13 décembre 2015 – En passe de remporter deux à trois régions, le FN est contré au second tour par la mobilisation des abstentionnistes et le front républicain.

Mobilisation des abstentionnistes et front républicain barrent la route au FN qui ne décroche aucune région ; la droite remporte le scrutin aux points mais sans gloire ; la gauche limite les dégâts mais perd les plus grosses régions : tel est le résumé du second tour des régionales.

Présidents des conseils régionaux élus suite aux élections régionales de 2015

Présidents des conseils régionaux élus suite aux élections régionales de 2015

 

  • Participation : 58,5% vs. 49% au premier tour et 43,5% en 2010. L’appel à la mobilisation a fonctionné.
  • La droite empoche sept régions, dont les plus peuplées (IDF, PACA, Grand Nord), la gauche cinq, la treizième en métropole allant aux … nationalistes corses.

 

FN

 

  • Aucune région pour le FN donc, battu assez nettement partout où il espérait l’emporter, sauf en Bourgogne-Franche, où Sophie Montel finit troisième mais très près des candidats socialistes et de droite.
  • Pour les frontistes, c’est un coup dur. Comme lors des départementales, le parti a été incapable de convertir ses bonnes positions en succès : il fait le plein au premier tour mais n’a pas de réserve au second et constitue encore et toujours (jusqu’à présent) un repoussoir pour la majorité des votants.
  • Consolations : la place honorifique de premier parti décrochée au premier tour (28%, juste devant l’union de la droite composée de l’UDI et des LR) et un record de suffrages obtenus, 6,8 millions (au second tour), supérieur à celui décroché en 2012. La présidentielle de 2017 est attendue avec impatience.

 

Droite

 

  • Les LR sont passés par tous les sentiments au cours de la campagne. D’abord l’espérance d’une razzia dans la lignée des départementales (dix régions étaient visées), puis la crainte d’un désastre au soir du premier tour, enfin un soulagement à la fois crispé et satisfait au vu des résultats finaux.
  • Avec sept régions dans l’escarcelle, le bilan comptable est bon. Il s’en est toutefois fallu de peu qu’il ne fut très mitigé, la Normandie ne basculant que pour 5 000 voix. Mais avec sept régions, la droite unie peut annoncer son succès, elle en détient deux de plus que la gauche en métropole, dont les plus peuplées, la prise de l’Île-de-France étant à cet égard un sacré trophée.
  • Autre réjouissance : les nettes victoires dans les duels face au FN. C’est vrai dans le Grand Nord, ça l’est aussi en PACA, où Estrosi était apparu traumatisé par l’ampleur de l’écart à combler face à Maréchal-Le Pen. Plus généralement, le FN ne gagne aucune région, ce qui permet (ô surprise) à Nicolas Sarkozy d’affirmer le succès de sa stratégie du « ni-ni ».
  • C’est pourtant peu dire que la posture de ce dernier en tant que « meilleur rempart » contre le FN sort largement écornée du scrutin et que la contestation au sein même du parti à son égard est forte. L’ex-président n’est toutefois pas près de se laisser intimider et le confirme en annonçant l’exclusion de Nathalie Kosciuzko-Morizet du bureau politique du parti dès le lendemain du 2e tour, la députée de l’Essonne s’étant montrée très critique à son égard.

 

Gauche

 

  • Comme pour la droite, le bilan comptable du PS est honorable. Il aurait pu être meilleur (Normandie, Île-de-France), il aurait surtout pu être pire vu la situation un mois auparavant.
  • Le bilan moral en revanche est plus que mitigé. Les plus grosses régions ont été perdues, le PS est arrivé troisième au soir du premier tour sur le plan national et la vague FN est au plus haut. Valls s’est beaucoup démené (allant jusqu’à parler de risque de guerre civile) et les choix difficiles de se retirer en PACA et Grand Nord ont payé. N’en reste pas moins le sentiment d’une faillite idéologique, d’une déconnexion toujours plus forte avec les classes populaires, et l’absence d’un projet véritablement porteur au profit de bas calculs politiciens. Bref, le chantier est énorme.
  • Paradoxalement, le sentiment est que Hollande a marqué des points pour 2017, avec des alternatives à gauche laminées (EELV, FdG), une menace FN plus que jamais crédible et l’échec de la stratégie de Sarkozy, lequel comptait sur ces régionales pour s’imposer comme champion incontesté de la droite.

 

Le FN amplifie sa dynamique et est le vainqueur incontesté du premier tour ; malgré une bonne claque, le PS limite la casse et rêve à un bilan inespéré ; Sarkozy est désavoué dans sa stratégie de droitisation toute, mais les Républicains peuvent encore sauver la mise. Tel est le résumé de ce premier tour.

 

  • Participation : 50% ; l’abstention a été très élevée.
  • Le FN confirme et amplifie sa dynamique : il vire en tête dans six régions (les six annoncées) et réalise les scores stupéfiants de 36% dans les Grand Est (Philippot), 37% dans la Grand Nord (Le Pen) et 41% en PACA (Maréchal-Le Pen). Le scénario d’une victoire frontiste dans ces trois régions (voire en Bourgogne-Franche-Comté) passe du possible au très probable et, très vite, les dirigeant socialistes nationaux (Hollande, Valls et Cambadélis) ordonnent un retrait des listes du parti dans ces territoires afin de favoriser un front républicain autour du candidat de la droite. De mauvais gré, Saintignon (Grand Nord) et Castaner (PACA) obtempèrent, mais pas Masseret (Grand Est) qui maintient sa candidature au second tour malgré les fortes pressions qu’il reçoit.
  • Aucun conseiller régional pour les cinq prochaines années dans deux des plus grandes régions du pays (Grand Nord et PACA) suite au retrait des listes au second tour), des premières places décrochées dans deux territoires à peine (Bretagne, Aquitaine) et des troisièmes positions à foison (sept !) : le résultat socialiste est dramatique. C’est pourtant le sentiment d’avoir limité la casse qui prévaut chez les caciques du parti, ainsi que celui d’être en position meilleure que prévue pour le second tour et, dans le chef d’Hollande, d’avoir marqué des points pour … 2017.
    • A court terme, trois régions semblent promises au PS (Bretagne, les Sud-Ouest) et six autres seront le cadre de triangulaires serrées. Les gagner toutes est improbables, mais en gagner la moitié porterait la totale socialiste à six, un bilan inespéré vu les prévisions d’il y a un mois. Cela dit, un zéro pointé dans les zones incertaines est aussi possible.
    • Une région incertaine suscite l’intérêt en particulier : l’Île-de-France, où Bartolone a conclu une alliance avec les autres formations de gauche (EELV, FdG) et est au coude-à-coude avec Pécresse, laquelle a viré en tête mais avec un score moindre qu’escompté et qui, pour l’emporter, devra tabler sur un bon report de voix du côté de Debout la France, voire sur un « vote utile » de la part des électeurs FN.
    • Dans l’optique de 2017, Hollande peut se féliciter de l’échec stratégique de Sarkozy (le FN est plus haut que jamais et l’ex-président est sous le feu des critiques pour le maintien de son « ni-ni ») et du faible score des alternatives de gauche (EELV s’effondre, le FdG pèse moins de 5%). Plus que jamais il va apparaître comme le seul candidat de gauche autour duquel s’unir dès le premier tour de la prochaine présidentielle pour assurer la présence d’un candidat de gauche au second et barrer la route au FN ou empêcher le retour aux affaires de Sarkozy (s’il est candidat). A cet égard, difficile de ne pas voir en partie une manœuvre politicienne derrière l’appel au retrait en PACA, Grand Nord et Grand Est, ces mesures permettant au PS de se parer des habits de « vrais républicains » capables de prendre des décisions sacrificielles à leurs dépens pour sauver l’honneur de la France, quand d’autres, malgré leur (nouveau) nom, campent entêtés sur leurs positions.
  • Chez les Républicains, justement, c’est la soupe à la grimace. Les régionales devaient être un triomphe, et pour Sarkozy un marchepied avant la primaire et 2017, elles sont à deux doigts de tourner au désastre. Et si la situation peut encore être rétablie dimanche, une grande « mise au point » interne paraît inévitable au vu des nombreuses voix dissonantes qui se sont fait entendre ces derniers jours au sein du parti. Tout profit pour Juppé ?

Tendance à la veille du second tour (12/12)

  • Aucune région pour le FN ? Les sondages donnent Bertrand devant Le Pen, et Richert devant Philippot tandis qu’Estrosi et Maréchal-Le Pen se tiennent dans un mouchoir de poche (léger avantage à Estrosi). Bourgogne-Franche-Comté : bouteille à encre, pas de sondages disponibles.
  • Île-de-France : le duel Pécresse-Bartolone est à couteaux tirés, mais le candidat socialiste a dérapé en déclarant que sa concurrente défendait la « race blanche ».
  • Les attentats du 13 novembre (130 morts, plus de 350 blessés) ont, si pas changé la donne, du moins brouillé les cartes et rendu moins définitives les certitudes d’il y a un mois.
  • Début novembre, la gauche était partie pour ne conserver que trois fiefs en France métropolitaine et la droite en rafler huit, voire dix si elle prenait le dessus sur le FN dans les deux régions où le scrutin s’annonçait serré (Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA).
  • Un mois plus tard, les attentats ont consolidé les positions du FN, annoncé comme pouvant virer en tête dans pas moins de six régions au soir du premier tour, avec une grande probabilité de victoire non seulement en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA, mais aussi désormais en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, voire, dans une moindre mesure, en Bourgogne-Franche-Comté.
  • Pour éviter un tel scénario, les appels à la raison et à la mobilisation se sont multipliés dans les derniers jours de la campagne, en particulier dans la presse, avec le quotidien La Voix du Nord en début de semaine, puis Le Monde avec un éditorial intitulé « Le Front national, cette imposture », tandis que le patron du Medef, Pierre Gattaz, dénonce l’absurdité de son programme économique.
  • A gauche, Manuel Valls (qui s’est fortement investi dans la campagne et la lutte contre le FN) a lancé peu avant les attentats l’idée d’une fusion PS et LR après le premier tour là où un « simple » retrait socialiste ne suffirait pas à garantir un barrage contre l’extrême-droite (en l’occurrence dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie au moment où il lança cette piste). Cette sortie a été pour le moins mal reçue par les troupes socialistes qui accusent le Premier Ministre de jouer perdant et surtout vouloir se positionner de manière à ce que ne puisse lui être imputé l’éventuelle accession du FN à la tête d’une région, Sarkozy et les LR rejetant (de manière prévisible) toute idée d’alliance avec la gauche. La question n’en devrait pas moins être à nouveau posée au soir du 6 décembre.
  • Pour la formation de droite (unie avec l’UDI, même si pas toujours de manière harmonieuse, comme en Bretagne, où le parti de Morin a retiré son investiture à Le Fur), la prise d’une région par le FN serait un coup dur, lequel se transformerait en camouflet pour Sarkozy si une deuxième ou une troisième venait à tomber dans son escarcelle, toute la stratégie de reconquête de l’ex-président étant bâtie sur une stature d’homme qui fait reculer le FN sans rien concéder à la gauche (« ni-ni »).
  • L’inquiétude grandit d’autant plus chez Les Républicains que cette même gauche, moribonde il y a un mois, a retrouvé un peu de couleurs en même temps que la cote de popularité du Président Hollande s’envolait suite à son attitude post-attentats. Assez pour éviter la déconfiture annoncée avant le 13 novembre ? Les socialistes ont en tout cas changé d’approche, nationalisant une campagne qu’ils s’évertuaient jusque-là à garder régionale pour se prémunir de l’impopularité du gouvernement, et en appelant à l’union sacrée de leurs partisans. A quelques heures du scrutin, l’espoir de conserver plus de trois régions semble revenu mais n’en reste pas moins ténu, d’autant que la mission en Île-de-France paraît perdue.

 

Derniers sondages (Ipsos-Sopra-Steria pour Le Monde)

 

NB : les écarts sont souvent faibles.

  • 4 régions probables à très probables pour la droite : Auvergne-Rhône-Alpes (quoique s’annonçant plus serré que prévu), Centre-Val de Loire, Île-de-France et Pays de la Loire.
  • 4 régions probables à très probables pour la gauche : Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, Bretagne, Corse (PRG) et Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.
  • 2 indécises PS-LR-FN : Bourgogne-Franche-Comté (PS ?) et Normandie (LR-UDI ?).
  • 3 indécises FN-LR : Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, PACA.

 

  • 6 (voire 7) régions où le FN est susceptible d’arriver en tête au premier tour: Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA (voire Normandie).
  • 4 régionsEELV et FdG se présentent en attelage: Bourgogne-Franche-Comté, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA.

 

Agrégé au niveau national, les scores des partis seraient de 30% pour le FN, 29% pour les listes d’union de la droite, 22% pour le PS, 7,5% au FdG et 4,5% à EELV.

  • Sarkozy continue de mener la refondation de son parti : exit l’UMP, place aux « Républicains ».
  • La vie de la principale formation de droite/centre-droite n’en reste pas moins agitée, avec toujours la guerre froide entre Sarkozy, Fillon, Juppé et d’autres à mesure que s’approche 2016 et la primaire pour la présidentielle. Ensuite, les affaires (Bygmalion surtout) qui continuent de menacer l’ex-président, entendu par la police en septembre (Copé, que Sarkozy a directement mis en cause lors de son audition, l’avait été en juillet). Enfin, l’affaire Morano, mise à la porte des Républicains pour avoir refusé de retirer ses propos sur « la France, un pays de race blanche », prononcés lors d’une émission « On n’est pas couché » de Laurent Ruquier.
  • Période agitée pour le FN, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti.
    • En interne d’abord, avec une véritable guerre familiale entre le père et la fille Le Pen, Jean-Marie trouvant le parti trop policé et continuant à distiller des sorties provocatrices (dont une resucée des chambres à gaz « détail de l’histoire ») qui mettent à mal la stratégie de normalisation de Marine, laquelle, poussée à bout, lance une procédure pour le déchoir de sa présidence d’honneur et l’exclure du parti, ce qui entraîne une riposte judiciaire pour « préjudice moral ». Écartelée au milieu de ce conflit, Marion Maréchal-Le Pen semble sur la ligne de sa tante mais ne coupe pas les ponts avec son grand-père qui la voit comme sa véritable héritière.
    • En externe, les ennuis judiciaires s’amoncellent. D’abord, l’enquête en cours sur le financement du parti, laquelle vaut à la tête de liste frontiste en île de France (Wallerand de Saint-Just) d’être mis en examen pour recel d’abus de biens sociaux. Convoquée en tant que témoin assisté dans le cadre de cette affaire, Marine Le Pen a refusé de satisfaire les juges. Elle s’est en revanche rendue au tribunal correctionnel de Lyon en octobre pour profiter de la tribune que lui offre un autre procès, des poursuites pour incitation à la haine raciale suite à des propos remontant à 2010 comparant les prières de rue à l’Occupation. Elle a ainsi pu à nouveau endosser le rôle de victime et se plaindre de l’acharnement subi tant de la part de la justice que des associations antiracistes qui ne sont rien d’autre (selon elle) que le « bras armé d’un pouvoir politique ».
    • Autre bravade MLP : avoir annulé à la dernière minute sa participation à l’émission « Des paroles et des actes », sous prétexte de changements de dernière minute qui lui étaient « imposés », en fait la présence sur le plateau (suite à une recommandation du CSA) de ses rivaux en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Xavier Bertrand et Pierre de Saintignon, lesquels (et leurs partis) s’étaient émus que leur adversaire principale se voit offrir une vitrine nationale à un mois et demi des élections régionales. Et comme Marine Le Pen n’aime pas les débats où elle susceptible d’avoir en face d’elle des participants avec du répondant (cf. dans de précédents « Des paroles et des actes » son attitude en 2012 face à Jean-Luc Mélenchon, et son refus en 2014 d’avoir comme contradicteur Martin Schulz) …
    • Conséquences politiques de ces « turbulences » ? Nulle : les sondages restent bons.
  • A gauche, personne ne se fait d’illusion sur le scrutin à venir, lequel, comme les précédents, va se traduire par un retour massif de balancier en défaveur du PS. La question principale ne sera donc pas de savoir combien de régions pourront être sauvées mais quelle attitude adopter là où le FN sera en mesure de l’emporter : se maintenir (et offrir au FN la possibilité de gagner) ou se retirer (et n’avoir aucun représentant au conseil de la région concernée pendant cinq ans).
  • Pour tenter de susciter un minimum l’enthousiasme, le nouveau secrétaire du parti Jean-Christophe Cambadélis a organisé (ou plutôt improvisé) un référendum sur l’unité de la gauche, dont la question était : « face à la droite et à l’extrême-droite, souhaitez-vous l’unité de la gauche et des écologistes aux élections régionales ? » 90% des 250 000 participants au scrutin (émaillé par de nombreux ratés, dont un système peu sécurisé et des gens votant plusieurs fois) ont répondu « oui » à la question. Fort de ce succès, Cambadélis espère convaincre FdG et EELV de s’allier au PS dès le premier tour. L’initiative a été fraîchement accueillie par EELV.