L’événement a lieu à la bibliothèque présidentielle Ronald Reagan, située dans les environs de Los Angeles. En arrière-plan de la scène : l’avion Air Force One de l’ancien président. Le débat principal (organisé par CNN et la radio Salem Network) réunit les dix participants du premier débat à Cleveland, auxquels s’ajoute Carly Fiorina, promue grâce à sa prestation remarquée lors de la session des seconds couteaux début août.

2e débat républicain, septembre 2015, organisé à la Bibliothèque Ronald Reagan - Auteur : Mark J. Terrill/AP - Trouvé sur http://wlrn.org/post/second-gop-debate-numbers

Les candidats à la primaire républicaine lors de leur deuxième débat, devant l’Air Force One de Ronald Reagan (Photo : Mark J. Terrill/AP)

 

Résumé

 

  • Carly Fiorina est la gagnante du jour. Elle est sortie du lot grâce à ses qualités oratoires, ses réponses argumentées et sa façon de gérer les escarmouches qui l’ont opposée à Donald Trump.
  • Une question se pose toutefois : dans quelle mesure ce sentiment à son égard est-il dû au manque de relief des autres candidats ? Bush est terne, Carson effacé et n’a pas dit grand-chose d’intéressant, tandis que Paul, Cruz, Walker, Huckabee et Kasich n’ont pas marqué les esprits.
  • Quant à Trump, il a été en mode alternatif. Soumis à de nombreuses attaques de la part de ses rivaux (souvent amenées par le modérateur de CNN, lequel ne s’est pas privé de les questionner sur certaines remarques désobligeantes du milliardaire à leur égard), il s’en est sorti de manière mitigée, notamment lors d’un échange avec Fiorina relatif à ses propos machistes quant au visage de celle-ci (cf. infra). Concernant sa performance générale, il est apparu moins virulent que lors des sorties précédentes, disparaissant même des radars lors de la dernière heure de débat (lequel a quand même duré … trois heures). Et si juger qu’il a été mauvais serait exagéré (il est resté bon dans le rôle d’amuseur), il n’empêche que l’absence de propositions concrètes et réalistes derrière ses slogans-chocs a transparu dès lors que les échanges devenaient un peu pointus. La baudruche commence-t-elle à se dégonfler ?
  • Un point sur lequel les candidats républicains sont unanimes : l’Amérique est dans un état de déliquescence terrible et c’est la faute à Obama (lequel aura plus tard beau jeu d’ironiser sur leur négativisme et les appeler à faire preuve de responsabilité pour éviter un nouveau shutdown dans les prochaines semaines (cf. infra le débat sur le planning familial).

 

Thèmes abordés

 

1°) L’aptitude de Trump à présider

 

Le milliardaire a reçu des taquets de tous côtés.

  • Rand Paul : « Imaginez-vous quelqu’un d’aussi rustre négocier avec l’Iran ? », suivi d’un « Il attaque les gens sur leur apparence, on faisait ça à l’école ». A quoi Trump rétorque : « je ne l’ai pas attaqué sur son apparence, alors qu’il y aurait beaucoup à en dire ».
  • La première intervention de Huckabee fut pour souligner que les onze présents ce soir formaient une « A-Team », et que Donald Trump était leur Mister T qui ne gêne pas pour dire aux autres qu’ils sont idiots.

    « The A-Team », « L'Agence tous risques » en version française, avec Mister T à droite.

    « The A-Team », « L’Agence tous risques » en version française, avec Mister T à droite.

  • L’attaque la plus tranchante a été la moins frontale. Elle fut l’œuvre de Marco Rubio qui déclara que le nouveau président devrait être informé à fond dès son entrée en fonction des aspects les plus pointus de la politique étrangère, soulignant ainsi implicitement la méconnaissance avérée de Trump sur nombre de ces aspects. A cela Trump répondit mollement par un « Je suis un businessman » et « J’en saurai plus le moment venu ». Bush fit un commentaire semblable (« le nouveau président devra gérer une situation compliquée, il faut qu’il comprenne bien la situation »), de même que Kasich (« Il y a ici beaucoup de buzz, mais il faut parler des solutions concrètes »).
  • Sur le fait que Trump se présente comme un businessman plutôt qu’un politicien, Walker commenta : « on n’a pas besoin d’un apprenti à la Maison Blanche, on en a déjà un maintenant ».
  • Carson a qualifié de « socialiste » sa proposition d’accroître la progressivité de l’impôt. A contrario, il ne le désavoua pas fermement sur son point de vue concernant la vaccination qui accroîtrait les risques d’autisme (cf. infra)
  • Jeb Bush a été l’un des plus offensifs. Ainsi, en réponse à une citation de Trump le traitant de « marionnette » aux mains de ceux qui financent sa campagne, il déclara que le seul donateur qui ait jamais cherché à l’influencer s’appelait … Donald Trump, lorsqu’il cherchait à obtenir l’autorisation d’ouvrir un casino en Floride. Plus tard, Bush exigea des excuses pour sa femme (d’origine mexicaine) suite aux propos de Trump affirmant qu’elle influençait son opinion en matière d’immigration ; Trump refusa de s’excuser, prétextant qu’il n’avait rien dit de faux.
  • Bush et Christie ont été catégoriques sur son idée de mur à la frontière mexicaine : c’est idiot.
  • Le même Christie siffla la fin de la récré lors d’une passe d’armes entre Fiorina et Trump sur leurs performances respectives de chefs d’entreprise (les casinos pour Trump, HP pour Fiorina), qualifiant leur algarade de « puérile ».

L'entrée du Trump Plaza à Atlantic City en 2010 (Photo : AP Photo/Mel Evans)

L’entrée du Trump Plaza à Atlantic City en 2010 (Photo : AP Photo/Mel Evans)

  • Les escarmouches entre Trump et Fiorina furent multiples. La plus commentée concerna une remarque de Trump au magazine Rolling Stone sur le visage de Fiorina (« Regardez ce visage ! Qui voterait pour ça ? »), ce à quoi l’intéressée, invitée à réagir à ces propos, répondit : « Pas besoin de réagir, les femmes de ce pays ont clairement entendu ce qu’il a dit ». De son côté, Trump tenta de se rattraper en expliquant qu’il parlait de sa personnalité, pas de son physique.
  • Fiorina batailla aussi sur sa gestion des casinos (« uniquement bâtie sur la dette ») et les quatre faillites qu’il a subies, avant d’expliquer qu’était un non-sens son idée de réviser la Constitution pour empêcher les enfants nés de parents immigrants illégaux d’obtenir automatiquement la citoyenneté américaine.

 

Trump ne s’est pas contenté de subir, il a aussi attaqué. Ainsi, a-t-il :

  • contesté si tôt le débat commencé la présence de Rand Paul au vu de ses faibles sondages.
  • affirmé la coresponsabilité des sénateurs républicains dans la situation en Syrie, lesquels auraient dû (selon lui) autoriser les bombardements sur les troupes de Bachar el-Assad. Rubio répondit que le plan d’Obama ne se donnait pas les moyens de réussir et mettait en danger les troupes américaines.
  • attaqué Rubio sur son faible taux de vote au Sénat, lequel exposa en retour sa position (cf. infra).
  • taquiné Bush qui tentait de se montrer véhément (« More energy tonight ! I like that ! », en référence à une déclaration précédente où il avait traité Bush de candidat « low energy » – de basse intensité).
  • critiqué la gestion de Fiorina au sein de Lucent et HP (aidé en cela par l’actualité, avec l’annonce toute chaude d’un nouveau plan de licenciement chez HP).
  • imposé deux improbables shake-hands/give-me-five à Carson et Bush.

 

2°) La politique étrangère

  • L’accord nucléaire avec l’Iran : pour tous ou quasi, c’est un mauvais accord qu’il faut dénoncer (« il y va de la survie de la civilisation occidentale », dixit Huckabee). Deux voix dissonantes : Paul et Kasich, qui veulent laisser sa chance à l’Iran (même si Kasich ne lui fait pas confiance).
  • Interventionnisme, Irak, Syrie, Poutine : Paul, Carson et Trump sont pour un interventionnisme réfléchi, rappellent qu’ils ont été en défaveur des guerres récentes (Paul cite l’Irak, Trump aussi, Carson ajoute l’Afghanistan) et sont prudents vis-à-vis de la Syrie (Paul : « l’intervention nous met parfois moins en sécurité », « il ne faut pas armer nos ennemis » et « si on avait bombardé Bachar el-Assad, Daech serai aujourd’hui au pouvoir ». Trump : « Obama a manqué de courage en Syrie » mais « il vaut mieux laisser les protagonistes actuels se battre entre eux »).
  • A l’opposé, Bush défend les interventions passées. A Trump qui l’attaque sur le bilan de son frère, il répond : « There’s one thing I know about my brother : he kept us safe » (« Il y a une chose que je sais au sujet de mon frère : il nous a gardé en sécurité »), récoltant de vifs applaudissements et recevant le soutien de Christie et Walker. Réponse de Trump : « Parce que vous trouvez que nous sommes en sécurité, vous ? ». De leur côté, Carson tente d’expliquer qu’il faut davantage de discussions et Rubio affirme qu’elles ne suffisent pas toujours et que, en n’armant pas les rebelles syriens, Daech a pu remplir un vide que la Russie tente également de remplir aujourd’hui. Quant à Walker et Fiorina, ils se positionnent sur une ligne dure, prônant un accroissement de l’effort militaire et (dans le cas de Fiorina) un discours beaucoup plus ferme vis-à-vis de Poutine. Kasich évoque également le besoin de davantage de troupes, mais ajoute qu’il faut aussi gagner la bataille des idées.
  • Israël : la nécessité de soutenir l’État hébreu et de renforcer les liens avec lui a été maintes fois évoquée.

 

3°) L’immigration

Wall

  • L’absolue nécessité de sécuriser la frontière a été soulignée à maintes reprises (Trump, Fiorina, Christie, Rubio, Cruz) mais le mur préconisé par Trump rejeté (Christie, Fiorina), tout comme Fiorina a balayé sa proposition de révision de la Constitution pour que les enfants nés aux USA d’immigrants illégaux ne se voient plus automatiquement attribuer la citoyenneté américaine.
  • Rubio insista sur le besoin impérieux de moderniser le système d’immigration légale.
  • Carson a parlé de donner la possibilité aux fermiers d’engager de la main-d’œuvre immigrée pour six mois afin de pourvoir à des travaux agricoles que les Américains ne veulent pas effectuer.
  • Dans le débat des seconds couteaux, Graham a souligné l’importance de l’immigration pour faire face à la retraite à venir des baby-boomers. Personne dans le débat principal (à part un peu Carson) n’a présenté l’immigration comme une opportunité, le focus restant sur le problème de l’immigration illégale (petit bémol : Rubio et Cruz évoquant leur passé familiale).

 

4°) L’économie

Elle a été assez peu abordée ce soir-là, si ce n’est pour évoquer :

  • la fiscalité : Cruz et Huckabee veulent l’élimination de l’IRS, Paul plaide pour un seul taux pour tout le monde, comme Carson (qui se réfère à la Bible). Seule voix dissonante : Trump et sa volonté d’accroître la progressivité de l’impôt, ainsi que de faire payer davantage les gens très riches (genre les propriétaires de hedge funds) qui parviennent à passer entre les mailles fiscales.
  • le salaire minimum : certains sont pour (Carson, notamment en faveur d’un salaire minimum pour les jeunes), d’autres contre (Walker).

 

5°) Thèmes sociaux

  • L’avortement : nombreux sont les candidats à avoir tiré à boulets rouges sur le programme de « Planned Parenthood » (le planning familial, lequel fait l’objet d’une tentative de blocage au Congrès qui pourrait entraîner un « shutdown »). Cruz est fier de se battre pour la vie et juge horrible que les contribuables soient ponctionnés de $500m pour financer une « entreprise criminelle ». Bush se pose en plus grand défenseur de la vie, tandis que Fiorina somme Obama et Clinton de visionner une vidéo (controversée) montrant le calvaire d’un fœtus dans un centre (présumé) du planning familial. Quant à Christie, il se vante d’avoir saboté le planning familial au New Jersey.
  • L’Obamacare a été vomi par tous les intervenants qui l’ont cité. Une véritable obsession.
  • Marijuana : Paul critique la législation fédérale qui en entrave l’usage à des fins médicales ; Bush (qui a bien réagi lorsque Paul l’a implicitement visé en parlant des « hypocrites », référence au fait que Bush a fumé du cannabis dans sa jeunesse, ce qu’il a déjà admis) explique que l’épidémie de drogues dans son ensemble est un problème et qu’il faut une approche cohérente ; Fiorina évoque sa famille touchée par ce fléau (décès de la fille de son second mari, en partie liée à la drogue).
  • Échange surréaliste sur les vaccins : le modérateur demande à Carson son opinion sur l’affirmation de Trump associant vaccins et autisme. Carson réfute mollement et prend la tangente en suggérant qu’il conviendrait sans doute de davantage espacer les vaccinations. Également interrogé, Paul (médecin de formation) conclut qu’il faut laisser à chacun la liberté de choisir.
  • Santé : Huckabee veut que le prochain président déclare la guerre au cancer, au diabète, aux maladies cardiovasculaires et à Alzheimer.
  • Les armes à feu : Bush dit qu’il ne faut pas réguler leur vente ; Rubio renchérit : « les criminels trouveront toujours des armes ; le problème, c’est la perte de valeurs ».
  • Le mariage gay : évoqué via le cas d’une fonctionnaire du Kentucky sanctionnée (à la colère de Huckabee) pour avoir refusé d’en célébrer un. Bush : « il faut aménager la loi pour empêcher quiconque d’être mis en contradiction avec sa conscience » et « ces questions doivent être résolues au niveau local ».
  • Environnement : Rubio estime que les réponses fédérales au changement climatique sont inadaptées et vont tuer l’emploi ; il souligne aussi la responsabilité de la Chine. Christie abonde et souligne que, dans son New Jersey, toutes les solutions développées sont économiquement viables.

 

6°) Les démocrates

Les irréductibles ennemis n’ont pas été oubliés :

  • D’emblée, Huckabee signale qu’aucun des onze républicains sur scène ce soir n’est sous le coup d’une enquête du FBI (cf. Clinton et ses emails). Christie en rajoute une couche en déclarant que cette affaire de serveur privé est grave et qu’il faut poursuivre Clinton en justice. La charge la plus virulente vient de Fiorina qui déclare que Clinton a un bilan effroyable en matière de mensonges (cf. Benghazi) et que, pour ce qui est des nombreuses réalisations qu’elle affirme avoir accomplies, elle devrait savoir que « flying is an activity, not an achievement » (« voler – en avion – est une activité, pas une réalisation) ».
  • Sur Clinton toujours, cette fois en lien avec l’accord nucléaire conclu avec l’Iran, Cruz se lâche en affirmant : « Si vous votez pour Hillary, vous votez pour que Khamenei ait la bombe nucléaire ».
  • Obama a été évidemment régulièrement vilipendé (cf. entre autres la sortie de Walker : « on n’a pas besoin d’un apprenti à la Maison Blanche, on en a déjà un maintenant »).

 

7°) A propos d’eux (parcours, compétences, autres)
  • Paul, Huckabee, Walker : rien noté de spécial. Cruz : a rappelé ses racines irlando-italo-cubaines.
  • Rubio : évoque son grand-père immigré de Cuba ; il espère pouvoir s’y rendre un jour et trouver un pays où les gens sont libres de choisir leur destinée. Sur son faible taux de présence au Sénat : il le revendique, s’étant rendu compte de l’inanité d’y participer tant cette institution est déconnectée de la réalité. Il ne s’y représentera d’ailleurs pas et affirme qu’il faut surtout avoir un bon président.
  • Carson : ne veut pas avoir de lien avec des groupes d’intérêt et veut apporter du leadership.
  • Trump : « oui, je suis un amuseur, mais avant tout un businessman, c’est ce dont le pays a besoin, et en plus, je lui ramènerai le respect ».
  • Bush : « j’ai coupé des budgets, j’ai diminué des impôts ».
  • Fiorina : rappelle que son parcours (de secrétaire à CEO) est représentatif du rêve américain et explique pourquoi les outsiders ont la cote : la classe politique traditionnelle échoue depuis des années, elle est corrompue, inepte et n’arrive pas à résoudre les mêmes problèmes qui se reposent inlassablement. Les outsiders, eux, veulent bousculer le statu quo et changer un système inopérant.
  • Kasich : il met en avant son bilan quand il œuvra à Washington.
  • Christie : il parle beaucoup de lui (« moi au New Jersey, j’ai fait ceci et cela » ; « moi, le 11 septembre, j’ai failli perdre ma femme » ; « moi, j’ai perdu des amis » ; « moi, Bush m’a nommé pour l’aider à empêcher qu’un tel drame se reproduise ») et tente de mettre le public de son côté (par exemple en demandant de diriger la caméra sur les gens dans la salle pour montrer que c’est eux – le peuple – qui importe, pas lui).

 

Bilans individuels

 

Trump : cf. les points évoqués supra.

 

Paul : convaincant quand il s’exprime, mais globalement discret. Il se démarque de la plupart des candidats par son refus d’interventionnisme et sa tolérance vis-à-vis de la marijuana.

Huckabee : ses sorties étaient peu nombreuses mais bien préparées : l’entrée en matière avec la blague sur la « A-Team » et Mr. T ; la tirade de conclusion résumant son programme ; un énervement sur la sanction infligée à la fonctionnaire ayant refusé de célébrer un mariage gay, un autre sur l’Iran qui menace la survie de la civilisation occidentale ; une sortie sur la nécessité de déclarer la guerre au diabète, cancer, maladies cardiaques et à Alzheimer (Huckabee souffre du diabète et prône une médecine controversée pour soigner ce mal) ; … . Le reste du temps cependant, il fit surtout preuve d’une grande discrétion. Rayon idées, pas de surprise : il est pro-life, défend le respect des lois par tous et se montre tendance faucon.

 

Photo officiel de Marco Rubio en tant que sénateur (2011)Rubio a marqué des points. L’homme est jeune et présente bien (malgré le bide d’une tentative de bon mot sur la sécheresse en Californie lors de son entrée en matière). Tendance faucon, il est aussi conservateur sur la question des armes et des mesures en matière d’environnement (où il a pu compter sur le soutien de Christie qui a mentionné que Rubio n’était pas climato-sceptique, ce qui n’était pas évident au vu de son intervention). Il joue sur la fibre hispanophone (cf. une anecdote sur son grand-père réfugié de Cuba et arrivé aux États-Unis sans savoir parler anglais) et rappelle qu’il est lui aussi un produit du rêve américain. Tente de se positionner comme un outsider (cf. ses déclarations sur un Sénat déconnecté de la réalité et où il ne se représentera pas, surfant ainsi sur la vague du « les politiciens ne comprennent le peuple »).

 

Cruz : il était là, a parlé souvent et pris des poses de mâle alpha pour montrer qu’avec lui, on ne rigole pas, mais sans marquer les esprits. Est un ardent pro-life ; créera une multitude de nouveaux emplois grâce à une réforme forte du code fiscal ; sera implacable avec les terroristes, l’Iran n’aura jamais l’arme nucléaire et il installera une ambassade américaine à Jérusalem ; et surtout, surtout, il supprimera l’Obamacare.

Walker : sentiment un peu semblable à celui éprouvé pour Cruz : il était là, a dit des choses, parfois de manière très martiale (sur l’Iran, sur la Chine) mais, au bout du compte, il est peu marquant. Sa campagne semble dans l’impasse.

 

Ben Carson en 2015Carson : veut apporter du leadership à l’Amérique, mais ce n’est pas une qualité qui transparaît de ses interventions. Promeut l’unité et se positionne comme un sage logique, responsable et non-guidé par d’intérêts autres que ceux du peuple. Posé et réfléchi, on ne peut toutefois pas dire qu’il envoie du rêve, ni qu’il enthousiasme. Ennuyeux en fait. Peu probable qu’il soit vraiment en mesure de gagner la primaire. Mesures-phares : un taux fiscal unique (comme beaucoup), un salaire minimum (plus rare).

 

 

 

Jeb Bush en 2015Bush : quelques coups d’éclats vis-à-vis de Trump (l’accusation sur le fait qu’il ait été le seul donateur à avoir jamais tenté de l’influencer ; la demande d’excuses vis-à-vis de sa femme), mais en général assez terne. Jeb Bush donne l’impression d’être dans un costume étriqué qui le gêne. L’homme a les moyens de prendre la tête mais son comportement guindé et trop establishment (alors qu’une partie conséquente de la base attend moins de politiquement correct) le dessert. Pour l’instant seulement ? Il a les moyens financiers, l’entourage (quoi que ce dernier point puisse aussi le pénaliser, une partie de cet entourage ayant été présent avec son frère, dont le bilan est controversé au sein même du GOP), peut exciper son expérience de gouverneur et, sous des dehors gris, n’est pas dénué de prestance (plus que son frère). Bref, il a les moyens pour émerger sur le long terme mais risque de voir un autre candidat réussir à prendre l’ascendant au centre. Walker ? Il est en perte de vitesse et n’a pas impressionné. Rubio ? Certains le pensent.

 

Carly Fiorina en 2015Fiorina : la grande gagnante du jour. Niveau communication et prestance, elle n’a de leçon à recevoir d’aucun de ses rivaux. L’expérience emmagasinée à la tête d’HP lui sert à plein, elle en impose, sait se défendre sans être agressive (cf. supra la réponse à la remarque de Trump sur son visage) et distille sans trop en faire des éléments de sa vie privée ou professionnelle qui la rapprochent du public (la mort d’une des filles de second mari, en partie liée à la drogue ; son parcours en entreprise, qui l’a menée du bas de l’échelle au plus haut niveau). « Distiller » est le mot juste : Fiorina n’a pas été dans l’émotion, comme elle n’a pas joué de sa qualité de femme, même lors de l’échange (provoqué par le modérateur, pas par elle) avec Trump sur son visage, échange au cours duquel elle ne la joua pas scandalisée ni ne prit la Terre entière à témoin, se contentant de répondre sobrement (et efficacement) que les femmes avaient clairement entendu les propos du milliardaire et qu’elle n’avait rien à ajouter. Voilà pour la partie émotion et féminité. Car sur quasi tous les autres sujets, Fiorina a surtout voulu prouver qu’elle pouvait se montrer aussi résolue et inflexible que les candidats masculins les plus testostéronés. Ses prises de position sur la reprise des dépenses militaires, les interventions à l’étranger, le soutien à Israël et l’avortement (contre lequel elle sortit une tirade enflammée) ont été fermes et musclées, et elle a en outre été l’auteur d’une attaque au vitriol à l’égard d’Hillary Clinton (cf. supra, sur l’attitude de celle-ci concernant Benghazi, et ses « accomplissements » en général), sans parler du jugement qu’elle a porté sur la classe politique dans son ensemble. Bref, Fiorina a montré être une personnalité déterminée, à caractère fort, tendance conservatrice hardcore, et qui, en outre, connait les dossiers, comme en témoigne, lors d’une adresse virulente à l’égard de Poutine, la litanie des mesures militaires qu’elle préconise afin de mettre sous pression le dirigeant russe (rien ne dit que toutes sont réalistes, mais elle a montré avoir plein d’idées sur le sujet). Une prestation convaincante donc, qui ne devrait pas tarder à se traduire dans les sondages. De là à croire à une investiture ? Peu probable. Pour la vice-présidence en revanche, elle marque des points. Reste à confirmer sur la longueur.

 

Portrait officiel de John Kasich en tant que gouverneur de l'OhioKasich : a confirmé être le modéré de la bande, refusant d’entrer dans un concours à qui bandera ses muscles le plus, appelant au contraire à la discussion et à donner sa chance à la partie adverse (cf. l’Iran, tout en restant méfiant). Insista sur le besoin d’unité entre Républicains, et, plus encore, entre Américains (« les leaders doivent être Américains avant d’être républicains ou démocrates »). Insista aussi sur son bilan à Washington, qui, d’après lui, montre qu’il tient ses promesses. Le seul ce soir à avoir dit qu’il fallait bloquer le planning familial sans pour autant provoquer un blocage budgétaire.

 

 

Chris Christie en 2015Christie : lui aussi a marqué des points. Ses atouts : un style volontaire, donnant l’image de quelqu’un d’énergique et prêt à aller de l’avant pour saisir les problèmes à bras le corps ; une expérience d’attorney general qui le crédibilise sur les questions policières (sécurisation de la frontière, terrorisme), domaines où il est adepte d’une ligne dure. Il tenta aussi de mettre en avant son sens des priorités en sifflant la fin de la récré lors d’une algarade Trump-Fiorina, affirmant que le peuple se fichait de leurs chamailleries. Ses mots de début et de fin ont d’ailleurs été directement pour ce même peuple, martelant que l’élection portait sur les Américains et pas sur sa propre personne. En même temps, il a beaucoup parlé de lui le reste du temps, insistant sur ses initiatives au New Jersey.

Instant cocasse : interrogé sur la femme dont il voudrait voir le portrait orner le billet de $10, il dit souhaiter mettre à l’honneur la « famille Adams ». Flottement dans la salle, tout le monde pensant à la famille Addams paronyme. Christie lève vite l’équivoque (dont il ne paraît pas s’être rendu compte) : il parle d’Abigail Adams, femme du deuxième président des États-Unis et mère du sixième. Dommage, Morticia ou Wednesday Adams sur un billet de banque, ça aurait eu de la gueule.

 

Le résumé du débat en vidéo

 

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