29 janvier 2017 – Si son premier tour s’est déroulé dans la confusion et la suspicion concernant le niveau de participation, la primaire de gauche n’en a pas moins livré un verdict clair, mais aussi surprise, avec la victoire nette de Benoît Hamon.

Articles récents

Benoit Hamon en 2012La campagne agressive menée par Manuel Valls pendant l’entre-deux-tours n’y aura rien fait : Benoît Hamon gagne haut la main la primaire de la gauche.

L’ex-Premier Ministre n’a pourtant pas ménagé sa peine pour tenter de renverser la vapeur, appelant dès le soir du premier tour les électeurs à faire le choix entre « la défaite assurée [à la présidentielle] et la victoire possible », et entre « les promesses irréalisables et infinançables [c.-à-d. le revenu universel], et une gauche crédible qui assume les responsabilités du pays ».

Ces attaques sur l’irréalisme supposé du programme de Benoît Hamon se sont doublées en cours de semaines d’accusations de « flirt avec l’islamisme radical », puis « d’ambiguïté avec le communautarisme », Valls continuant de se présenter comme le champion de la laïcité et dénonçant au mieux un risque d’inconscience sur le sujet de la part de son rival (dont le fief électoral est Trappes), voire « d’accommodements », un ministre allant même jusqu’à déclarer sous couvert d’anonymat dans Libération que « Hamon est le candidat des Frères musulmans ».

Ces assauts n’ont toutefois en rien porté leurs fruits : si la participation a été sensiblement plus élevée qu’une semaine auparavant (2 millions de votants, avérés cette fois, contre 1,6 millions le dimanche précédent), elle n’a pas modifié les rapports de force, amplifiant au contraire la victoire annoncée de Benoît Hamon. La volonté d’un parti socialiste ancré davantage à gauche et porteur de projets ambitieux (ou utopiste selon leurs détracteurs) a été nettement plébiscitée au détriment d’un PS gestionnaire et de tendance centriste.


Désormais investi candidat de la gauche socialiste et de ses alliés PRG et UDE, Benoît Hamon va devoir relever le défi d’unifier le parti. Mission : impossible ? La plupart des caciques du PS font ostensiblement la moue à l’idée de devoir soutenir Hamon, les divergences de programmes entre vallsistes et hamonistes paraissent difficilement réconciliables, et plusieurs élus annoncent leur intention de rallier Macron. Un exode plus ou moins massif au sein du parti se prépare-t-il ? Un sabotage de la campagne du vainqueur ? Quid des électeurs de Valls ? Et de toute manière, la question ne se serait-elle  pas posée dans l’autre sens si l’ex-Premier Ministre avait gagné, avec Mélenchon dans le rôle de Macron ?

De l’avis général en tout cas, le verdict de la primaire est tout bénéfice pour ce dernier, qui voit disparaître un concurrent qui aurait empiété sur son territoire. A contrario, c’est la soupe à la grimace qui prévaut chez le leader de La France insoumise. Plus que jamais la question d’une alliance des forces de gauche (Hamon, Mélenchon et l’écologiste Jadot) va se retrouver sur la table afin d’éviter un éparpillement des votes fatal pour le second tour, aucun de ces candidats n’étant pour l’heure en mesure d’espérer y accéder. Pourront-ils s’entendre ? Le voudront-ils ? Et si oui, autour de qui le ralliement s’effectuera-t-il ? La réponse à ces questions sera l’un des enjeux des deux prochains mois.

Si les derniers sondages montraient un tassement de Manuel Valls et une montée en puissance de Benoît Hamon, aucun ne prévoyait que ce dernier virerait en tête au terme du premier tour, et, a fortiori, encore moins de manière nette.

C’est pourtant bel et bien ce qui s’est produit, Benoît Hamon décrochant 36% des suffrages et 4,5 points d’avance sur Manuel Valls, dont les chances de succès final se sont quasi envolées. En effet, sitôt les résultats connus, Arnaud Montebourg (troisième, avec un décevant 17,5%) a annoncé son ralliement au vainqueur du jour. Un ralliement attendu (à l’exception – notable – du revenu universel, les deux hommes sur une ligne idéologique proche, beaucoup plus en tout cas que celle prônée par Valls) mais qui demandait à être confirmé, ce que le score d’Hamon permet sans problème (en 2011, afin d’assurer une légitimité forte au vainqueur prévisible de la primaire, Montebourg avait rallié Hollande arrivé en tête du premier tour plutôt que Aubry, pourtant plus proche de ses vues mais deuxième ; la forte opposition à Valls et à son programme rendait toutefois un tel scénario peu probable cette année). Dès lors, à moins d’une mobilisation énorme en sa faveur de la part d’électeurs n’ayant pas voté au premier tour, et donc d’une participation beaucoup plus forte que celle observée aujourd’hui, Manuel Valls a course perdue.

La participation, justement, voilà – à son corps défendant – l’autre « star » de la soirée. L’inquiétude régnait en effet au sein de l’état-major PS concernant le nombre de votants, la crainte étant d’en attirer moins de 1,5 millions et de faire ainsi très pâle figure en comparaison avec les 4,3 millions d’électeurs rassemblés par la droite.

Les premières estimations communiquées se veulent encourageantes : « entre 1,5 et 2 millions de participants, sans doute plus proche des 2 millions », dixit Thomas Clay, le président de la Haute Autorité chargé de superviser le déroulement de la primaire. Mais à mesure que les bureaux de vote envoient leurs résultats, des incohérences apparaissent. Ainsi, relèvent divers observateurs, si le nombre total de suffrages augmente logiquement, les pourcentages entre candidats demeurent absolument identiques !

Au milieu de la nuit, la haute autorité en charge de la supervision du vote cesse de communiquer sur le sujet. Puis, un « bug » est évoqué et la confusion se met à régner. La confusion, mais aussi la suspicion : le PS a-t-il voulu magouiller et artificiellement gonfler les chiffres de la participation ? Les remarques ironiques se mettent à voler, les tentatives d’explications ne convainquent pas, et l’image renvoyée par le parti est désastreuse.

Addendum : finalement, tout compte fait, les résultats définitifs sont publiés le mercredi 25 janvier (trois jours après le scrutin …). Si les scores des candidats sont confirmés, la participation s’élève finalement à 1,6 millions de votants, loin des deux millions un temps entrevu, loin du nombre d’électeurs rassemblés par la droite (4,3 millions) et loin des 2,6 millions de participants à la primaire de gauche de 2011.

 

Les autres candidats

Déception chez Vincent Peillon : il croyait mordicus faire mentir les sondages et être capable de se hisser au second tour, il en est pour ses frais, avec seulement 6,9% des suffrages. Lorsque, au cours de la soirée, il prend la parole, c’est d’abord pour regretter une participation qu’il juge moyenne, puis pour ne donner aucune recommandation de vote envers l’un ou l’autre des deux finalistes.

Avec 3,8%, François de Rugy réalise un score honorable pour lui, dans la fourchette haute de ce que les sondages lui prédisaient.

En ce qui concerne Sylvia Pinel, la tendance est inverse à celle de de Rugy, avec un petit 2%. Dès les premières estimations connues, elle annonce son ralliement à Manuel Valls.

Quant à Jean-Luc Bennhamias, il finit au niveau attendu (1%) mais est devancé par … les votes blancs et nuls (1,3%) ! (Addendum : il annonce mercredi 25 janvier se rallier à Manuel Valls)

Ils sont sept à se présenter à la primaire de gauche, dite « primaire citoyenne » et qualifiée pompeusement de « Belle Alliance populaire ». L’accord pour organiser cette primaire qui n’allait pas de soi a lieu en juin de 2016 et implique le PS et l’Union des démocrates et des écologistes (UDE, qui coalise le Parti écologiste de François de Rugy et le Front démocrate de Jean-Luc Bennhamias). S’y ajoute par la suite le Parti radical de gauche (PRG) mais pas le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, ce dernier refusant catégoriquement de participer à une primaire dont il ne « respecterait pas le résultat » si François Hollande la gagnait.

François Hollande, justement. Sa présidence aurait dû rendre automatiquement caduque toute idée de primaire à gauche. Il n’en a rien été. Au contraire, son impopularité a atteint de telles proportions qu’il lui est devenu impossible de ne pas se soumettre à cette épreuve humiliante pour lui et que, le temps passant, il avait en outre de moins en moins l’assurance de remporter. Devant son incapacité à rassembler, le Président en exercice finit par en tirer les conséquences et renonce à se présenter (cf.1er décembre 2016 – Où Hollande ne se représente pas).

Autre absent de marque : Emmanuel Macron. L’ex-ministre de l’économie de François Hollande a lancé son propre mouvement (« En Marche ! », dont les initiales sont aussi celles de son nom) et joue sa carte personnelle sans passer par la case primaire. Les appels du secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis pour le faire changer d’avis n’y changent rien.

Au bout du compte, ils sont donc sept à participer à une campagne très courte (moins d’un mois, celui de janvier 2017), la décision de François Hollande de ne pas annoncer sa décision avant décembre retardant de facto l’organisation et la tenue de la primaire. Globalement, l’ambiance est maussade : les perspectives de victoire en mai sont faibles et les sondages placent le candidat socialiste quel qu’il soit au mieux quatrième du premier tour.

 

Les candidats

Manuel VallsManuel Valls (54 ans) : suite au tollé suscité par le livre Un Président ne devrait pas dire ça … (cf.1er décembre 2016 – Où Hollande ne se représente pas), l’ex-Premier Ministre Manuel Valls (il a démissionné au moment de l’annonce de sa candidature) a mis la pression sur François Hollande pour qu’il ne se représente pas et le laisse jouer sa carte. Objectif rempli, mais la partie suivante s’annonce difficile pour celui qui avait récolté 5% des suffrages à la primaire de 2011. Représentant l’aile droite du parti, Manuel Valls a de tout temps été critiqué au sein de la famille socialiste, qui le perçoit comme trop sécuritaire et trop libéral sur le plan économique. Son séjour à Matignon a avivé ce feu nourri, notamment en raison de la politique d’offre que son gouvernement a menée, ainsi que pour l’usage de l’article 49.3 de la Constitution auquel il a recouru afin de faire passer en force la très controversée loi Travail de Myriam El Khomri. Cerise sur le gâteau : ces mesures décriées n’ont pas abouti à des résultats probants sur le plan socio-économique, de sorte que Valls doit défendre un bilan au mieux moyen, au pire médiocre suivant les appréciations. Cet exercice n’est pas toujours facile, comme en témoigne sa gestion du cas 49.3, qu’il déclare d’abord vouloir … abroger, avant de se rétracter et de défendre l’usage qu’il en a fait.

De son côté, Manuel Valls met en avant son sens des responsabilités, son expérience, sa capacité à gouverner, ainsi que sa fermeté à défendre coûte que coûte la laïcité et à lutter contre le terrorisme. Il bénéficie en outre du soutien des officiels du parti et fait figure de favori. Il devra toutefois prendre garde à la constitution d’un front Tout sauf Valls qui pourrait bien se faire jour parmi ses adversaires les plus menaçants, dont Montebourg et Hamon.

 

Arnaud MontebourgArnaud Montebourg (54 ans) : troisième homme de la primaire de 2011 où il avait réussi un bon 17%, Montebourg symbolise la fronde du parti vis-à-vis du quinquennat de Hollande, à qui il reproche le reniement de ses promesses électorales et le tournant de la politique d’offre en 2014. Membre en tant que ministre de l’Économie du gouvernement Ayrault puis de celui Valls, il doit quitter son poste suite à une provocation de trop vis-à-vis du Président et du Premier Ministre (août 2014).

Doté d’un style haut-en-couleurs et flamboyant, Montebourg est un tribun qui harangue les foules. Particulièrement critique par rapport à la mondialisation, il défend un Etat davantage interventionniste et protectionniste, et s’est fait le chantre du « Made in France ». Il est également partisan d’une refonte constitutionnelle et appelle de ses vœux à une VIe République.

Alors qu’il était donné comme pouvant potentiellement battre François Hollande, il doit maintenant affronter Manuel Valls. Le premier défi qu’il doit toutefois relever est celui de devancer Benoît Hamon au premier tour, ce dernier, également situé sur la gauche du parti, montant en puissance et luttant avec lui pour décrocher le deuxième ticket qualificatif pour la finale de la primaire.

 

Benoit Hamon en 2012Benoît Hamon (49 ans) : membre des gouvernements Ayrault et Valls notamment en tant que ministre de l’Éducation nationale, Benoît Hamon est contraint de quitter ses fonctions en même temps qu’Arnaud Montebourg pour avoir un peu trop emboîté le pas à ce dernier dans ses critiques envers le projet économique du Président et du Premier Ministre.

Positionné comme Montebourg à gauche de l’échiquier socialiste, Benoît Hamon entend jouer sa carte lors de cette primaire (avec, entend-on, comme réel objectif de se positionner pour devenir premier secrétaire du parti et ainsi en prendre la direction). Principale élément de différenciation en ce qui le concerne : la promotion d’un revenu universel. Ce sujet est devenu sa carte de visite et il le défend avec ardeur, quoique aussi avec un certain flou, les contours précis de son application étant mouvants et devant encore être travaillés, notamment pour ce qui concerne la question de son financement, que ses adversaires dénoncent comme irréaliste.

Quoi qu’il en soit, cette proposition lui permet en tout cas de se démarquer nettement de tous ses rivaux et d’attirer une attention qui dope sa campagne et lui permet de rêver à une qualification au second tour, une perspective qui semblait bien improbable voici quelques mois.

Autres éléments de différenciation à mentionner (surtout par rapport à Valls) : la légalisation du cannabis ; l’accélération de la transition écologique, considérée comme un défi immédiat ; la mise en place d’une VIe République (comme Montebourg).

 

Vincent Peillon (56 ans) : soutenu par la maire de Paris Anne Hidalgo, le député européen Vincent Peillon se lance tardivement (le 11 décembre) dans la bataille après l’annonce de non-candidature de François Hollande, dont il estimait qu’il devait défendre son bilan. Se démarquant de Valls, il entend abroger la loi Travail (comme Hamon et Montebourg) et reproche à l’ex-Premier Ministre sa gestion des réfugiés, la France n’ayant selon Peillon pas fait suffisamment pour en accueillir. Concernant la laïcité, il prône la neutralité de l’État et insiste pour que la loi de 1905 soit « protégée comme bien commun ». Dans un autre registre, il se déclare philosophiquement opposé au revenu universel voulu par Hamon. Il affirme être persuadé de se qualifier pour le second tour, mais ses chances paraissent bien maigres.

François de Rugy (43 ans) : président du Parti écologiste et député de Loire-Atlantique, François de Rugy plaide pour le rassemblement et s’inscrit dans une certaine défense du bilan de François Hollande (par exemple : la loi Travail) et de ses gouvernements (auquel son parti est associé depuis février, avec des maroquins pour Emmanuelle Cosse, Jean-François Placé et Barbara Pompili). Son projet fait évidemment la part belle aux questions environnementales, avec comme ambition un pays fonctionnant avec une énergie 100% renouvelable d’ici 2025. Il se déclare également favorable à la légalisation du cannabis et à ce que le vote soit rendu obligatoire.

 

Sylvia Pinel (39 ans) : députée du Tarn-et-Garonne et présidente du Parti radical de gauche (PRG), Sylvia Pinel est la seule femme de cette primaire. Son programme se manifeste par une tendance centriste et est notamment orienté vers les entreprises, pour lesquelles elle prône de ramener l’impôt sur les sociétés à 20%. Elle réclame également davantage d’Europe (constitution fédérale) et prône des avancées en matière d’euthanasie et de PMA. Elle souhaite aussi la légalisation du cannabis.

Jean-Luc Bennhamias (62 ans) : président du Front démocrate, Jean-Luc Bennhamias est d’une certaine manière l’équivalent de Jean-Frédéric Poisson pour la primaire de gauche, à savoir le candidat inconnu et original qui se démarque des autres par un style différent et, dans le cas de Bennhamias, un peu excentrique, un peu hurluberlu. Parmi ses propositions : l’instauration d’un revenu universel, la légalisation du cannabis, l’instauration d’un service civique obligatoire, la fermeture d’une douzaine de centrale nucléaire, etc.

7 mai – Où Macron est élu président

7 mai – Où Macron est élu président

En dépit d’une abstention substantielle, Emmanuel Macron remporte le second tour avec une avance nette et devient le nouveau président de la République.

La « Trilogie de la Guerre » de Roberto Rossellini

La « Trilogie de la Guerre » de Roberto Rossellini

Italie, 1945. Dans un pays dévasté, une génération nouvelle de réalisateurs invente le néoréalisme. Parmi ses fers de lance : Roberto Rossellini, qui, en trois ans et trois films, accède au statut d’auteur majeur du 7ème Art.

Solaris (1972) – Andreï Tarkovski

Solaris (1972) – Andreï Tarkovski

En dépit d’années d’observations, la planète Solaris garde ses mystères, dont le principal n’est autre que sa surface, un océan gigantesque qui serait en fait … un cerveau.

Antelope Canyon – De lumière et de grès

Antelope Canyon – De lumière et de grès

Si certains patelins reculés n’ont rien pour eux, la petite ville de Page, elle, est doublement bénie des dieux, avec, en point d’orgue, un site parmi les plus photogéniques des Etats-Unis.

Lava Beds – L’ultime champ de guerre des Modocs

Lava Beds – L’ultime champ de guerre des Modocs

Isolé aux confins nord-est de la Californie, le parc de Lava Beds compte deux principaux centres d’intérêt : ses cavernes, et le souvenir de la résistance opiniâtre qu’y livra une poignée d’Indiens.

Les dynamiques qui ont fait basculer l’élection

Les dynamiques qui ont fait basculer l’élection

12 novembre 2016 – Si la victoire de Donald Trump est nette en termes de grands électeurs, elle s’est pourtant jouée à quelques États-clefs qui ont basculé de justesse en sa faveur. Pour expliquer ce résultat, plusieurs dynamiques sont …