Sauf mention contraire, tous les chiffres repris dans cet article proviennent du site realclearpolitics.com, en particulier de la section spécialement consacrée aux sondages de la présidentielle.

Au cours des deux dernières semaines, l’écart entre Clinton et Trump s’est resserré au niveau des sondages. C’est vrai au niveau national, et ça l’est aussi là où cela importe le plus : dans les prévisions au niveau des grands électeurs. L’avantage reste à Clinton, mais Trump, qui était donné irrémédiablement perdu dans les sondages suivant le troisième débat, est remis en selle et possède une chance, ténue certes, voire très ténue, de l’emporter, ce qui serait une véritable surprise.

 

1. Vote populaire  

D’abord, un rappel : les sondages effectués au niveau national ont une valeur avant tout indicative, le vainqueur du scrutin étant déterminé non pas sur cette base, mais sur celle des grands électeurs, lesquels sont alloués suivant le résultat du vote populaire … par État. Cet indicateur n’en reste as moins intéressant à suivre pour la tendance qu’il décrit.

Dès avant le rebondissement dans l’affaire des emails, les courbes indiquaient une reprise (modérée, mais réelle) des intentions de vote nationales pour Donald Trump, Clinton restant stable tandis que Gary Johnson perd des plumes. Signe d’un effet « vote utile » en faveur du candidat républicain ?

Après le rebondissement dans l’affaire des emails, l’écart moyen entre Trump et Clinton s’est encore davantage resserré, deux sondages (ABC/Washington Post et IBD/TIPP) donnant même le républicain en tête pour 1%, la toute grande majorité des analyses restant toutefois à l’avantage de la candidate démocrate, quoique avec une avance située dans la marge d’erreur.

 

2. Grands Électeurs

 

270. Tel est le nombre magique de grands électeurs à décrocher pour en obtenir la majorité absolue et être élu président. Comme le montre le graphe ci-dessous, l’étude des sondages au 22 octobre 2016 en donnait 262 vraisemblablement promis (avec des nuances) à Clinton. Deux semaines plus tard, ce nombre est retombé à 216, un nombre important de grands électeurs « possibles » ayant basculé dans la catégorie « Indécis » (cf. infra). Pour la démocrate, le chemin vers la victoire s’est donc resserré, mais reste praticable. 

Du côté de Trump, le nombre de grands électeurs considérés comme vraisemblablement promis par les sondages est resté exactement le même (164), à une différence majeure près : il s’est consolidé, une grande fraction des électeurs « possible » du 22 octobre étant désormais classés comme « probables ».

 

Les États indécis

Si la logique des États vraisemblablement promis aux candidats est respectée, il reste à Clinton 54 grands électeurs à décrocher dans les États indécis, ce nombre s’élevant à 106 pour Trump (158 y sont en jeu).

 

a) Les plus gros

Floride (29 grands électeurs), Pennsylvanie (20), Ohio (18), Michigan (16), Géorgie (16) et Caroline du Nord (15) seront les plus observés.

Pennsylvanie, Michigan et Ohio sont des États de la Rust Belt sur laquelle Trump a misé gros. L’Ohio semble gagnable pour lui (il y est donné depuis longtemps en tête ou au pire au coude-à-coude), le Michigan moins, Clinton y ayant tout le temps fait la course en tête, même si son avantage s’érode (rappel : lors des primaires démocrates, le Michigan était pronostiqué pour Clinton, mais, à la surprise générale, c’est Sanders qui s’y est imposé).

Reste la Pennsylvanie. Ici aussi, Clinton était donnée largement favorite, mais une sensation n’est plus à exclure.

Dans le Sud, la Floride et la Caroline du Nord sont clefs pour Donald Trump : les gagner ne lui suffira pas, mais les perdre (surtout la Floride) le tuera à coup sûr. Pour l’heure, l’indécision est totale : Clinton avait un léger avantage avant la nouvelle révélation sur ses emails, mais les cartes ont depuis été partiellement redistribuées et c’est la bouteille à encre qui prévaut. La Géorgie en revanche devrait aller à Trump.

En bref, la pression est sur Trump : il DOIT faire un carton plein en Floride et en Ohio (47 grands électeurs en tout), a un TRÈS grand besoin de la Caroline du Nord (15 de mieux, soit 62), et tout intérêt à ravir au moins la Pennsylvanie ou le Michigan, où il n’est pas favori (20 ou 16 de mieux). Ce scénario idéal – auquel s’ajouterait la Géorgie (16) – permettrait au milliardaire de grappiller entre 78 grands électeurs de plus (sans la Pennsylvanie ou le Michigan) et 94-98 (selon qu’il gagne la Pennsylvanie ou le Michigan) sur les 106 qui lui manquent. S’il perd la Floride (surtout) ou l’Ohio ou la Caroline du Nord, la seule manière pour lui de compenser est 1°) de gagner la Pennsylvanie ET le Michigan), et 2°) simultanément de faire un quasi-carton plein dans les petits États (cf. infra). Sa route vers la victoire est réelle, mais très, très étroite, il n’a pratiquement aucun droit à l’erreur, au contraire de Clinton, pour qui le gain de la Floride sonnerait comme une consécration. Et si elle protège Pennsylvanie et Michigan, elle aura fait une grande partie du chemin vers les grands électeurs qui lui manquent (36 sur 54), mais devra assurer dans au moins un autre grand État.

 

b) Les autres

Quatre États de l’Ouest sont concernés : Arizona (11 grands électeurs), Colorado (9), Nevada (6) et Nouveau-Mexique (5).

Colorado et Nouveau-Mexique sont légèrement à l’avantage de Clinton. Dans les deux cas, le libertarien Gary Johnson pèse clairement sur les chances de succès de Trump (surtout au Nouveau-Mexique). Y aura-t-il un sursaut du vote utile côté républicain ? Le nombre de grands électeurs en jeu n’y est certes pas élevé, mais Trump ne peut s’en permettre d’en perdre aucun tant sa marge de manœuvre est étroite. Un temps menacés pour le républicain, l’Arizona et le Nevada semblent en revanche devoir tomber dans son escarcelle.

Restent enfin le Maine (2+1), le New Hampshire (4) et l’Iowa (6). Le second est particulièrement disputé : d’abord donné comme promis à Clinton, le New Hampshire est au fil du temps devenu de plus en plus incertain et pourrait s’aérer être un État-clef … pour autant que Trump ait réussi ses paris parmi les gros pourvoyeurs de grands électeurs.

 

c) Bonus-surprise

Il ne fait pas partie des États indécis pointés par realclearpolitics.com, mais l’Utah a démontré ces derniers jours un potentiel certain pour être l’État-surprise de l’élection. En cause : le candidat républicain dissident Evan McMullin, que soutient Mitt Romney, très influent dans la communauté mormone, au point de rendre plausible l’hypothèse d’un succès de McMullin. Un tel scénario paraît peu vraisemblable, mais reste possible, ce qui handicaperait un peu plus Donald Trump, lequel ne peut se permettre de rien gaspiller en cours de route.

 

L’avis de l’expert

Le grand spécialiste des prévisions électorales Nate Silver (cf. son site fivethirthyeight.com) donne pour l’heure 64,4% de chances à Hillary Clinton de gagner l’élection, contre 35,6% à Trump.

Pour son analyse complète (et notamment son « serpent », un moyen visuel très bien fait pour comprendre les Etats les plus importants pour les candidats), voir ici.

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