Contexte : deux débats doivent encore se tenir côté républicain avant l’ouverture des primaires. Celui du jour a lieu à North Charleston (Caroline du Sud) et est modéré par Fox Business. Sept candidats seront sur scène pour le débat principal, Fiorina et Paul n’ayant pas atteint les critères requis pour y être admis (en guise de protestation, Paul refuse de se présenter à celui des seconds couteaux). Dans les sondages, le duel TrumpCruz s’est confirmé ces dernières semaines. Le magnat de l’immobilier est donné nettement devant au niveau national et dans le New Hampshire, mais pas en Iowa, où les enquêtes donnent les deux hommes au coude-à-coude. Derrière, la lutte continue entre Rubio, Bush, Christie et Kasich pour savoir qui rassemblera le vote modéré autour de sa personne. Avantage net à Rubio en Iowa, mais pas dans le New Hampshire, où la bagarre pour la deuxième place s’annonce indécise. Quant à Carson, il continue de décliner, proche de Rubio au niveau national mais loin de ses rivaux Trump et Cruz.

  

Sur le terrain, Trump et Cruz ont mis un terme à leur pacte de non-agression tacite et se critiquent de plus en plus ouvertement. Trump a ainsi insinué que Cruz pourrait ne pas être éligible vu qu’il est né hors des États-Unis (au Canada), puis l’a attaqué sur son refus de renouveler les subsides fédéraux pour l’éthanol. En réaction, le sénateur du Texas a contre-attaqué en visant les « valeurs new-yorkaises » qui lieraient Trump à Clinton et aux démocrates, ainsi qu’en mettant en doute son aptitude à être « commandant-en-chef » suite à des imprécisions du milliardaire en matière nucléaire.

 

Résumé

 

Les premières échéances approchant, les débats gagnent en intensité et prises à partie. Cette fois, Trump et Cruz ne se sont pas esquivés et ont échangé plusieurs passes d’armes, d’abord sur l’éligibilité de Cruz, puis sur les « valeurs new-yorkaises » que le sénateur texan reproche au magnat de l’immobilier d’incarner

Cruz ferrailla également à deux reprises avec Rubio, lequel tenta aussi d’affaiblir Christie qui géra bien l’attaque. Quant à Bush, il a été dans la continuité du débat précédent en réservant ses traits pour Trump, tandis que Kasich et Carson ont évité toute algarade.

Bilan des échanges ? Si personne n’a perdu pied, deux sentiments ressortent toutefois : 1°) Cruz a commis une erreur en stigmatisant New York dans son ensemble mais a été solide le reste du temps ; 2°) Rubio est apparu plus malmené, sa défense, ses justifications, semblant parfois faibles.

L’ouverture du débat a été consacrée à la déclaration sur l’état de l’Union prononcée par Obama deux jours avant. L’auto-satisfecit qu’il s’est décerné a évidemment été copieusement critiqué

 

Les « battles »

 

Trump vs. Cruz

La première passe d’armes entre les deux hommes porta sur l’éligibilité du sénateur du Texas (celui-ci est né au Canada), Trump pointant un risque légal de poursuites et soulignant que Cruz ne pouvait pas faire courir un tel risque au parti. Cruz réagit en expliquant que cette question était un faux problème et que Trump le soulevait uniquement en raison de l’évolution récente des sondages. Il ajouta qu’il n’entendait pas prendre de conseil juridique de la part de son rival et conclut par une blagounette en déclarant que, s’il gagnait l’investiture, il prendrait Trump comme vice-président et que si celui-ci avait raison concernant son éligibilité, alors il deviendrait président.

La seconde concerna une déclaration récente de Cruz sur les « valeurs new-yorkaises » de Trump. Invité à clarifier son propos, le sénateur du Texas parla des positions « socialement libérales » des habitants de « The Big Apple » (pro-avortement, pro-mariage gay), ainsi que de leur intérêt pour l’argent, ajoutant que peu de conservateurs venaient de Manhattan. La charge était maladroite et Trump n’a pas manqué de contrer en parlant de propos insultants vis-à-vis de beaucoup de gens.

 

Cruz vs. Rubio

Rubio a ouvert le feu contre Cruz en qualifiant son projet fiscal de « TVA » alors que Reagan était contre de telles taxes. Cruz insista que son projet n’était pas de la TVA mais un impôt fixe qui allait éliminer toute une série de taxes, qu’un ex-conseiller de Reagan avait approuvé ce plan, et que « Marco » ne le comprenait pas. Ce dernier persista et affirma que Cruz ne pourrait pas – comme il le promet – supprimer l’IRS et que son projet allait mettre le pays dans une situation comparable à celle actuellement subie par l’Europe. Christie s’immisça alors dans la conversation pour sortir son sketch classique de maitre d’école sifflant la fin de la récré.

De son côté, Cruz ne manqua pas l’occasion de mettre Rubio en difficulté lorsque celui-ci défendit de manière moyennement convaincante ses travaux au Sénat voici deux ans pour faciliter les conditions d’entrée dans le pays. Comme Rubio invoquait pour se justifier un contexte radicalement différent il y a vingt-quatre mois, Cruz eut beau jeu de signaler que le « djihadisme radical » n’était pas né il y a deux ans et que la loi proposée par Rubio et Chuck Schumer renforçait les possibilités d’accueillir des réfugiés syriens. Rubio contre-attaqua en déclarant que Cruz n’était pas cohérent dans son approche de l’immigration, puis évoqua Snowden (un « traître ») et revint sur Cruz qui, comme Rand Paul, n’avait pas voté les projets de loi au Sénat pour renforcer l’armée. Bref un tir de barrages tous azimuts de la part du sénateur de Floride, tandis que celui du Texas démentait ses propos.

 

Autres : Rubio vs. Christie et Bush vs. Trump

Rubio a confirmé ses propos comme quoi Christie adhérerait aux idées d’Obama sur le contrôle des armes, la nomination de Sonia Sotomayor à la Cour suprême et des mesures concernant le planning familial. Christie rétorqua que Rubio reproduisait ce qu’il avait reproché à Bush voici quelques semaines, à savoir critiquer un adversaire parce qu’un conseiller lui avait dit que ce serait bien de le faire. Il ajouta que toutes les affirmations de Rubio n’étaient pas vraies et que là était la différence entre un sénateur et un gouverneur (« le premier parle, le second est responsable »). Il conclut en déclarant que lui ne modifiait pas son discours, qu’il appréciait « Marco » et que celui-ci ferait un meilleur président que Clinton.

De son côté, Bush s’est en tenu à la ligne de conduite adoptée depuis le débat précédent : ne pas s’en prendre à ses rivaux establishment et attaquer Trump sur ses énormités, d’abord sa volonté d’interdire l’immigration des musulmans (« une telle décision rendra impossible la constitution d’une coalition contre Daech, on ne peut pas la prendre unilatéralement, il faut surtout mettre en place de bonnes procédures de screening » et « interdire d’entrée les musulmans n’est pas la solution, ce qu’il faut c’est détruire Daech »), ensuite son intention d’augmenter les tarifs douaniers vis-à-vis de la Chine (« il y aura de représailles qui dévasteront notre économie », à quoi Trump répondit que les États-Unis n’avaient pas besoin d’une « personne faible » et que c’est ce qu’elle aurait avec Jeb Bush).

 

Thèmes abordés

  • Les réactions au discours sur l’état de l’Union prononcé par Obama : « Obama a raison, il n’y a pas de déclin … si vous êtes un lobbyiste à Washington » (Cruz) ; « le monde est beaucoup plus déchirés depuis l’intronisation du président » (Bush) ; « Obama ne comprend pas Daech » (Rubio) ; « Obama ne comprend pas que nous sommes au XXIe siècle » (Carson) ; à propos d’Obama qui déclare que le visage de Trump vis-à-vis des réfugiés est celui de la peur : « Ce n’est pas la peur, c’est la réalité » (Trump) ; « Obama a été dramatique ; si je suis élu, je reviendrai dès mon premier jour sur chacune de ses décisions inconstitutionnelles » (Rubio) ; « Je suis en colère parce que notre pays est en désordre complet » (Trump) ; « Obama donne le bénéfice du doute aux criminels, pas à la police » (Christie).
  • Sur les armes : « il ne faut pas de nouvelles règles, il faut que le FBI fasse son travail ; Obama et Clinton veulent retirer des droits aux citoyens alors qu’il faut se focaliser 1°) sur la violence dans nos communautés et ceux qui commettent des crimes par armes à feu, et 2°) sur les problèmes de santé mentale » (Bush) ; « Jeb a raison, il y a un problème de santé mental dans ce pays » (Trump) ; « Le Deuxième Amendement n’est pas une option, c’est un droit constitutionnel » (Rubio) ; « Rien de ce que j’ai fait au New Jersey n’a à avoir avec ce que le président fait pour l’instant ; en fait, nous avons rendu plus facile l’obtention d’armes » (Christie) ; « Que faire pour arrêter les tueries de masse ? Vous poursuivez en justice les criminels, vous ciblez les bad guys » (Cruz).
  • Réfugiés : « pas de fermeture pour les musulmans, mais une pause pour les Syriens car le processus de screening n’est pas assez bon » (Kasich) ; « Le directeur du FBI a dit qu’il ne pouvait garantir le screening des réfugiés syriens, fin de l’histoire en ce qui me concerne » (Christie) ; « il faut suspendre d’entrée les réfugiés issus de pays où Daech et Al-Qaïda contrôlent d’importantes parts de territoire » (Cruz). Quant à Carson, il a reparlé d’une zone en Syrie où placer les réfugiés.
  • Autres :
    • le dumping économique de la Chine
    • le besoin de rapatrier les profits de l’étranger (corporate inversion)
    • la non-déclaration par Cruz d’un prêt d’$1m par Goldman Sachs (une erreur administrative, selon lui) ;
    • la touche d’humour de Carson pour prendre la parole (Carson : « Mon nom a été cité ». Le modérateur : « Ah bon ? » Carson : « Oui, il [un candidat] a dit tout le monde ») ; sa plainte au sujet de son temps de parole ; sa tirade sur la perte de principes moraux et le besoin de distinguer le bien du mal ; son souci de prendre l’avis d’experts.
    • Cruz et Trump ont parlé d’humiliation à propos de l’arraisonnement d’une embarcation avec dix marines dans les eaux territoriales iraniennes. Cruz a aussi évoqué la sortie du film 13 hours, consacré aux attentats de Benghazi.

 

Le résumé du débat en vidéo

 

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