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1958 – Fondation de la Ve république et élection de Charles de Gaulle

 

13 mai 1958. Alors que la France est embourbée dans la crise algérienne, un putsch éclate à Alger. Ses organisateurs (partisans du maintien de l’Algérie française) demandent la mise en place d’un gouvernement de salut public et en appellent au général de Gaulle. Celui-ci, dans un communiqué publié le 14 mai, se déclare « prêt à assumer les pouvoirs de la République ».

Charles de Gaulle en 1963

A Paris, suite à ces événements, l’Assemblée nationale est mise sous pression et un consensus entre les partis (les socialistes exceptés) finit par se dégager pour confier à de Gaulle la présidence du Conseil. Parmi ses priorités, outre la gestion de la guerre d’Algérie, figure la rédaction d’une nouvelle Constitution. Son but : mettre un terme à l’instabilité chronique dans laquelle est engluée la IVe République. Pour se faire, Charles de Gaulle élabore un régime semi-présidentiel qui renforce drastiquement les pouvoirs de l’exécutif (c.-à-d. le Président et le gouvernement) au détriment du rôle tenu jusque-là par le Parlement.

Le 28 septembre 1958, le projet de réforme est approuvé par référendum à une large majorité (79%). S’en suit deux mois et demi plus tard (le 21 décembre) la première élection présidentielle de la Ve République, réalisée – comme le prévoit la nouvelle Constitution – auprès d’un collège de 80 000 grands électeurs (députés, sénateurs, maires et divers autres élus locaux). Ici aussi le résultat est sans appel : de Gaulle est élu avec 78,5% des voix, loin devant le communiste Georges Marrane (13%) et le socialiste Albert Châtelet (8,5%).

 

1965 – Charles de Gaulle

 

Le président sortant Charles de Gaulle (UNR, Union pour la Nouvelle République) devance François Mitterrand (CIR, Convention des Institutions Républicaines) au second tour de la présidentielle au suffrage universel avec 55,2% des voix contre 44,8% à son opposant.

Contexte : le premier septennat de la Ve République est notamment marqué par l’indépendance de l’Algérie en juillet 1962 et, en octobre de la même année, par le référendum instituant l’élection du Président au suffrage universel direct. Cette dernière décision est le fruit d’un passage en force de de Gaulle, dont le parti (l’UNR) n’a pas la majorité à l’Assemblée et doit composer avec des partenaires pas toujours dociles. Pour renforcer sa légitimité, de Gaulle décide de modifier la Constitution, mais, au lieu de passer par le Parlement, il entend faire adopter ce changement via le vote populaire. Aussitôt, la manœuvre déclenche une crise politique aiguë, sa constitutionnalité est contestée et une motion de censure est adoptée contre le gouvernement Pompidou. Confiant toutefois dans le soutien du peuple (ces événements se déroulent peu après l’attentat manqué au Petit-Clamart qui a sidéré les Français), de Gaulle garde le cap et annonce en outre la tenue d’élections législatives après le référendum. Le coup est gagnant : le « Oui » au changement constitutionnel l’emporte largement (62,2%) et le parti présidentiel décroche 48,3% des sièges à l’Assemblée, une majorité pas absolue mais confortable et largement renforcée (elle possédait auparavant 35,6% des sièges).

Fort de ce succès, de Gaulle pense que le renouvellement de son mandat en 1965 sera une formalité et qu’il sera réélu dès le premier tour. Il va toutefois déchanter : le socialiste François Mitterrand (qui réussit à présenter une candidature unifiée de la gauche, y compris le PCF) et le centriste Jean Lecanuet mènent des campagnes habiles, qui mettent en avant leur jeunesse (tous deux ont moins de cinquante ans, de Gaulle 75) et misent beaucoup sur leurs passages à la télévision, dont les élections américaines de 1956 (campagne de Eisenhower) et 1960 (premier débat télévisé Kennedy vs. Nixon) ont montré le rôle important qu’elle pouvait jouer. Comprenant son erreur, de Gaulle se résout à mener une campagne plus active qu’il ne l’avait prévu et à lui aussi passer à la télévision. Ce volte-face n’empêche pas sa mise en ballottage : avec 44,6%, il n’obtient pas la majorité absolue dès le premier tour (5 décembre) et doit en passer par un second face à Mitterrand qui a terminé deuxième (31,7%) devant un Lecanuet qui espérait davantage que les 15,6% obtenus.

Pas de surprise en revanche au second tour (19 décembre) : de Gaulle le remporte largement avec 55,2% des voix.

 

1969 – Georges Pompidou

 

Suite au retrait inopiné de Charles de Gaulle, l’élection présidentielle a lieu de manière anticipée et voit la victoire de l’ex-Premier ministre Georges Pompidou (UDR, Union des Démocrates pour la République) face au président du Sénat Alain Poher (CD, Centre démocrate) au cours d’un deuxième tour pour lequel la gauche désunie n’a pas réussi à se qualifier.

Contexte : désarçonné par Mai 68, de Gaulle reprend la main lors des élections législatives anticipées qu’il organise en juin de cette même année. Le président n’en a pas moins entendu le besoin de changement que réclame une partie du pays et entend mener plusieurs réformes, parmi lesquelles la régionalisation d’une partie des pouvoirs et la transformation du Sénat. A nouveau, c’est par référendum qu’il entend faire adopter ces mesures. Mais cette fois, le procédé se retourne contre lui et le scrutin se transforme en un plébiscite pour ou contre le président. A l’arrivée, le projet de réforme est rejeté par 52,4% des votants. Désavoué, de Gaulle quitte aussitôt ses fonctions (28 avril 1969), et une présidentielle anticipée doit être organisée.

Très vite, la droite majoritaire au Parlement se rassemble derrière l’ex-Premier ministre (de 1962 à juillet 1968) Georges Pompidou, lequel était sorti renforcé de Mai 68, mais dont la relation avec de Gaulle s’était alors refroidie. Face à lui : le centriste Alain Poher, le président du Sénat, devenu président de la République par intérim suite au retrait de de Gaulle. Quant à la gauche, elle se présente en ordre dispersé avec pas moins de cinq candidats (le communiste Jacques Duclos, le représentant de la SFIO Gaston Defferre, celui du Parti socialiste unifié Michel Rocard, le radical-socialiste Louis Ducatel et le représentant de la Ligue communiste Alain Krivine).

L’échec rapidement évident du socialiste Gaston Defferre transforme l’élection en un duel Pompidou-Poher. Le premier cité reçoit tôt le soutien du président des Républicains Indépendants Valéry Giscard d’Estaing et mène une campagne efficace qui lui permet de distancer son rival dans les sondages. Le premier tour (1er juin) confirme la donne (44,5% pour Pompidou, 23,3% pour Poher et 21,3% pour le communiste Duclos, tandis que Defferre est humilié avec 5%), le second (15 juin) l’officialise pour de bon (58,2% pour Pompidou).

 

1974 – Valéry Giscard d’Estaing

 

Suite au décès de Georges Pompidou, la présidentielle se tient une nouvelle fois de manière anticipée. Se positionnant résolument au centre, le ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing gagne son duel avec le gaulliste Jacques Chaban-Delmas au premier tour et devance d’une courte tête le socialiste François Mitterrand au second.

Contexte : atteint depuis plusieurs années de la maladie de Waldenström (laquelle avait toutefois été tenue secrète au grand public), Pompidou décède le 2 avril 1974 à l’âge de 62 ans. Député-maire de Bordeaux et ex-Premier ministre (de 1969 à 1972) du président défunt, le gaulliste Jacques Chaban-Delmas est le premier à se déclarer candidat, mais, loin de faire l’unanimité dans son camp, il voit se multiplier les manœuvres visant à l’affaiblir, notamment de la part du ministre de l’Intérieur Jacques Chirac, lequel tente de convaincre le Premier ministre alors en place Jacques Messmer de se lancer. Ce dernier sait toutefois ses chances de gagner minimes et renonce rapidement, ouvrant ainsi la voie au ministre de l’Économie Valéry Giscard d’Estaing qui attendait son heure et voit les soutiens affluer. A gauche, François Mitterrand a pris le contrôle du nouveau parti socialiste au Congrès d’Epinay de 1971 et obtenu l’accord d’un Programme commun de gouvernement avec le parti communiste. Contrairement à 1969, c’est donc une gauche unie qui se présente sur la ligne de départ et peut espérer l’emporter.

La campagne est marquée par le dynamisme, la modernité et la jeunesse de Valéry Giscard d’Estaing, tandis que les coups de couteau dans le dos continuent de s’abattre sur Chaban-Delmas qui court au fiasco. Le premier tour confirme cette tendance : le centriste devance largement le gaulliste avec 32,6% des voix contre 15,1%. De son côté, Mitterrand vire en tête avec 43,2%, un score qui annonce un second tour serré. Et effectivement, c’est avec un écart faible (1,6%, 400 000 voix) que Giscard d’Estaing bat le socialiste le 19 mai 1974. La différence n’est pas grande, mais elle est suffisante. Le vainqueur a bénéficié d’un très bon report des voix de Chaban-Delmas en sa faveur, et peut-être aussi d’un débat d’entre-deux-tours où il a marqué les esprits en rétorquant à son adversaire qu’il n’avait pas « le monopole du coeur ». Mitterrand saura s’en souvenir sept ans plus tard …

Parmi les autres participants, à noter : les premières de Jean-Marie Le Pen (Front national, 0,75%) et d’Arlette Laguiller (Lutte ouvrière, 2,3%) ; la première d’un candidat écologiste (René Dumont, 1,3%) ; la quatrième place du maire de Tours Jean Royer (3,2%), ministre des Postes de Pompidou et candidat de la droite conservatrice et moral, qui entend lutter contre la pornographie et la libéralisation de l’avortement.

 

1981 – François Mitterrand

 

La revanche de 1974 voit François Mitterrand s’imposer face au président sortant Valéry Giscard d’Estaing et porter pour la première fois la gauche à la tête de la Ve République.

Contexte : le septennat de Giscard est marqué par l’aggravation de la crise économique démarrée en 1973 et amplifiée par le second choc pétrolier de 1979, avec pour conséquence un quadruplement du chômage (1,6 millions de chômeurs fin 1980). Plusieurs affaires et scandales (les diamants de Bokassa, les morts violentes de trois politiciens – Jean de Broglie, Robert Boulin et Joseph Fontanet) entachent également la réputation du président et de ses gouvernements, de sorte que, en dépit d’avancées sociales notables comme la légalisation de l’avortement, le bilan de Valéry Giscard d’Estaing apparaît globalement décevant.

En outre, l’assise politique qui l’a conduit au pouvoir en 1974 a éclaté : son Premier ministre Jacques Chirac quitte ses fonctions en 1976 et, à partir de l’UNR gaulliste, fonde le RPR (Rassemblement pour la République) avec lequel il s’oppose frontalement au candidat du président pour la mairie de Paris qu’il remporte au terme d’une campagne virulente. En réaction, Valéry Giscard d’Estaing lance l’UDF (Union pour la démocratie française) et parvient à garder la main lors des législatives de 1978, mais n’empêche pas d’autres candidatures dissidentes de fleurir pour la présidentielle (Michel Debré et Marie-France Garaud).

Malgré cette situation difficile, le président sortant demeure favori à six mois du scrutin. L’union de la gauche qui avait prévalu en 1974 entre PS et PC n’existe plus, et François Mitterrand subit la contestation interne de Michel Rocard après avoir échoué à remporter les législatives de 1978 dont il semblait pourtant avoir toutes les cartes en main.

Les mois précédant la campagne officielle sont également le théâtre de la candidature de l’humoriste Coluche. Ce qui au départ était un canular prend rapidement des proportions inattendues, un sondage de décembre 1980 allant jusqu’à le crédite de 16% d’intentions de vote. Dès lors les pressions se multiplient sur le comique, tant du côté du pouvoir en place (Giscard est allègrement brocardé par Coluche) que de Mitterrand, qui voit dans cette candidature un risque majeur de déperdition des voix et de décrédibilisation de son action. Dépassé par les événements et la rétorsion médiatique qu’il subit (les médias sont influencés pour ne plus parler de lui), Coluche finit par annoncer en avril son soutien au candidat socialiste.

Entrant officiellement en campagne début mars 1981, Giscard d’Estaing voit les critiques sur son bilan pleuvoir de tous les côtés et l’avance que les sondages lui prédisaient s’éroder. De leurs côtés, Mitterrand (qui a réussi à mettre Rocard au pas) et Jacques Chirac (qui axe son programme sur une politique libérale à la Thatcher et Reagan) montent en puissance. Les résultats du premier tour confirment ces tendances : Giscard et Mitterrand finissent proches l’un de l’autre (28,3% pour l’un, 25,9% pour l’autre) et Jacques Chirac devance Georges Marchais pour la troisième place (18% vs. 15,4%). Parmi les autres participants, l’écologiste Brice Lalonde récolte 3,9%, Arlette Laguiller 2,3% et Michel Debré 1,7%.

L’entre-deux-tours tournera à l’avantage de Mitterrand : s’il a annoncé qu’il voterait à titre personnel pour le président sortant, Jacques Chirac ne fait rien pour le soutenir vraiment et manœuvre même en coulisses pour le désavantager. Quant au débat, il est cette fois bien géré par le socialiste, lequel ne commet pas d’erreur et marque les esprits en rétorquant à son rival qui le traitait « d’homme du passé » qu’il est quant à lui l’homme du « passif ». A l’arrivée, Mitterrand gagne avec 51,8% des votes contre 48,2% à Giscard, soit plus d’un million de voix d’écart.

 

1988 – François Mitterrand

 

Le président sortant François Mitterrand est facilement reconduit pour un nouveau mandat face à Jacques Chirac.

Contexte : les deux premières années du septennat de François François Mitterrand sont marquées par l’adoption de mesures fortes et emblématique comme la nationalisation des grandes banques et de grands groupes industriels, l’abolition de la peine de mort, la libéralisation des ondes, l’abaissement de la majorité sexuelle à 15 ans, la fin de la discrimination envers les homosexuels, l’augmentation du SMIC de 10%, la création de ce qui deviendra l’ISF, etc.

La politique de relance économique tarde toutefois à produire ses effets et entraîne une grave détérioration du déficit budgétaire et un accroissement massif de la dette publique. La situation devient intenable et, en 1983, survient « le tournant de la rigueur » qui voit la politique économique être réorientée vers l’austérité et un contrôle budgétaire plus strict.

Ce changement conjugué à l’absence de progrès sur le plan du chômage provoque une désaffection des Français vis-à-vis de l’exécutif en place, dont l’impopularité explose avec les manifestations contre le projet de loi Savary sur l’enseignement libre. Conséquence : les partis de gauche sont balayés aux législatives de 1986 qui voient Jacques Chirac triompher.

Commence alors la première cohabitation de la Ve République. Elle sera dure, chaque camp multipliant les coups bas contre l’autre, et finit par profiter à Mitterrand dont les sondages remontent tandis que ceux de Chirac chutent d’autant plus qu’il voit se dresser la candidature centre-droite de Raymond Barre (UDF), ex-Premier Ministre (1976-81) de Valéry Giscard d’Estaing.

Si Chirac devance Barre au premier tour de la présidentielle (24 avril), son faible score (19,9%, alors que Mitterrand a reçu 34,1% des suffrages, Barre en récoltant quant à lui 16,5%) lui laisse peu d’espoirs. Le débat âpre de l’entre-deux-tours où Mitterrand lui lance deux réparties cinglantes n’arrangent pas ses affaires, et les deux coups de théâtre de dernières minutes (la libération de trois otages au Liban et la prise d’otage d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie qui se conclut par la mort de 19 indépendantistes kanaks) ne modifient pas la donne, Mitterrand remportant sans difficulté le second tour avec 54% des voix.

Autre fait saillant de l’élection : la percée du Front national, dont le leader Jean-Marie Le Pen recueille 14,3% des voix au premier tour. En croissance aux élections locales depuis le début des années 1980, le FN a effectué une entrée spectaculaire à l’Assemblée nationale en 1986 (35 députés) grâce à l’adoption du scrutin proportionnel voulu par Mitterrand. Avec le score réalisé à la présidentielle, le parti d’extrême-droite confirme le rôle et l’influence grandissants qu’il va désormais jouer dans la vie politique française.

 

1995 – Jacques Chirac

 

1près s’être défait de son ex-ami de trente ans Edouard Balladur, puis du socialiste Lionel Jospin, Jacques Chirac accède à la présidence de la République et succède à un François Mitterrand dont le second septennat a été marqué par la maladie et les scandales.

Contexte : la structure du second septennat de François Mitterrand est proche de celle observée lors du premier : deux années à pouvoir appliquer les grandes lignes du programme prévu (lequel est cette fois davantage de centre-gauche et ne comporte plus de mesures aussi marquantes qu’en 1981), trois années maussade marquées par une situation économique chancelante et une montée de l’impopularité, et deux années de cohabitation après une déroute aux législatives. A cela s’ajoutent les nombreuses affaires venant ternir la fin de règne du président, notamment les révélations sur son passé et ses amitiés vichystes. Rayon succès, un ressort en particulier : l’adoption du Traité de Maastricht en 1992.

Vu le contexte, le retour de la droite à la présidence en 1995 paraît inéluctable. Mais avec qui ? Pour Jacques Chirac, pas de doute, son heure va sonner. Il est toutefois l’objet de contestations au sein de son propre parti, notamment de la part de la jeune garde montante, les Séguin, Carignon et Noir. Mais, alors qu’il a réussi à prendre la main et à mener au triomphe le RPR uni à l’UDF lors des législatives de 1993, c’est d’un de ses plus proches amis que va venir le coup le plus dangereux.

Échaudé par l’expérience traumatisante de la cohabitation de 1986, Chirac laisse en effet Matignon à son fidèle compagnon Edouard Balladur, lequel en retour le soutiendra en 1995 comme il l’a toujours fait auparavant. Mais Balladur se pique au jeu du pouvoir et, porté par une popularité éclatante, rompt l’accord et joue sa carte personnelle. Au fond du trou, Chirac paraît définitivement évincé, mais il relève la tête, axe sa campagne sur le concept porteur de la fracture sociale et jouit peu à peu d’un courant de sympathie grandissant, notamment grâce à l’image comique et conviviale que véhicule sa marionnette dans l’émission satirique Les Guignols de l’info sur Canal+. A l’opposé, l’image de Balladur se détériore, sa froideur, ses airs hautains sont critiqués, et son programme ne comporte pas de message fort qui marquent les esprits. A l’arrivée, Chirac, revenu du diable vauvert, gagne leur duel du premier tour avec 20,8% des voix contre 18,6% à son ex-ami.

Au second tour, c’est le socialiste Lionel Jospin qui se dresse devant Chirac. Ex-premier secrétaire du PS (1981-88) et ex-ministre de l’Éducation nationale (1988-92), il est investi candidat du parti au terme d’une primaire l’opposant à Henri Emmanuelli. Auparavant, le Président de la Commission européenne Jacques Delors avait longtemps été pressenti pour mener le PS au combat, mais il annonce en décembre 1994 ne pas vouloir le faire.

C’est donc finalement Jospin qui portera l’étendard socialiste, bien qu’il ne soit guère optimiste quant à ses chances de succès tant la gauche se retrouve affaiblie après les deux septennats de Mitterrand. Bien qu’il arrive en tête au premier tour, son score n’en confirme pas moins cette impression : 23,3%, insuffisant pour espérer lutter avec le report des voix de droite. Le second tour valide cette hypothèse, Chirac l’emportant avec 52,6% des suffrages.

Parmi les autres candidats, Jean-Marie Le Pen maintient ses 15%, Robert Hue améliore un peu le score du PCF (8,6%) et Arlette Laguiller (Lutte ouvrière) dépasse pour la première fois les 5%, au contraire du souverainiste Philippe de Villiers et de l’écologiste Dominique Voynet.

 

2002 – Jacques Chirac

 

A la surprise générale, Jean-Marie Le Pen profite de la dispersion de voix entre les candidats de la gauche et se qualifie pour le second tour. L’union sacrée s’effectue alors autour d’un Jacques Chirac pourtant amplement contesté, mais qui, étant donné les circonstances, s’impose avec le score le plus élevé jamais enregistré au cours de la Ve République (82,2%).

Contexte : le début du septennat de Jacques Chirac est marqué par les grèves et manifestations massives contre le plan de réforme des retraites publiques porté par le Premier ministre Alain Juppé. La fronde a gain de cause et l’exécutif doit piteusement faire marche arrière. Dans un autre registre, Chirac déclenche un tollé mondial en autorisant la reprises des essais nucléaires dans le Pacifique. Plus positivement, il décide de professionnaliser l’armée et suspendre le service militaire, puis déclare en juillet 1995 reconnaître la faute collective de la France en ce qui concerne la rafle du Vel’ d’Hiv de 1943.

Craignant une impopularité grandissante, Chirac décide d’avancer d’un an les législatives normalement prévues pour 1998 et dissout de manière anticipée l’Assemblée nationale. Cette décision va se révéler être un fiasco total pour le président, dont le parti est laminé par la « gauche plurielle » (socialiste, écolos, communistes) en juin 1997.

Une nouvelle cohabitation commence. Elle durera cinq ans. Ses premières années sont positives. Bien aidé par une conjoncture économique favorable, le gouvernement Jospin engrange les succès et, bien que non exempte de coups bas, la relation avec le président se déroule de manière moins tendue que les précédentes. En 2000, une réforme constitutionnelle est validée par référendum : le passage d’un septennat à un quinquennat. Elle est suivie d’un ajustement du calendrier électoral, les législatives tombant juste après la présidentielle, ce qui renforce encore le poids de celle-ci et réduit drastiquement les risques de future cohabitation.

2001 et les premiers mois de 2002 voient toutefois le contexte économique se dégrader avec l’éclatement de la bulle Internet, puis avec l’impact des attentats du 11 septembre. Sur la scène politique française, la situation s’envenime :

  • le thème de l’insécurité (tant terroriste que pour ce qui concerne la petite et la grande délinquance) occupe une place grandissante dans les débats et entretient un climat anxiogène ;
  • les affaires judiciaires impliquant le camp Chirac reviennent en force et nuisent à la réputation déjà écornée du président sortant ;
  • Lionel Jospin se met à dos une partie de la gauche en qualifiant son programme de « moderne mais pas socialiste ».

Conséquence : les candidatures alternatives ou dissidentes se multiplient (16 participants à la présidentielle, un record) et la campagne se déroule dans un climat malsain, pesant et détestable. Rien cependant ne laisse entrevoir la surprise colossale qui va se produire le 21 avril : l’élimination dès le premier tour de Lionel Jospin. Pénalisé par les scores cumulés de l’extrême-gauche (5,7% pour Arlette Laguiller, 4,3% pour Olivier Besancenot de la Ligue communiste révolutionnaire), des écolos (5,3% pour Noël Mamère), du souverainiste de gauche Jean-Pierre Chevènement (5,3%, un score décevant pour lui qui s’était rêvé bien plus haut), du communiste Robert Hue (3,4%) et de la radicale Christiane Taubira (2,3%), Lionel Jospin ne récolte qu’un médiocre 16,2% et termine troisième à 0,7 points (200 000 voix) de Jean-Marie Le Pen … lequel était pourtant affaibli par la dissidence de son ex-compagnon de route Bruno Mégret (2,3%).

Au sein de l’électorat de gauche, le traumatisme est considérable. Très vite cependant, l’unanimité se fait : entre Super Facho et Super Menteur (le nouveau surnom dont les Guignols de l’info ont affublé Chirac au cours de la campagne), ce sera Super Menteur. Ainsi, après avoir obtenu le moins bon score enregistré par un président sortant au premier tour (19,9%, provoqué également en partie par une dispersion des voix de la droite, avec l’UDF François Bayrou à 6,8%, le « chasseur » Jean Saint-Josse à 4,2%, le libéral Alain Madelin à 3,9% et la chrétienne-démocrate Christine Boutin à 1,2%), Chirac, avec 82,2% des voix, obtient le résultat le plus élevé jamais atteint par un candidat au second tour de la présidentielle de la Ve République.

 

2007 – Nicolas Sarkozy

 

Chantre d’une ligne « droite décomplexée » faisant de la valeur « travail » et de la lutte contre l’insécurité les piliers de son programme, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy siphonne le vote extrême-droite et remporte haut la main la présidentielle face à la socialiste Ségolène Royal.

Contexte : sur le plan international, le premier quinquennat de la Ve République est marqué par l’opposition de la France à la guerre en Irak voulue par les Etats-Unis. Cette position ferme tenue par le président Jacques Chirac et son ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin vaut au pays les foudres des Américains et de leurs alliés, mais aussi le respect de ceux qui ne croient pas les motifs invoqués pour renverser Saddam Hussein.

Sur le plan intérieur en revanche, la situation est moins rose. Le gouvernement Raffarin devient vite impopulaire et provoque la défaite de l’UMP aux régionales de 2004. Cet échec n’est toutefois rien en comparaison du camouflet reçu en 2005, lorsqu’une majorité de la population répond « Non » au référendum sur l’adoption de la Constitution européenne, pourtant également soutenu par le parti socialiste.

Ces déconvenues contraignent Chirac à attribuer un rôle de plus en plus important à l’ambitieux Nicolas Sarkozy. L’animosité éprouvée par le président à son égard est pourtant profonde (Sarkozy l’a « trahi » en 1995 en prenant fait et cause pour Edouard Balladur), mais son activisme incessant le rend incontournable. D’abord ministre de l’Intérieur, il devient ensuite brièvement ministre de l’Économie, puis simultanément ministre de l’Intérieur et ministre d’Etat, une position qui fait de lui le n°2 du gouvernement formé au lendemain du « Non » au référendum européen par Dominique de Villepin.

En parallèle, Nicolas Sarkozy prend également la tête de l’UMP et se ménage une voie royale pour être le candidat incontesté de la droite en 2007. Le déclin physique de Jacques Chirac conjugué à sa nette baisse de popularité interdisent en effet au président sortant de se représenter, tandis que son poulain le Premier ministre Dominique de Villepin non seulement est affaibli par la contestation virulente de la rue à l’encontre de son projet Contrat première embauche (CPE), mais est en outre peu apprécié au sein de l’UMP où ils sont nombreux à lui reprocher la dissolution de 1997 qu’il avait conseillé à Chirac de mener. De son côté, Sarkozy pratique un discours musclé contre la délinquance, notamment en déclarant vouloir « nettoyer au Kärcher » une cité de banlieue gangrenée par la violence et le non-respect des lois. Cette sortie lui vaut de nombreuses critiques mais renforce aussi son image d’homme déterminé, de même que son attitude ferme lorsque éclatent les émeutes de 2005 suite à la mort des deux adolescents Zyed et Bouna, électrocutés dans un poste électrique où ils s’étaient réfugiés pour éviter un contrôle de police. Au bout du compte, les positions de Nicolas Sarkozy clivent fortement l’opinion mais assoient aussi sa stature au sein d’une partie de l’électorat, de sorte que sa candidature à la présidentielle en tant que représentant de l’UMP devient rapidement une évidence.

De son côté, le parti socialiste se remet vaille que vaille du traumatisme du 21 avril 2002 et se cherche un nouveau leader étant donné la retraite de Lionel Jospin. Pour 2007, c’est une femme qui va émerger : Ségolène Royal, ex-ministre de Jospin, présidente de la région Poitou-Charentes, et compagne du premier secrétaire du parti François Hollande.

En adoptant une approche tournée vers la participation citoyenne, Royal apporte de la fraîcheur aux débats et crée une dynamique qui lui permet de remporter haut la main la primaire socialiste. Cet état de grâce ne va toutefois pas durer, Royal ne parvient pas à enclencher la vitesse supérieur ni à structurer son projet, au contraire d’un Nicolas Sarkozy ultra-préparé qui prend le contrôle de la campagne et impose ses thèmes à l’agenda de tous. Son meilleur coup ? Le slogan « Travailler plus pour gagner plus », qui s’impose comme le leitmotiv de la campagne et parle à une grande partie des Français.

En face, le navire Royal prend d’autant plus l’eau qu’une partie des médias se plaît à monter en épingle quelques boulettes anecdotiques, tel le lapsus « Bravitude » au lieu de « Bravoure » qui lui collera désormais à la peau. Bref la victoire s’éloigne à grands pas pour le PS et, à un moment, surgit même le spectre d’une possible nouvelle absence au second tour, le candidat UDF François Bayrou paraissant susceptible de ravir la deuxième place. Pour s’en prévenir, les socialiste agitent à tour de bras l’argument « vote utile », en référence aux voix qui s’étaient dispersées en 2002 et avaient conduit à l’élimination de Jospin. Le propos fait mouche, les candidatures alternatives de gauche ne récolteront cette année-là que peu de suffrages et Ségolène Royal devancera nettement Bayrou (25,9% vs. 18,6%). Mais devant elle, Nicolas Sarkozy a obtenu un score plus élevé encore : 31,2%, bien plus que Chirac en 1995 et 2002. Sa stratégie a fonctionné à plein, sa mise en avant de la valeur « travail » et son discours sécuritaire musclé ont rassemblé la droite autour de lui et siphonné l’électorat d’un Jean-Marie Le Pen qui, loin de répéter son exploit de 2002, tombe de 16,9% à 10,4% et termine quatrième.

Fort de cet avantage, Nicolas Sarkozy est dans un fauteuil pour le second tour. Ni les tentatives de rapprochement entre Royal et Bayrou (lequel ne donnera finalement pas de consigne de vote) ni le débat de l’entre-deux-tours ne changeront la donne, le représentant de l’UMP l’emporte avec 53,1% des voix.

 

2012 – François Hollande

 

Après avoir gagné une primaire bouleversée par la mise hors-jeu du favori Dominique Strauss-Kahn, le socialiste François Hollande défait le président sortant Nicolas Sarkozy, dont le mandat a été marqué par la crise de 2008, mais aussi l’hostilité de plus en plus forte que les Français lui ont manifesté. A la troisième place, Marine Le Pen marche dans les pas de son père et réalise le meilleur score du FN.

Contexte : le quinquennat de Nicolas Sarkozy se révèle catastrophique tant sur le fond que sur la forme. Certes, pour sa défense, peut-il plaider la terrible crise financière démarrée en 2008 qui a bouleversé la donne et largement contribué à l’échec du « Travailler plus pour gagner plus » dont il s’était fait le chantre.  N’empêche, sous sa présidence, la situation économique s’est dégradée, le chômage s’est accru et, bien qu’il affirme et répète que sans lui le pays aurait été dans un état pire encore, c’est surtout un sentiment d’impuissance à enrayer le déclin de la France que beaucoup retiennent.

A ce bilan défavorable s’ajoute un autre handicap lourd pour la réélection de Nicolas Sarkozy : son style. C’est peu dire en effet que le nouveau président a eu beaucoup de difficultés à endosser les habits de la fonction, qu’il a eu beaucoup de mal à se « présidentialiser ». Au lieu de rassembler, son attitude a clivé et a toujours plus heurté les Français. La première maladresse a eu lieu dès avant sa prise de fonction, avec le soir même de sa victoire un dîner au restaurant-chic « Le Fouquet’s », suivi de quelques jours de vacances sur le yacht du milliardaire Vincent Bolloré. L’image d’un « président des riches » ne le lâchera plus, et elle sera d’autant plus dévastatrice que va s’y ajouter celle du « président bling-bling », au train de vie ostentatoire et dont la vie privée s’étale dans la presse (divorce avec son épouse Cécilia, romance et remariage avec Carla Bruni).

Enfin, il y a les scandales. Ceux-ci sont nombreux et le concernent lui et son entourage. Parmi les plus dévastateurs : celui dit de « l’EPAD », lorsqu’il veut que son fils Jean (alors 23 ans, pas encore diplômé en droit, sans expérience) soit nommé à la tête de l’organisme en charge du développement du centre d’affaires de la Défense. Les accusations de népotisme fusent et le tollé est énorme. Puis il y a les affaires financières, celle concernant la famille Bettencourt, celle concernant un possible financement de la campagne de 2007 par Kadhafi (que Sarkozy contribue à renverser en 2011), celle impliquant le ministre du Budget Eric Woerth. Et puis il y a les scandales divers et variés, comme celui touchant le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, ou celui impliquant le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux.

Bref, le quinquennat Sarkozy est avant tout tumulte et bruit. A l’opposé, François Hollande, son principal rival pour la présidentielle, met en avant sa normalité : s’il est élu, il mènera une présidence « normale », sous-entendu apaisée et cherchant à rassembler. Paradoxalement, sa victoire à la primaire socialiste doit pourtant tout à un énorme tremblement de terre : l’inculpation pour viol à New York en mai 2011 du président du FMI Dominique Strauss-Kahn. Ici aussi, le choc est immense : DSK était alors le grand favori de la présidentielle, celui dont il était écrit qu’il allait écraser la primaire socialiste et faire de même avec Nicolas Sarkozy. Le traitement judiciaire de l’affaire et la révélation de son comportement obsessionnel et agressif envers les femmes le mettent définitivement hors-jeu et propulsent en tête des intentions de vote un François Hollande qui jusque-là végétait dans les profondeurs des sondages.

Face à un adversaire que rejettent majoritairement les Français, Hollande a toutes les cartes en main pour gagner. La campagne n’en est pas pour autant une partie de plaisir. Luttant jusqu’au bout pour inverser le destin que lui promettent les pronostics, Sarkozy mène une campagne à droite toute pour limiter la fuite de ses électeurs vers Marine Le Pen, laquelle vient de prendre la succession de son père à la tête du FN. La stratégie ne fonctionne qu’à moitié : au soir du premier tour, le président sortant ne vire pas en tête (une première sous la Ve République), Hollande le devance avec 28,6% contre 27,2%, et Marine Le Pen obtient le meilleur score jamais enregistré par le Front national à une présidentielle (17,9%).

Loin de s’avouer vaincu, Nicolas Sarkozy redouble d’énergie pendant l’entre-deux-tours, courtise plus que jamais l’électorat FN et réclame que soient organisés non pas un débat, mais trois (ce que Hollande refusera). Au bout du compte, tous ses efforts lui permettront de limiter la casse, mais pas de démentir ce que les augures prédisaient depuis des mois : Hollande est élu président (51,6% des voix) et, dix-sept ans après le départ de Mitterrand, un socialiste s’installe à nouveau à l’Élysée.

La synthèse de la campagne 2012

Le dossier complet sur la campagne 2012

 

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