Du 17 au 23 octobre 2016 : où la cause paraît entendue

Le troisième et dernier débat n’y a rien changé, les révélations au compte-gouttes (et modérément spectaculaires) de WikiLeaks non plus : sauf cataclysme gigantesque, Clinton a course gagnée.

Le troisième débat et ses suites

Il s’est tenu le mercredi 19 à Las Vegas. En comparaison avec les débats précédents, sa première moitié a été quasiment « normale », certes non dénuée de moments chauds, certes toujours sous tension, mais avec des échanges moins malsains et un Trump enfin en mode « débat présidentiel ». Hélas pour lui, est arrivée la question sur son aptitude à présider. Et là, l’armure s’est fendue, avec deux sorties qui ont fait jaser, la première sur son refus de s’engager à reconnaître le résultat des urnes, puis, une seconde où il s’exclame « What a nasty woman ! » suite à une énième pique de sa rivale (voir le compte-rendu détaillé de la soirée).

Bilan des échanges : la plupart des observateurs s’accordent à dire que Trump a été globalement meilleur que lors des deux premiers débats, mais aussi 1°) qu’il n’en a pas pour autant surpassé Hillary Clinton, laquelle a pu se contenter de gérer et dont les petites provocations ont fini par payer, et 2°) que les deux bourdes qu’il a commises ont en bonne partie annihilé les efforts consentis pendant le reste de la soirée. Sa sortie sur la reconnaissance ou non du verdict des urnes a été abondamment commentée après le débat, certains commentateurs et politiciens parlant d’un « déni de démocratie ». Quelques jours plus tard, le magnat de l’immobilier tentera d’éteindre la polémique en déclarant qu’il reconnaîtra le résultat s’il gagne ou si l’écart entre candidats est clair, tout en se réservant cependant la possibilité d’aller en justice en cas de situation qu’il jugerait douteuse.

En résumé, les lignes n’ont pas bougé, voire se sont un peu plus enfoncées dans le cas de Donald Trump. Ce qui n’a pas empêché le débat d’être à nouveau très suivis, avec 71 millions de téléspectateurs signalés (suiveurs par Internet non compris). Pour rappel, le premier débat avait rassemblé 84 millions de téléspectateurs (record précédent battu) et le deuxième (qui était en concurrence avec un match de football américain) 65 millions.

WikiLeaks, suite

La publication quotidienne d’emails de John Podesta (photo) par WikiLeaks se poursuit. Les informations révélées cette semaine manquent toutefois de croustillant pour réellement influencer la campagne. Seule exception peut-être : des propos de Clinton parlant du soutien logistique et financier du Qatar et de l’Arabie saoudite à Daech, lesquels confirment ainsi un secret de polichinelle (à savoir les soupçons par des dirigeants américains que des monarchies du Golfe aident – ou ont aidé – l’État islamique en sous-main).

Pour le reste, pas vraiment de quoi fouetter un chat : quelques opinions de la candidate sur divers sujets (par exemple que le dirigeant Chinois Xi Jinping est plus expérimenté que son prédécesseur Hu Jintao, ou qu’il faut aider les rebelles syriens contre el-Assad et Poutine, ou encore qu’il faut cerner la Corée du Nord de missiles si la Chine n’intervient pas pour la contrôler), ou quelques petits secrets de campagne telle la liste des vice-présidents possibles évoqués à un moment ou un autre (une quarantaine de noms est donnée, dont ceux d’Elizabeth Warren et Bernie Sanders, mais aussi ceux de Bill et Melinda Gates, ou encore celui du patron d’Apple Tim Cook)

Bref, à moins que WikiLeaks n’ait gardé du très lourd pour la fin, cette affaire ne devrait être qu’un léger désagrément pour la démocrate, laquelle continue de ne pas répondre aux questions sur le contenu des emails dévoilés, préférant mettre l’accent sur le responsable selon elle du piratage à l’origine de ces fuites, la Russie.

En attendant, les mesures de rétorsion contre Assange commencent à être prises : son accès internet à l’ambassade équatorienne de Londres où il est reclus depuis 2012 lui a été restreint par … ses hôtes eux-mêmes, le gouvernement de l’Équateur déclarant respecter « le principe de non-intervention dans les affaires d’autres pays et ne pas s’immiscer dans les processus électoraux en cours, ni ne soutenir un candidat en particulier ». De là à imaginer des pressions extérieures …

Les sondages

L’envol de Clinton se confirme, plusieurs sondages (Monmouth 16 octobre, Bloomberg 17 octobre, Fox News 17 octobre, Quinnipiac 18 octobre, ABC News 22 octobre) lui donnent 6 à 12 points d’avance au niveau national, et les projections par grands électeurs vont dans le même sens, de sorte qu’une victoire raz-de-marée (landslide) paraît possible, voire probable.

Le résumé des dernières tendances sondagières (22 octobre)

Les campagnes

Du côté démocrate, Barack et Michelle Obama s’investissent de manière de plus en plus forte en faveur de Clinton, que ce soit lors de meetings, ou quand le président critique ouvertement l’attitude du candidat républicain. Seule fausse note dans la semaine d’Hillary Clinton : une polémique sur ses fameux emails, l’un de ses proches au Département d’État (le sous-secrétaire Patrick Kennedy, un neveu de JFK) étant accusé d’avoir marchandé avec le FBI une classification moins confidentielle de certains messages concernés en échange d’une autorisation pour l’agence fédérale de placer des agents dans des pays où elle est aujourd’hui interdite de le faire. Le département d’État a démenti qu’une telle offre ait été formulée, l’équipe de Clinton a minimisé l’affaire en déclarant qu’il y a eu beaucoup de discussions animées sur le niveau de classification des emails, et Donald Trump s’est contenté d’un « Unbelievable » (pour plus de détails sur cette histoire, cf. le compte-rendu qu’en a donné Politico).

Du côté des républicains, la semaine a démarré par de nouvelles querelles intestines, Trump reprochant à Paul Ryan de se battre contre lui alors que les démocrates, eux, font bloc derrière « Crooked Hillary » (« Hillary l’escroc », ou « Hillary la crapule », une injure récurrente du milliardaire).

Concernant ses démêlés avec les femmes, Donald Trump a menacé de poursuite quiconque l’accuserait encore d’harcèlement ou d’attouchements sexuels. Ces propos n’ont pas effrayé une ex-actrice pornographique Jessica Drake qui affirme que le milliardaire lui a un jour proposé 10 000 dollars pour une partie de jambes en l’air.

Dans un autre registre, Trump a commencé à s’en prendre à Michelle Obama en rappelant ses propos de 2008 selon lesquels « une femme qui ne tient pas son foyer ne peut pas diriger la Maison Blanche », une référence à peine voilée aux multiples aventures extra-conjugales de Bill Clinton. Il a également envoyé son épouse Melania (photo) en mission de déminage sur CNN et Fox News afin qu’elle explique que le timing des révélations sur ses propos envers les femmes étaient l’œuvre d’un complot des médias et des démocrates. Et après avoir catégoriquement rejeté les accusations d’agressions sexuelles que plusieurs femmes ont lancées ces dernières semaines, elle a conclu en déclarant que son mari était quelqu’un de gentil, voire un gentleman.