Alors que la campagne officielle commence ce lundi 10 avril (et avec elle le respect absolu de l’égalité de temps de parole), la semaine écoulée a été marquée par un flottement perceptible chez plusieurs candidats. En cause : les sondages (cf. mise à jour du vendredi 7 avril), avec Le Pen et Macron qui continuent de faire la course en tête mais se tassent, et Mélenchon (surtout) et Fillon (un peu) qui prennent (ou reprennent) du poil de la bête, même si l’écart entre ces deux duos demeure toutefois nettement, à l’heure actuelle, à l’avantage du premier cité.

 

Compte Twitter de François Fillon - Février 2017Pour François Fillon, ce rebond est limité : il n’apparaît pas dans l’enquête du Cevipof publiée le 3 avril, et n’est que d’un point (c.-à-d. largement dans la marge d’erreur) dans celle du vendredi 7 mars de l’IFOP comparé à l’estimation faite sept jours auparavant. Néanmoins, le candidat LR veut y voir un signe : il cesse de reculer, l’électorat de droite se ressoude autour de lui, et les Français comprennent qu’il est le seul à pouvoir redresser la France avec un programme réaliste et une majorité parlementaire réelle. Tel est en tout cas le message véhiculé par celui qui évoque à l’envi un « vote caché », ces électeurs qui, pour diverses raisons, ne disent pas aux sondeurs qu’ils voteront pour lui.

François Fillon insiste donc et continue de jouer avec toutes les cartes qu’il lui reste, celle du complot notamment, évoquant notamment à propos des affaires qui le touchent une « opération montée de toute pièces » et affirmant qu’il détient les noms de ceux qui ont communiqué les documents à l’origine des poursuites dont il fait l’objet. Dans le viseur : encore et toujours l’Elysée. De son côté, le PNF a indiqué qu’il n’entendait pas mener d’enquête sur un éventuel cabinet noir, estimant trop imprécises les informations reprises dans le livre Bienvenue place Beauvau que Fillon tente d’exploiter (cf. son passage à L’Émission politique du 23 mars).

Sur le terrain, Fillon accélère une campagne, qui a retrouvé un rythme plus ou moins normal, quoique non-exempt d’anicroches, tel ce jet de farine qui l’a recouvert de blanc jeudi, juste avant un meeting à Strasbourg. Autre prise à partie vécue cette semaine : la tirade que le candidat LR a reçu de Philippe Poutou lors du second débat mardi sur BFM TV et CNews. La sortie du candidat NPA a été virulente et a eu son petit effet, même si bien malin qui peut dire comment (et si) elle va peser. En tout cas, de son côté, Fillon n’a pas hésité le lendemain à s’en servir pour se poser en victime et montrer son courage, affirmant voir quotidiennement depuis deux mois et demi « des torrents de boue [être] déversés » sur lui, et, malgré tout, être « encore là ».

Dimanche, ce même Fillon tenait Porte de Versailles son grand meeting de campagne. L’assistance ? Entre 20 et 25 000 personnes. Parmi elles, tous les ténors de la droite, ou presque, Sarkozy et Juppé n’étant pas là, mais ayant toutefois chacun appelé vendredi à voter sans ambiguïtés en faveur du vainqueur de la primaire de la droite. Autre absent : Christian Estrosi, le maire de Nice, dont la rencontre avec Macron il y a une semaine a créé un froid entre lui et son parti. Pour François Fillon, peu importe qu’il soit là ou pas, priorité à son discours, dans lequel il tape sur Macron (le candidat en « marche arrière ») et sur Mélenchon (« Il se rêve en capitaine du cuirassé Potemkine mais négociera la ferraille du Titanic »). Il se fait également grave au moment d’évoquer l’Europe, affirmant que celle-ci est à un tournant, et, face aux risques de guerre qu’il prévoit, se présente comme l’homme de la paix. Dans un autre registre, il se présente aussi, dans une anaphore digne de François Hollande et déjà testée lors du second débat, comme un président « exemplaire », parce que ne se laissant pas intimider ni par la calomnie, ni par les pressions.

En conclusion, François Fillon reste gonflé à bloc et demande aux Français non pas de « [l’]aimer », mais de le « soutenir ». Il lui reste moins de quinze jours pour parvenir à les convaincre nombre suffisant pour atteindre le second tour.

 

Jean-Luc MélenchonDe son côté, Jean-Luc Mélenchon tenait ce dimanche 9 avril un meeting en plein air à Marseille. Dans l’assistance : 50 à 70 000 personnes présentes selon les estimations. Un nouveau beau succès de foule donc pour le tribun de la France insoumise, qui talonne désormais François Fillon dans les sondages et rêve d’aller plus haut encore. Dans la cité phocéenne, il a à nouveau déroulé son programme, insistant notamment (comme Fillon plus tard) sur les questions de politique étrangère, sur le devant de la scène depuis quelques jours avec une attaque aux gaz contre un village rebelle en Syrie et, en réaction, le bombardement américain d’une base du régime de Bachar el-Assad.

La politique internationale, Mélenchon le sait, est un des aspects de son programme les plus susceptibles d’inquiéter des électeurs potentiels. En cause ? Ses vues sur l’Europe bien sûr, mais aussi son appel à une grande conférence de l’Atlantique à l’Oural pour discuter des problèmes de frontières. Pour beaucoup, une telle proposition revient à offrir à Vladimir Poutine la possibilité de régulariser l’annexion de la Crimée, voire l’inciter à procéder à d’autres reprises de territoires. Pour calmer ces inquiétudes, Mélenchon (à Marseille, mais aussi lors de son passage dans l’émission On n’est pas couché sur France 2) s’est efforcé de se présenter comme un homme de paix, désireux de résoudre des problèmes existant pour ne pas les laisser s’envenimer. Son explication sera-t-elle entendue ? Elle pourrait en tout cas constituer un frein à la poursuite de sa progression sondagière.

Concernant le reste de sa semaine, celle-ci a notamment été marquée par sa prestation au second débat, où il a été à nouveau un cran au-dessus des autres, mais de manière moins prononcée que lors du premier de ces événements, peut-être en raison du nombre de participants, peut-être par volonté de ne pas trop en faire. Quoi qu’il en soit, sa soirée y a été bonne, un sondage publié juste après l’émission le montrant comme ayant été le plus convaincant de tous les candidats.

 

Marine Le PenChez Marine Le Pen, la campagne commence à patiner. C’est du moins ce qu’indiquent les sondages, qui la maintiennent de manière encore appréciable dans le duo de tête, mais n’en montrent pas moins une érosion de plus en plus prononcée des intentions de vote en sa faveur (moins deux points depuis un mois). Une conséquence de ses débats ? Dans aucun des deux Marine Le Pen n’a crevé l’écran, apparaissant même en-deçà de ses rivaux lorsque les échanges tournaient à la confrontation (qu’elle avait parfois elle-même cherchée). A contrario, chaque fois qu’elle a pu sortir son discours sans être contredite, l’impression qu’elle laissait était plus en sa faveur.

Outre le second débat, le reste de sa semaine a été marqué samedi par un meeting à Ajaccio perturbé par des indépendantistes corses. Des échauffourées ont éclaté et du gaz lacrymogène utilisé, sans dommages notables toutefois. Marine Le Pen a par la suite pu tenir son meeting dans une autre salle que celle prévue initialement. Dans un tout autre registre, invitée dimanche du Grand Jury-RTL-LeFigaro-LCI, elle a déclaré penser que « la France n’est pas responsable du Vél’d’Hiv », ce qui n’a évidemment pas été sans susciter de nombreuses réactions.

Rayon affaires, le Canard enchaîné a révélé cette semaine que le parquet de Lille a ouvert une enquête préliminaire pour de nouveaux soupçons d’emplois fictifs. Dans la ligne de mire notamment : David Rachline, directeur de campagne de Marine Le Pen mais aussi sénateur du Var et maire de Fréjus, et qui, de 2010 à 2015, alors qu’il était conseiller municipal de cette même ville du sud de la France, a été salarié du conseil régional du … Nord-Pas-de-Calais. Invités à réagir, des membres du FN ont dénié tout caractère fictif de l’emploi, assurant que le travail accompli par David Rachline était bien réel.

 

Emmanuel Macron 2016Autre candidat dont la campagne connaît un coup de mou : Emmanuel Macron. En cause ? D’abord tout simplement, la rançon de la gloire, le candidat d’En Marche ! étant de plus en plus souvent et de plus en plus durement ciblé par ses adversaires.

Le ton des médias (ou du moins de certains médias) semble également se faire davantage critique, l’émission C dans l’air par exemple relayant des échos négatifs de son meeting de samedi passé à Marseille, notamment concernant une salle à moitié vide et des gens quittant l’événement après un quart d’heure, non sans qualifier l’orateur de « superficiel », et ses propos de « vide, de vent », voire de « très ennuyeux » ou encore de « banalité  ». Également pointées du doigt : ses déclarations d’amour à Marseille, moquées et jugées surjouées, comme lorsqu’il dit « on craint dégun », cite du IAM ou raconte sa passion pour l’OM.

Autre élément pouvant jouer dans ce coup de moins bien : les débats. Certes Macron n’y a pas été catastrophique ni même mauvais. Toutefois, il a pu parfois laisser une impression un peu terne (notamment lors du second débat) et n’a pas toujours été très clair dans ses interventions, ce que Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan n’ont pas manqué de lui faire remarquer en direct.

Ce flou que lui reprochent ses adversaires a constitué un axe important de son passage à L’Émission politique sur France 2, où les journalistes Léa Salamé et David Pujadas l’ont longuement interrogé sur divers sujets où ses positions pouvaient paraître ambiguës. Il s’en tira plutôt bien, et a, semble-t-il, laissé une bonne impression aux spectateurs, lesquels, d’après un sondage en temps réel, l’ont considéré comme le plus convaincant des candidats passés dans sur ce plateau depuis janvier. Niveau audience, son passage a été légèrement plus regardé que celui de Marine Le Pen (3,6 millions de spectateurs vs. 3,5 millions), qui en détenait jusque-là le record.

En résumé, le coup de mou subi par Emmanuel Macron semble réel, mais, à l’heure actuelle, modéré et pas encore de nature à remettre en cause l’avantage qu’il s’est ménagé. Il lui reste néanmoins deux semaines à tenir et à parer les coups qui sont appelés à pleuvoir de plus en plus dru. Est-ce pour cela qu’il a contribué à ce que soit annulé le troisième débat qui était prévu pour le jeudi 20 avril, à trois jours du scrutin ? Clairement, il y avait plus à perdre qu’à y gagner et, si l’initiative de cette suppression est venue de Mélenchon, Macron ne s’est pas fait prier pour soutenir cette démarche.

Côté ralliement, un en particulier à noter cette semaine : celui du député socialiste et ex-ministre de l’Intérieur de Jospin, Daniel Vaillant, lequel n’a pas été investi par le PS dans la circonscription qu’il demandait.

 

Benoit Hamon en 2012Pour Benoît Hamon, la déroute se précise. Dans son cas, ce n’est pas de « patinage » qu’il faut parler, mais d’effondrement, plusieurs sondages l’annonçant désormais sous la barre des 10%. Face à cette tendance lourde, le vainqueur de la primaire de la gauche continue de faire bonne figure, mais son combat ressemble plus à un baroud d’honneur qu’à autre chose. Pire : le candidat socialiste semble complètement marginalisé, les médias ne lui accordant plus qu’une attention limitée, tandis que ses rivaux l’ont pratiquement ignoré de toute la soirée pendant le second débat.

Quant aux soutiens au sein de son parti, ils continuent d’être à géométrie variable : si le ministre du Budget Michel Sapin a confirmé du bout des lèvres être derrière Hamon, il n’en est pas de même pour le député et ex-ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant, qui a rallié Macron. Face à cette situation, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a saisi la commission nationale des conflits pour qu’elle statue sur de possibles sanctions (pouvant aller jusqu’à l’exclusion du parti) contre ceux qui ne soutiennent pas Benoît Hamon. La question demeure toutefois : Cambadélis osera-t-il mettre sa menace à exécution ?

En attendant, l’hémorragie se poursuite, et la campagne de Benoît Hamon, elle, tourne au chemin de croix. Un retrait de sa part est-il envisageable ? Au vu des enjeux (notamment financiers pour le PS, qui ne verrait pas les frais de campagne remboursés si son candidat se retire), un tel scénario semble maintenant improbable. En revanche, Hamon pourrait cesser de mener une campagne vraiment active et donner des signes plus ou moins explicites en faveur de Jean-Luc Mélenchon, comme il l’a fait notamment lors de son passage à On n’est pas couché, où il a déclaré qu’il voterait sans ambiguïté pou le tribun de la France insoumise si celui-ci était au second tour.

 

Philippe Poutou en 2011Comme attendu, les sorties de Philippe Poutou lors du second débat ont fait parler d’elles, surtout … à droite. Dès la fin de l’émission, les réactions ont fusé sur le plateau de BFM TV, où plusieurs éditorialistes ont parlé d’une conduite « irrespectueuse » et critiqué qui son style vestimentaire (il ne portait ni costume ni cravate), qui son langage familier (« il apostrophait les gens sans mette ni un Madame ni un Monsieur »). Plus tard, le philosophe (et ex-ministre de Chirac) Luc Ferry a abondé dans leur sens en twittant : « Avec Philippe Poutou débraillé en marcel pour représenter les ouvriers, pas étonnant qu’ils aillent massivement chez Marine Le Pen ». Autant de commentaires qui, à leur tour, ont fait jaser, typiques selon certains de la morgue d’une élite ne supportant pas d’être bousculée par des gens du peuple n’utilisant pas les mêmes codes qu’elle.

De son côté, l’intéressé tire parti de l’engouement suscité par sa prestation et profite de davantage de lumière. Ses sondages s’en ressentent, deux instituts (Sofres et OpinonWay) le plaçant à 2,5% et 2,0%, des scores évidemment modestes, mais meilleurs que les 0,5% où il stagnait jusqu’à présent. A charge pour lui de les maintenir jusqu’au 23 avril.

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