains, qui ont quasiment tous promis de le dénoncer s’ils remportent la présidentielle.
  • Les relations avec Israël, que les républicains jugent unanimement mises à mal par Obama et qu’ils veulent renforcer. Plusieurs d’entre eux (Cruz, …) ont également déclaré vouloir installer l’ambassade américaine à Jérusalem (elle se trouve actuellement à Tel-Aviv). Côté démocrate, Sanders s’est montré très critique vis-à-vis des actions qu’il juge disproportionnées de la part de l’État hébreu envers les Palestiniens, qu’il appelle à traiter avec respect et dignité.
  • La Chine, dont la question de ses visées expansionnistes en Mer de Chine, les accusations de cyberattaques dont elle fait l’objet de la part des États-Unis, et son dumping commercial (cf. infra).
  • Sûreté nationale : après les attentats de Paris et San Bernardino, Trump s’est déclaré favorable au waterboarding et au ciblage des familles de terroristes. Également lié à ce sujet : la surveillance exercée par la NSA (faut-il accroître les moyens dont elle dispose et faciliter le cadre légal pour qu’elle puisse collecter davantage de données concernant les citoyens ?) et le contrôle de l’immigration (en particulier musulmane et des réfugiés, cf. supra).

 

4. Économie

 

a) L’état du pays et libre-échange vs. protectionnisme

Ici aussi les points de vue diffèrent radicalement selon le camp considéré, les démocrates saluant le travail accompli par Obama et l’état dans lequel il va laisser le pays (même si Sanders souligna à plusieurs reprises que l’actuel président aurait dû aller plus loin sur plusieurs sujets, notamment en matière de couverture sociale), tandis que les républicains décrivent une nation en déliquescence totale. Ce fut particulièrement le cas de Donald Trump, qui en fit le leitmotiv de sa campagne en affirmant à l’envi l’échec du pays (« We don’t win anymore » ; « Other countries do not respect us anymore », etc.) et qu’il allait être l’homme qui le sortira de l’ornière où il s’est enfoncé (« Make America Great Again »).

En ressortit l’autre grand thème (avec l’immigration) de la campagne de Trump : le retour au protectionnisme. Protéger les emplois américains des délocalisations en renégociant les traités de libre-échange (le NAFTA, le TPP) ; imposer des barrières tarifaires (entre autres vis-à-vis de la Chine) ; ne pas hésiter à déclencher des guerres commerciales si nécessaire ; imposer des taxes supplémentaires sur les produits de sociétés américaines fabriqués à l’étranger ; etc.

Du côté de l’establishment républicain, partisan d’un libéralisme économique poussé, ce fut sidération et incapacité à s’adapter à ce discours, tellement incongru au sein du GOP mais particulièrement porteur auprès de l’électorat blanc des régions en déclin industriel, cet électorat s’estimant victime oubliée de la mondialisation et contribuant pour beaucoup au succès de Trump dans les primaires.

Côté démocrate, la question des traités de libre-échange et de la protection des emplois a également occupé une part importante des débats, principalement du fait de Bernie Sanders, qui a en fait un de ses chevaux de bataille et a contraint Clinton à prendre des positions qu’elle n’entendait sans doute pas devoir adopter en début de campagne (par exemple vis-à-vis du TPP ardemment voulu par Obama mais avec lequel elle a fini par prendre ses distances et annoncé qu’elle ne le défendrait pas).

 

b) Croissance

Ici aussi Trump se démarque de ses rivaux républicains non seulement en réclamant des barrières douanières (cf. supra) mais aussi en défendant une politique de grands travaux visant à investir massivement dans les infrastructures du pays (aéroports, routes, trains à grande vitesse …), qu’il estime être dans un état de décrépitude avancé.

Plus en harmonie avec la doxa républicaine sont ses positions en matière de baisse d’impôts, quoique pas aussi radicales que celles de Cruz ou Fiorina, qui veulent carrément supprimer l’IRS et instaurer un « flat-rate tax » (un taux unique d’imposition pour tout le monde quelles que soient les revenus) de l’ordre de 15% (Carson est également en faveur d’un tel système).

Autre proposition classique des républicains : abaisser au maximum les contraintes en matière de régulation et dégraisser pareillement le gouvernement fédéral, chaque candidat (ou presque) y allant de sa liste d’agences à supprimer absolument. Également dans leur ligne de mire : les dépenses en soins de santé et le système de sécurité social développé par Obama (Obamacare), que quasi tous vomissent, accusent de pénaliser l’embauche et veulent démanteler en cas d’arrivée à la Maison Blanche.

Côté démocrate, les investissements en matière de transitions énergétique (cf. infra) sont perçus comme générateurs de millions d’emplois. Clinton s’est également prononcée en faveurs de taxes de pénalités pour les sociétés qui délocalisent leur production hors des États-Unis. Quant à Sanders, il est partisan de programmes d’investissements massifs tant pour les infrastructures que pour la transition énergétique et les soins santé. Pour les financer, il prévoit d’augmenter les impôts touchant les gains du capital et le Top 1% des citoyens les plus riches.

 

c) Salaire minimum

Ce sujet fut particulièrement débattu côté démocrate, avec un Sanders voulant porter le salaire minimum à $15 de l’heure (il est actuellement de $7,25/h, mais divers États l’ont déjà porté à un niveau plus élevé). D’abord rétive à une telle hausse (elle privilégiait $12/heure), Clinton a fini par s’aligner sur son rival.

Côté républicain, l’opposition à un relèvement du salaire horaire minimum fut quasi générale, exception faite de Carson, qui désirait le promouvoir pour les jeunes, et de Trump, dont les positions ont fluctué (fin juillet 2016 il a ainsi évoqué un salaire horaire minimum de $10/h).

 

d) Politique énergétique et défi climatique

Sanders considère le réchauffement climatique comme un danger majeure pour la sécurité nationale et veut un système énergétique le plus vite possible émancipé des énergies fossiles. Clinton reconnaît également l’urgence de la menace et prône une politique volontariste en la matière, avec comme objectif une diminution de 80% des émissions de carbone d’ici à 2050.

Côté républicain, Trump rejette le consensus scientifique sur le changement climatique, entend continuer le développement des énergies fossiles et revoir les lois en matière de protection de l’environnement promulguées sous les mandats Obama. Cruz et Carson ont également dénié le réchauffement climatique, tandis que Rubio estime que les activités humaines n’ont qu’un impact marginal sur celui-ci, tout comme Bush. Comme souvent un peu à part, Kasich a reconnu le problème, même s’il a grandement bénéficié de la fracturation hydraulique en Ohio et défend Keystone XL.

 

e) Wall Street et les banques

Le sujet fut particulièrement épineux chez les démocrates, avec Sanders tirant à boulets rouges sur les relations entretenues par Clinton avec les mondes des affaires. Le sénateur du Vermont est également un farouche partisan du rétablissement d’un Glass-Steagall Act, et, à propos des banques « too big too fail », répéta à l’envi : « Break them up ! », estimant que les leçons de la crise de 2008 n’ont pas été suffisamment retenues.

De son côté, Clinton (qui s’est défendue tant bien que mal d’être influencée par Wall Street) ne veut pas d’un retour du Glass-Steagall Act et privilégie un renforcement du Dodd-Frank Act. Elle a aussi déclaré que l’approche de la régulation de Wall Street par Sanders était partielle, alors que son plan à elle, affirme-t-elle, prend en compte l’ensemble du risque systémique du secteur bancaire.

De leur côté, les candidats républicains veulent moins de régulation et donc démanteler le Dodd-Frank Act, Trump déclarant à propos de celui-ci qu’il était « une force négative ».

 

5. Questions sociales

 

a) Avortement

Clinton et Sanders sont résolument pro-choice (en faveur du droit à l’avortement). Trump, lui, a fortement varié sur ce sujet : pro-choice en 1999, il a déclaré pendant les primaires avoir changé d’avis et être désormais farouchement pro-life (anti-avortement). Il déclencha un tollé en déclarant que, si l’avortement devenait illégal, les femmes qui le pratiquaient devraient encourir une sanction, avant de se rétracter pour ne plus vouloir sanctionner que les médecins. Il admet toutefois que l’avortement puisse être pratiqué en cas de viol, inceste ou danger pour la mère. Bush est sur une ligne semblable, mais pas Rubio (pas d’avortement autorisé en cas de viol ou inceste) ni Cruz (avortement seulement en cas de danger pour la mère). Quant à Carson, il a comparé les femmes recourant à l’avortement à des propriétaires d’esclaves.

Dans la ligne de mire des républicains : le planning familial (Planned Parenthood), qu’ils veulent démanteler, totalement ou partiellement. Autre sujet de controverse : la nomination des juges à la Cour suprême. Le décès de « Justice » Scalia en janvier 2016 (un juge conservateur) a permis à Obama de présenter remplaçant plus progressiste en matières sociales, ce qui révulse les républicains, lesquels craignent que la Cour suprême ne rende désormais régulièrement des jugements contraires à leurs idées, notamment donc en matière d’avortement.

 

b) Sécurité sociale – Obamacare

Pour les républicains, l’Obamacare est une catastrophe à laquelle il faut mettre un terme le plus rapidement possible, Trump voulant le remplacer par un système privatisé. Les démocrates divergent évidemment du point de vue de leurs ennemis héréditaires, sans être pour autant unanimes. Ainsi Clinton vante-t-elle l’Obamacare et veut continuer à bâtir sur ce qu’Obama a déjà construit, tandis que Sanders estime que l’actuel président n’a pas été assez loin et qu’il faut viser une couverture sociale vraiment universelle.

 

c) Le droit au port d’armes

Ce sujet a constitué un gros point de discussions chez les démocrates, Clinton reprochant à Sanders des positions passées qu’elle juge avoir été en faveur de la NRA. Son objectif est de renforcer les contrôles d’attribution des permis de port d’armes, et elle veut rendre responsable les fabricants d’armes et les vendeurs en cas de tueries. Élu d’un État où les lois sur le contrôle des armes sont peu nombreuses, Sanders n’en défend pas moins une approche plus restrictive au niveau fédéral, sans toutefois aller aussi loin que sa rivale.

Côté républicain, l’opposition à des limitations au droit au port d’armes est très forte, et Trump a accusé Clinton de vouloir « abolir le Deuxième Amendement ».

 

d) Mariage gay

Clinton a évolué au fil des années sur ce sujet, défendant d’abord l’égalité des unions civiles mais sans mariage, avant de se déclarer totalement en faveur du droit au mariage pour tous. Sanders a très tôt milité en faveur des mouvements LGBT et refusa de voter le Defense of Marriage Act de 1996 qui définissait le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme. Le Vermont a été le premier État à autoriser les unions civiles pour couple du même sexe (2000) et aussi le premier à faire pareil pour les mariages (2009). Sanders a déclaré en 2015 que tous les citoyens américains méritaient les mêmes droits et que la Cour suprême devait légaliser le mariage gay (ce qui fut fait le 26 juin 2015).

Côté républicain, Trump est plutôt contre, Cruz est franchement contre (y compris pour ce qui est des unions civiles). Idem pour Rubio, Bush, Carson, qui défendent la vision traditionnelle d’un mariage entre un homme et une femme.

 

e) Marijuana

Clinton défend une approche prudente en matière de légalisation de la marijuana pour des besoins médicaux, plutôt partisane mais demandant à ce que davantage de recherches soient effectuées. Elle s’est déclarée favorable aux États autorisant la marijuana à de telles fins, pour autant qu’ils respectent certaines priorités fédérales, tel que ne pas en vendre aux mineurs. Elle préconise également que les enquêtes policières se concentrent sur la criminalité violente et pas sur la simple possession de cannabis. De son côté, Sanders soutient la décriminalisation, voire la légalisation, du cannabis.

Comme sur beaucoup d’autres sujets, Trump a varié concernant la légalisation des drogues, s’opposant désormais à celle de la marijuana (sauf pour usage médical) mais estimant que c’est à chaque État de décider s’il voulait autoriser son utilisation dans un but récréatif. Cruz et Bush sont sur une ligne semblable, Carson et Kasich y sont plus rétifs (sauf pour usage médical).

 

f) Éducation

Trump, Cruz, Rubio, Carson sont opposés au Common Core State Standards, au contraire de Bush et Kasich. A noter que Carson et Rubio défendent l’enseignement du créationnisme.

Côté démocrate, les débats ont surtout porté sur l’endettement étudiant. Sanders en a fait un de ses chevaux de bataille et réclame la gratuité pour les universités publiques, tandis que Clinton, tout en reconnaissant l’ampleur du problème, ne souhaite pas aller si loin.

 

g) Problèmes raciaux et système judiciaire

Les questions raciales demeurent un sujet explosif aux États-Unis, comme le montre le regain de tension lié aux morts régulières de citoyens afro-américains suite à des interventions policière controversées. Pendant la campagne, Hillary Clinton a ainsi parlé d’un « racisme systémique au sein du système de justice criminelle » et rencontré les activistes du mouvement Black Lives Matter pour discuter de cette problématique qui lui tient à coeur. Quant à Bernie Sanders, il milite depuis les années 60 en faveur des droits civiques (une photo le montre être évacué sans ménagement par la police lors d’une manifestation en 1962) et insiste sur le besoin de réformer un système judiciaire qui criminalise tant les fumeurs de marijuana (dont nombre consommateurs, pour diverses raisons, se retrouvent parmi les jeunes noirs) mais pas les grands fraudeurs de Wall Street.

Du côté républicain, Chris Christie s’est affiché en champion des forces de l’ordre, regrettant qu’Obama ne soutiennent pas suffisamment les policiers dans leur tâche, puis en accusant le président de donner le bénéfice du doute aux criminels et pas à la police. Trump quant à lui s’est montré critique vis-à-vis du mouvement Black Lives Matter et a accusé le président Obama de « diviser l’Amérique », mais a aussi reconnu qu’il y avait un problème de différence de traitements entre les noirs et les blancs. Son discours d’intronisation à Cleveland n’en fit pas moins la part à belle à son intention de rétablir l’ordre sécuritaire (« to be a country of law and order »).

 

 

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